Les membres de l’Afas publient régulièrement des notes de lectures. Elles sont à retrouver ici.
Guillaume Lachenal, Gaëtan Thomas
(Autrement, 2023, 96 p. 24€)
Un livre de 96 pages mais qui mériterait d’en faire le double, tant les informations sont riches, le contenu très illustré et les données chiffrées nombreuses.
Ce livre est conçu en cinq chapitres – La planète des pandémies, Les détectives des maladies infectieuses : la culture visuelle de l’épidémiologie, Les territoires de l’épidémie : une géographie politique, Lieux de confinement : de l’enfermement à l’invention de soi, Environnements pathogènes – complétés par une bibliographie de deux pages.
Chaque sous-chapitre, entre cinq et neuf selon le chapitre, est traité en deux pages. On s’approprie ainsi le propos très rapidement. Certains graphiques, par exemple le Global Security Index, demandent cependant quelque temps d’appropriation.
On remonte «loin», au Néolithique avec les épidémies de rougeole et de variole, puis les pandémies de peste et de fièvre jaune, puis celles de la grippe ou le choléra. Les causes sont présentées : l’invention de l’agriculture et la domestication du bétail, le commerce, les transports, l’urbanisation... ou le lien pauvreté-épidémie avec le cas du choléra à Paris entre 1820 et 1830. L’hypothèse zoonotique est discutée. Un schéma sur l’émergence des salmonelles pathogènes et la révolution néolithique est très parlant, ou celui de la peste justinienne avec les preuves archéo-biologiques de la présence de Yersinia pestis dans différentes villes en fonction de l’extension de l’Empire romain d’Orient sous Justinien.
Un chapitre souligne «le rêve de l’éradication» suite à la révolution bactériologique due aux travaux de Pasteur et de Koch, l’arrivée des vaccins et des antibiotiques. Le XXe siècle s’est particulièrement illustré dans cette lutte contre les épidémies, cancers et maladies cardiovasculaires supplantant ainsi les infections dans les statistiques de mortalité.
Une pépite, la fameuse carte de John Snow, médecin anesthésiste de Londres, publiée en 1855 : Snow visualise les décès dus au choléra dans le quartier de Soho et met en évidence le rôle d’une pompe à eau dans Broad Street. C’est la démonstration du rôle de l’eau dans la transmission du choléra et la reconnaissance de Snow comme fondateur de l’épidémiologie par beaucoup d’entre nous.
Le chapitre le plus scientifique est peut-être celui traitant de l’épidémiologie moléculaire. L’apport de la bio-informatique et des techniques de séquençage du génome se révèlent extrêmement efficaces ; rappelons que la séquence de l’ARN du Sars-CoV 2 a été publiée dès le 10 janvier 2020 !
Avec l’exemple de la maladie de Lyme (due à une bactérie du complexe Borrelia burgdorferi sensu lato transmise à l’être humain par des tiques infectées), les auteurs démontrent le rôle essentiel de la transformation des paysages périurbains dans la progression épidémique de cette borréliose. L’incidence de la maladie est de plus de 500 000 cas chaque année, principalement en Europe et en Amérique du Nord.
Cet ouvrage démontre la nécessité d’une approche géopolitique pour comprendre l’évolution du monde vivant. Il est écrit par deux universitaires, un historien des sciences, Guillaume Lachenal, et un historien, Gaëtan Thomas, tous deux membres du médialab de Sciences Po, et avec la participation de Fabrice Le Goff pour la cartographie. Ces auteurs terminent l’ouvrage par une conclusion intitulée «Les épidémies autrement», titre qui résume bien l’impression que laisse la lecture de cet atlas.
Anna Reser, Leila MacNeil
(Belin, 2023, 272 p. 24,90€)
Les femmes brillent par leur absence dans l’histoire des sciences. Et c’est une injustice selon les historiennes Anna Reser et Leila McNeil. Leur livre nous présente une impressionnante galerie de portraits de femmes, anonymes ou méconnues, «qui ont changé la science». Morceaux choisis :
Dans les mondes antique et médiéval, les femmes sont guérisseuses et sages-femmes, et les plantes médicinales sont leur chasse gardée. Leur accès à l’éducation et à la vie publique est fermé.
A partir du XVIIe siècle, quelques-unes parviennent à percer la muraille.
Maria Cunitz publie un livre de calculs d’astronomie en allemand (1650), destiné à un public profane, et corrige même des erreurs du grand Kepler.
Nicole Lepaute, épouse de l’horloger de Louis XV, calcule avec succès la date du retour de la comète de Halley, recueillant les éloges publics de l’astronome Lalande.
Marie-Anne Lavoisier, l’épouse du grand chimiste, traduit pour son mari les chimistes anglais et illustre ses livres. «Il est probable qu’il ne serait arrivé à rien sans l’aide de Marie-Anne», déclarent les auteures sans toutefois étayer cette affirmation discutable.
La botanique est le domaine privilégié des femmes.
La naturaliste allemande Maria Merian part au Suriname, à 52 ans, seule avec sa fille, pour y étudier les insectes (1699) durant vingt-et-un mois. Elle en tire un magnifique ouvrage, Metamorphosis, un chef-d’œuvre de l’histoire naturelle. Merian était aidée au Suriname par des esclaves, et les auteures déplorent, avec leurs yeux du XXIe siècle, «l’absence de vergogne des scientifiques européens qui exploitent à leur compte les savoirs des personnes qu’ils asservissaient».
Première femme à faire le tour du monde, la Française Jeanne Barret a dû se travestir en homme au départ de l’expédition scientifique dirigée par Louis de Bougainville (1766). A son retour, la Marine royale lui accorde le titre de «femme extraordinaire», et une retraite !
La vulgarisation scientifique est en vogue au XIXe siècle et les femmes s’y distinguent.
Jane Marcet assiste aux conférences de la Royal Society (1801) à Londres puis publie un livre, Conversations on Chemistry, qui bat des records de vente (seize éditions, les premières étaient anonymes). C’est en lisant ce livre que le jeune Michael Faraday, apprenti-relieur, décide de se consacrer à la science. Il deviendra l’un des plus grands savants de l’histoire.
Elisabeth Elmy a mis la science au service de son activisme féministe. Elle utilise la botanique pour initier les enfants, puis les adultes, à la sexualité humaine (1895).
De 1880 à 1930, c’est l’ère des étonnantes «dames calculatrices» dans les observatoires astronomiques du monde entier. Des centaines de femmes scrutent des milliers de clichés photographiques, calculent la position des étoiles, mesurent leurs distances et leur luminosité. Certaines vont au-delà de ces calculs répétitifs : ainsi, on attribue à Williamina Fleming, de Harvard, la découverte de dix novæ, cinquante-neuf nébuleuses et plus de trois-cents étoiles variables.
Au tournant du XXe siècle, les féministes revendiquent la libre procréation. Ce mouvement se fond parfois avec le courant eugéniste, qui cherche à limiter la reproduction de certaines catégories de population. Margaret Sanger utilise la rhétorique eugéniste pour promouvoir le contrôle des naissances et ouvre la première clinique à New York en 1916.
Bertha Parker, petite-fille du chef des Abénakis, une tribu indienne de l’Est du Canada, apprend l’archéologie dans le désert du Nevada : ses découvertes relancent le débat sur l’arrivée des humains en Amérique du Nord (1930). Selon les auteures, elle a «humanisé une science [l’archéologie] jusqu'alors farcie de croyances racistes» et rendu leur fierté aux peuples indigènes.
La biologiste Rachel Carson publie Silent Spring en 1962. Elle y dénonce les effets dévastateurs du pesticide DDT, qui sera interdit en 1972. C’est le début du mouvement écologiste. Une autre femme, Ellen Richards, professeur au MIT, révèle la pollution problématique de l’eau par les déchets industriels, notamment les dérivés du chlore.
Ce florilège ne représente qu’une petite portion des deux-cent-cinquante pages du livre et ses quelque soixante-dix personnages féminins. Les auteures ont choisi de ne pas inclure la star Marie Curie pour mieux sortir les autres de l’ombre. De même, Hypathie d’Alexandrie, mathématicienne et astronome du Ve siècle, est juste évoquée. Lise Meitner, découvreuse de la fission nucléaire (1938), n’a droit qu’à quelques lignes, et des femmes remarquables comme Emilie du Châtelet, Sophie Germain ou Ada Lovelace ne sont pas mentionnées.
Mais l’exhaustivité est impossible et les auteures sont libres de leurs choix. Par l’abondance et la qualité des personnalités présentées, la plupart méconnues, ce livre est très instructif et éclaire l’histoire des sciences d’une lumière nouvelle.
Johan Kieken
(CNRS Editions, 2023, 256 p. 25€)
L’eau est indispensable à la vie. De ce fait, elle attire les faveurs des astronomes qui la traquent dans tous les recoins de l’Univers. Johan Kieken, planétologue, dresse ici un panorama détaillé de nos connaissances sur la présence de cette «précieuse substance» dans l’espace.
L’eau affiche des propriétés exceptionnelles. Elle amortit les variations de température ; elle a un fort pouvoir refroidissant par évaporation ; elle est un excellent solvant ; elle défie la gravité en montant dans les tiges des plantes ; la glace flotte sur l’eau liquide, qu’elle protège thermiquement et empêche de geler, préservant ainsi la vie dans les lacs et rivières.
L’eau existe à l’état pur, mais aussi (et surtout ?) dans des composés hydratés. L’hydrate de méthane abonde sur Terre, dans les fonds marins et le sol gelé (pergélisol), et probablement sur d’autres planètes.
Pour détecter la molécule d’eau dans l’espace, la spectroscopie est une technique d’une étonnante efficacité. L’eau, comme toute autre molécule, émet un rayonnement qui lui est propre. Réciproquement, lorsqu’elle est exposée à un rayonnement, l’eau absorbe certaines longueurs d’onde bien définies. Les spectres d’émission et d’absorption de l’eau sont ses signatures. Ils s’étendent depuis les rayons ultra-violets jusqu’aux ondes radio, et diffèrent selon la phase : vapeur, liquide ou glace.
On rencontre la molécule d’eau dans tous les objets célestes, y compris les étoiles. On l’a détectée en grande quantité dans le spectre d’un quasar tel qu’il était il y a 12 milliards d’années. Plus près de nous, à quelque mille années-lumière, la nébuleuse d’Orion est le siège d’une intense émission de micro-ondes trahissant une forte présence d’eau.
L’auteur nous embarque pour un tour commenté du Système solaire.
Sur Mercure, aux températures torrides, l’eau venue de l’espace est tapie, glacée, au fond de cratères qui ne voient jamais le Soleil. Sur Vénus, l’eau liquide coulait jadis en abondance et a totalement disparu.
La Terre est le seul objet connu de l’Univers où coexistent en surface les trois phases : vapeur, liquide, glace. Les océans n’existaient pas à l’origine de la Terre. D’où viennent-ils ? du manteau hydraté de la Terre ou des météorites ? Il n’y a pas encore de réponse définitive.
Mars a perdu son atmosphère et son eau liquide au cours d’une histoire complexe.
Entre Mars et Jupiter, la ceinture des 800 000 astéroïdes, où l’eau est peu présente, constitue la source principale des météorites et de la poussière que la Terre reçoit en permanence (30 000 tonnes par an).
Les anneaux de Saturne sont faits de glace presque pure et se régénèrent sans cesse.
Europe, un des satellites de Jupiter, mérite le détour. Un océan d’eau liquide pourrait se cacher sous la croûte de glace de plusieurs kilomètres. «Il n’est pas impossible que la vie ait pu s’y développer», s’enthousiasme l’auteur. La sonde européenne JUICE (Jupiter Icy Moons Explorer), munie d’un radar, vient d’être lancée (avril 2023) et arrivera sur place dans sept ans ! «L’astronomie est vraiment une école de patience», fulmine l’auteur.
Les «exoplanètes» sont les planètes gravitant dans un autre système solaire. Sans surprise, elles constituent le terrain de chasse favori des chercheurs d’eau. La détection directe d’une exoplanète est une prouesse technique qui revient à repérer à 100 km une luciole tournant à 1 m autour d’un puissant phare. La détection indirecte consiste à observer les infimes perturbations périodiques que la planète induit au mouvement ou à l’éclat de son étoile. A ce jour, on a identifié 5000 exoplanètes.
Trappist-1 est une étoile, baptisée ainsi par l’université de Liège, située à 40 années-lumière, dans la constellation du Verseau. Elle détient un record : quatre de ses sept planètes sont en «zone habitable», ce qui signifie que l’eau liquide en surface est possible. L’une est même très semblable à la Terre du point de vue masse, taille, densité, pesanteur et irradiation. Elle est une cible du télescope spatial James Webb, lancé il y a un an.
En conclusion, la quête de l’eau dans l’Univers est encore une science balbutiante. L’auteur expose plus des hypothèses à vérifier que des certitudes.
Il complète son propos par des sujets connexes tels le processus de formation des étoiles et du Système solaire, la structure interne de chaque planète, la tectonique des plaques, les courants de convection, l’effet de la forme de l’orbite, de l’inclinaison de l’axe de rotation, de la présence de satellites, la spectroscopie des atomes et des molécules gazeuses, liquides, et solides, ainsi que leur explication quantique.
Ce livre est très riche en informations spécialisées, illustrées par de nombreuses figures, courbes et photos de grande qualité. Il s’adresse à l’étudiant au niveau universitaire ou à l’autodidacte avisé.
Gérard Brand
(EPP Sciences, 2023, 234 p. 22€)
Chez beaucoup d'espèces animales, les stimuli olfactifs jouent un rôle excessivement important dans leurs comportements : marquage du territoire, recherche de nourriture, comportements sociaux, comportements sexuels, comportements d'évitement du danger...
L'auteur présente, pour quarante espèces différentes allant de l'escargot aux cétacés en passant par le mandrill, les spécificités du système olfactif sur le plan physiologique mais aussi sur le plan comportemental, en mettant en évidence à chaque fois les caractéristiques particulières, ainsi : comment le kiwi détecte les vers de terre, comment le saumon retrouve sa frayère d'origine, comment les vautours détectent les charognes, pourquoi le moustique pique l'homme, à quoi sert le mucus des escargots, la puissance de l'odorat de la truie...
L'auteur fait référence à des études très récentes ou en cours qui montrent que ce secteur de recherche est en plein développement.
Ce livre met clairement en évidence, d'une part l'interaction permanente entre les différents systèmes sensoriels olfactif, auditif, visuel, gustatif et autres, d'autre part la complexité des systèmes olfactifs et les performances incroyables qu'ils permettent selon les espèces.
Bien que comportant de nombreuses citations d'articles scientifiques, le livre est agréable à lire et permet d'entrevoir un secteur scientifique en plein foisonnement et porteur de perspectives extrêmement spectaculaires.
Alain Schärlig
(EPFL Press, 2022, 208 p. 18,90€)
L’addition, la soustraction, la multiplication, la division nous paraissent aujourd’hui bien triviales. Elles ne l’étaient pas en l’an mil, loin s’en faut. Nous le découvrons avec Alain Schärlig, spécialiste de l’histoire du calcul, qui consacre son dernier livre à un acteur-clé de cette histoire, Gerbert d’Aurillac.
Né vers 950 dans le Cantal, Gerbert est «offert» par ses parents au monastère d’Aurillac, qui se charge de son éducation. Jeune homme, il poursuit ses études à Vich, sous la protection du comte de Barcelone, dans cette zone du Nord de l’Espagne reconquise par Charlemagne, après un siècle d’occupation arabe. Dans les bibliothèques abondent les traductions latines de textes arabes, eux-mêmes parfois traduits du sanskrit ou du persan. Gerbert y acquiert une culture scientifique inégalée chez les chrétiens d’Occident. On le retrouve à Rome, où il est précepteur et ami du fils de l’empereur germanique Othon. Le roi de France Lothaire le fait venir à Reims : il devient «écolâtre», ou professeur à l’école cathédrale, sorte d’université avant la lettre. Sa renommée se répand «à travers les Gaules et l’Italie». Homme politique de talent, artisan de l’accession d’Hugues Capet au trône, Gerbert devient archevêque de Reims et deuxième personnage de France. Il sera finalement pape en 999, sous le nom de Sylvestre II. Il meurt à 53 ans en 1003.
L’astronomie est son domaine scientifique favori. Durant ses années d’enseignement, il fabrique à des fins pédagogiques des sphères, en bois plein ou armillaires. Il maîtrise l’art de construire le cadran solaire et son équivalent nocturne, le nocturlabe, dont il est un des pionniers, ainsi que l’astrolabe, qui mesure la position des étoiles.
Pour ses calculs d’astronomie, Gerbert a besoin d’outils nouveaux, l’équivalent d’une nouvelle calculette. Nous voici au cœur du sujet ! A cette époque, dans le monde chrétien, on utilise encore les chiffres romains, écrits en minuscules liées. Ainsi, le nombre 3867 s’écrit mmmdccclxvii. Il est impossible de faire un calcul écrit avec cette notation. D’où l’usage d’abaques, hérités des Grecs et des Romains : on place des cailloux ou des jetons dans des colonnes, chacune correspondant à une valeur, par exemple 1, 10, 100. On réalise additions et soustractions en déplaçant les jetons. Multiplications et divisions sont quasi impossibles C’est pour réaliser ces deux opérations que Gerbert développe un nouvel abaque. Il utilise des jetons qui sont marqués d’une valeur de 1 à 9. Alain Schärlig en explique le fonctionnement. Il procède par étapes et s’appuie sur de nombreux dessins explicatifs. Le nouvel «abaque de Gerbert» donnera un nouvel élan aux calculs en astronomie.
Au même moment, dans le monde arabe, les techniques de calcul sont beaucoup plus avancées. Dès le IXe siècle, à partir de techniques venues d’Inde, les savants de Bagdad mettent au point un système de neuf chiffres. Puis ils adoptent le zéro. Dès lors, c’est la position du chiffre dans le nombre qui indique sa valeur. Ainsi, 305 signifie 3 centaines, 0 dizaine et 5 unités. Avec cette numération par position, colonnes et abaques ne sont plus nécessaires. On passe au calcul écrit, beaucoup plus efficace.
L’influence arabe sur Gerbert est indéniable. Il utilise, par exemple, les chiffres arabes pour marquer ses jetons. Il est d’ailleurs le premier chrétien connu à le faire. Mais il n’adopte pas le zéro, manquant ainsi l’occasion de faire entrer l’Occident, dès l’an mil, dans le monde merveilleux du calcul écrit. Est-ce par ignorance ? ou par autocensure, de peur d’être associé au zéro et donc perçu comme diabolique par l’Eglise ? Schärlig analyse les arguments de chaque hypothèse et juge plus vraisemblable celle de l’autocensure. Incroyablement, l’Europe chrétienne attendra encore deux siècles avant l’introduction (très lente) du zéro, de la numération de position et du calcul écrit !
Gerbert n’a pas échappé au soupçon de lien avec le diable. «Gerbert, ce petit paysan, ne pouvait avoir été pape et éminent savant qu’avec l’appui du diable», résume un biographe. A l’ouverture de son tombeau en 1648, on demande s’il n’a pas les pieds fourchus ! Dans son Histoire de France (1833), Michelet décrit la mort de Sylvestre II : «le diable se présente et réclame le pape».
Ce petit livre se lit facilement. Le lecteur tentera de faire abstraction de ses propres connaissances modernes pour bien apprécier les performances de ces abaques d’un autre âge.
On découvre quelques aspects de la vie de cette fin de millénaire comme les jeux politiques, les débats contradictoires, l’enseignement universitaire, la surprenante diversification des chiffres arabes, l’acheminement du courrier (assuré par les moines), les itinéraires Reims-Rome (durée : 2 mois) et le choix des cols alpins !
Un livre pour les passionnés d’histoire des sciences et les curieux.
Pierre Laffitte
(Presse des Mines, 2021, 287 p. 25€)
Pierre Laffitte, le père de Sophia Antipolis et un ingénieur au Sénat
Pierre Laffitte est né en 1925 à Saint-Paul-de-Vence. Si son père était un artiste peintre, on trouve nombre d’ingénieurs dans sa généalogie. Il en est ainsi d’un ingénieur des mines qui a travaillé avec Georges Claude, d’un X-Mines, d’un ingénieur du corps des poudres et d’un ingénieur des ponts et chaussées. Après une scolarité primaire marquée par Célestin Freinet, il poursuit ses études au lycée Masséna de Nice. Mention très bien au baccalauréat, premier prix au concours général de mathématiques, il entre second à Polytechnique en 1945, suivant le même chemin que ses aïeux. Là, il suit, entre autres, les cours de Louis Leprince-Ringuet. Il s’y retrouve même en prison, pour avoir fait le mur, y rejoignant un certain Valéry Giscard d’Estaing qui y est pour la même raison ! A sa sortie de l’X en 1948, son rang lui permet d’entrer dans le corps des mines.
A sa sortie de l’Ecole, Pierre Laffitte est affecté au service de la carte géologique de la France. On le charge ensuite de transformer le Bureau de recherches géologiques et géophysiques (BRGG) en établissement public industriel et commercial (EPIC). Le BRGG devient alors le BRGGM où le M correspond à minières. A partir de 1958, on regroupe les organismes de recherches géologiques et minières pour créer l’actuel BRGM. Pierre Laffitte devient le directeur de l’un de ses sous-ensembles et est reconduit dans ses fonctions de responsable du service géologique national.
En 1963, il devient directeur de la recherche et de la formation des ingénieurs du corps des mines à l’Ecole des mines de Paris. En 1967 il y crée ARMINES, association privée de recherches contractuelles en France, équivalent aux instituts Fraunhofer allemands. C’est à cette époque qu’il initie la Conférence des grandes écoles pour contrebalancer la Conférence des présidents d’universités.
Au printemps 1968, Pierre Laffitte constate l’échec de la délocalisation d’une nouvelle université dans une zone isolée, mal desservie par les transports en commun : l’université de Nanterre voit le jour, elle sera le lieu des premiers désordres de 1968. Constatant par ailleurs que le Quartier latin ne pouvait plus héberger de nouvelles écoles ou d’universités, il imagine créer un «quartier latin aux champs», lieu de «fertilisation croisée» et d’innovation réunissant universités, centres de recherche et entreprises, situé dans un lieu ne manquant pas d’espace et bien desservi. Après avoir tenté l’aventure autour de l’Ecole polytechnique (qui s’installait à Saclay) et à Orléans, il décide d’installer sa technopole sur le plateau de Valbonne dans le sud de la France. Il crée pour ce faire l’association Sophia Antipolis et, en 1970, le GIE SAVALOR, groupement d’intérêt économique qui sera la structure opérationnelle du futur parc. Par la suite, en 1984, il crée la Fondation Sophia Antipolis, qui prend la responsabilité de l’animation et de la promotion de la technopole. Actuellement, Sophia Antipolis est la première technopole d’Europe et comporte 2500 entreprises, 38 000 salariés, 4500 chercheurs et 55 000 étudiants.
Parallèlement, en 1971, Pierre Laffitte devient suppléant du sénateur des Alpes-Maritimes, Francis Palmero, qu’il remplace à cette fonction à son décès en 1985. Au gré des réélections, il restera sénateur jusqu’en 2008. Là, en tant qu’ingénieur, il va piloter ou participer à de très nombreux rapports sénatoriaux : sur l’avenir des télécommunications, la télévision éducative, l’intérêt du véhicule électrique, les réseaux grands débits, la culture scientifique, les apports de la science et de la technologie au développement durable, la réhabilitation de la science...
En 2009, le Président Sarkozy va lui demander de développer l’innovation dans l’espace euro-méditerranéen dans le cadre de l’Union pour la Méditerranée.
Outre ses passions pour la science et la technologie, Pierre Laffitte, depuis son enfance, aime la nature et son village de Saint-Paul, ce qui l’a conduit à créer une association pour faire renaître une culture vinicole oubliée : les vins des Baous.
Pierre Laffitte est décédé le 7 juillet 2021, trois semaines après avoir terminé ses mémoires, qui ont été publiées aux Presses des Mines sous le titre L’action est la sœur du rêve.
Pour terminer, citons-en un extrait : «En cette période troublée, je déplore que dominent des croyances, des avis dénués de tout esprit critique ou des analyses erronées. Que des pensées complotistes alimentées par des «fake news» abondamment relayées par les réseaux sociaux discréditent tout débat solidement étayé par une culture scientifique et technique solide. L’ultracrépidarianisme, tendance de certaines personnes à s’exprimer sur des sujets qu’elles ne connaissent pas, est manifestement en expansion, non seulement à la télévision, mais sur les réseaux sociaux.»
En sa mémoire, l’Ecole des mines de Paris a donné son nom au campus sophipolitain de l’Ecole.
André Maeder
(EDP Sciences, 2023, 190 p. 19€)
Au départ, il y a la question qui tue, celle que posa le docteur Richard Bentley à Isaac Newton en 1692 : «Puisque les masses de l’Univers s’attirent entre elles, pourquoi ne se sont-elles pas rassemblées en une seule masse ?». Cette énigme, qui a traversé les siècles, est le fil conducteur choisi par l’astrophysicien genevois André Maeder pour écrire l’histoire de la cosmologie depuis Newton.
Durant la peste de 1665, Newton, exilé à la campagne, a l’intuition de l’attraction universelle : la Lune qui tourne et la pomme qui tombe obéissent à la même loi. Vingt ans plus tard, il publie Les Principia (1687), un chef d’œuvre absolu.
Les quatre lettres de Newton à Bentley sont peu connues et leur analyse détaillée par Maeder constitue la partie la plus originale de son livre. Newton se révèle un remarquable cosmologue : il suppose un espace infini et explique brillamment le mécanisme de la formation des étoiles, tout en attribuant parfois un rôle à la puissance divine. Il juge «absurde» le concept de l’action à distance, qui est pourtant au cœur de sa théorie.
La mécanique de Newton a été boudée en France, alors que planait encore la figure tutélaire de Descartes. On devra attendre soixante-douze ans avant la traduction française des Principia, par Emilie du Châtelet.
En 1887, à la stupéfaction générale, les expériences de Michelson et Morley révèlent que la vitesse de la lumière est une constante, quelle que soit la vitesse de la source. C’est l’origine de la théorie de la relativité restreinte d’Einstein (1905). L’espace et le temps sont irrémédiablement liées dans le concept révolutionnaire d’espace-temps. Dans la relativité générale (1916), la gravitation exercée par un corps courbe l’espace-temps en son voisinage et forme une sorte de puits dans lequel les objets extérieurs, y compris la lumière, sont attirés.
Einstein se fait cosmologue et applique la relativité générale à l’Univers entier (1917). Il croit en un Univers stable et fini. Mais ses équations mènent à un effondrement et le voici ramené à la question de Bentley de 1692 ! A contrecœur, Einstein décide d’ajouter une «constante cosmologique» répulsive, appelée Lambda, pour stabiliser son modèle. Le jeune Russe Alexander Friedmann démontre que ces équations conduisent en fait à une grande variété de modèles instables, en contraction ou en expansion selon la densité de l’Univers (1922). Rejet d’Einstein, à tort. En 1927, le chanoine belge Georges Lemaître annonce que l’Univers est en expansion. Nouveau rejet d’Einstein qui lui lance : « Votre physique est abominable !». En 1929, l’Américain Hubble établit la loi de l’expansion (rebaptisée loi de Hubble-Lemaître... en 2018 !). Devant l’évidence, Einstein renonce à son modèle statique et supprime Lambda de ses équations (1930).
Coup de théâtre en 1964. On découvre par hasard un rayonnement quasi uniforme qui enveloppe tout l’Univers. Il s’agit de l’énergie résiduelle du «Big Bang» (nom donné ironiquement par les sceptiques), que Friedmann et Lemaître avaient théorisé et qui se trouve ainsi confirmé. Ce rayonnement fossile garde l’empreinte des premiers évènements et constitue une mine d’informations.
Dans les années soixante-dix, on détecte une anomalie de taille : les étoiles situées en périphérie de leur galaxie se déplacent à des vitesses si grandes qu’elles devraient théoriquement être éjectées. Ce phénomène ne s’explique que par la présence d’une masse de matière invisible, inconnue, ou «matière noire».
En 1998, nouveau coup de théâtre : l’expansion de l’Univers est en accélération ! Dès lors, on réintroduit dans les équations la fameuse constante Lambda, ajoutée puis supprimée par Einstein. L’énergie associée, de nature inconnue, est appelée «énergie noire».
Matière et énergie noires représentent respectivement 26% et 69% de la masse-énergie de l’Univers. Aussi incroyable que cela puisse paraître, ce sont donc 95% de notre Univers observable qui nous sont totalement inconnus ! Un constat troublant, malgré les incontestables progrès réalisés depuis Bentley. Une nouvelle théorie est demandée d’urgence. Le télescope spatial James Webb, lancé de Guyane en 2021, pourrait-il en donner les clés ?
Cette histoire très technique a aussi ses épisodes bien humains : le rôle capital de Halley dans la publication des Principia, les moqueries à l’égard d’Einstein pour ses faiblesses mathématiques et l’aide qu’il a demandée à Grossman, la reconnaissance tardive de l’abbé Lemaître, son désaccord avec le pape, l’humour d’Eddington : «Est-il vrai que seulement trois personnes dans le monde comprennent la relativité ?". Il répond : «Je ne vois pas qui est la troisième».
Le style est simple, les explications sont accessibles, avec quelques inévitables passages ardus. Comme le souhaite André Maeder, le lecteur connaîtra probablement, à son niveau, cette «joie de la pensée» qui était chère à Einstein.
Stéphan Jacquet, Anne-Claire Baudoux, Yves Desdevises, Soizick F. Le Guyader
(Quae, 2023, 110 p. 18€)
La question posée en titre contient déjà le propos porté par les quatre auteurs de cet ouvrage.
Depuis leur découverte, il y a une centaine d’années, puis leur visualisation grâce au microscope électronique, les virus ont été avant tout considérés comme des agents pathogènes des cellules animales ou des cellules végétales ou même des bactéries. Ces dernières années, les nouvelles techniques de métagénomique ont permis de montrer la grande diversité des virus, notamment marins puisque c’est le propos des auteurs, respectivement directeur de recherche à l'Inrae, chargée de recherche au CNRS, directeur de l’Observatoire océanologique de Banuyls-sur-mer et directrice de recherche à l'Ifremer.
Publié aux éditions Quae, cet ouvrage ne diffère pas des autres ouvrages de la collection. Il offre, en un peu plus de cent pages, un propos scientifique de base, également très actuel, et écrit pas des spécialistes du domaine. Il se termine par une belle bibliographie, pourtant qualifiée de succincte. Son propos traite uniquement des virus marins, virus des mers et des océans, mais la richesse et les rôles de ces virus sont aussi déclinables aux virus des eaux douces.
Le livre comprend six chapitres, constitués de quelques pages comme celui consacré aux applications concrètes de ce type d’études ou de plus de vingt pages comme celui consacré à leurs rôles.
La mission Tara Océans (https://fondationtaraocean.org) a permis de révéler la très grande diversité des virus marins (pour exemple, 200 000 populations de virus à ADN à prédominance double brin ont été isolées dans le virome océanique). Les communautés virales sont liées aux caractéristiques environnementales des milieux, température et oxygène. Certes leur répartition est diversifiée, mais en moyenne il y a entre 108 et 1011 particules virales par litre d’eau de mer, les bactéries y étant 5 à 25 fois moins nombreuses.
Même si la connaissance des rôles des virus au niveau des écosystèmes et de leur réponse au changement climatique nécessite des observations in situ, d’autres rôles sont mieux documentés. Ainsi ceux réalisés dans les grands cycles biogéochimiques, dans les microbiotes des êtres marins, poissons, corail, méduses.., dans la diversité génétique du monde cellulaire grâce à la transduction, ou comme agents de mortalité des bactéries et du phytoplancton notamment.
Le dernier chapitre aborde des grandes questions comme : les virus sont-ils des êtres vivants ? les virus marins peuvent-ils être dangereux pour l’homme, voire, les virus sont-ils bons pour leurs hôtes ?
Découvrez les réponses apportées par les auteurs dans cet ouvrage qu'on a grand plaisir à parcourir. Toutefois, sans être réservée aux virologistes, sa lecture nécessite de maîtriser de bonnes connaissances assez transversales en biologie.
Sous la direction d'Ursula Bassler
(CNRS Editions, 2022, 336 p. 24€)
Cet ouvrage collectif dirigé par Ursula Bassler, directrice adjointe de l'IN2P3 (Institut national de physique nucléaire et de physique des particules), présente la physique des infinis, de l’infiniment grand à l’infiniment petit.
En six grands chapitres, il nous fait parcourir tout d'abord le vide, finalement pas si vide que ça ! Ensuite nous est présentée l'antimatière, qui répond à une physique encore à découvrir. Le troisième chapitre traite de la masse : quelle est sa nature ? qu'est ce qui constitue ce qui nous entoure ? Le chapitre 4 est consacré aux protons et neutrons, qui fondent notre Univers. Le chapitre 5 présente les outils, souvent gigantesques, qui ont permis de détecter les preuves de l'existence de l'infiniment petit. Enfin le chapitre 6 décrit les applications concrètes nombreuses de cette physique des infinis.
L'ouvrage est superbement illustré de magnifiques photographies et de schémas didactiques. Il faut cependant un bon niveau en physique pour accéder aux différentes notions et raisonnements présentés dans le livre, mais on est là aux frontières avancées des connaissances d'aujourd'hui, ce qui mérite un certain effort intellectuel !
Marie-Christine de La Souchère
(Ellipses, 2022, 192 p. 22€)
La radioactivité n’a pas bonne réputation. Invisible et mystérieuse, elle évoque des images sombres de maladie et de destruction. Marie-Christine de La Souchère entend démystifier le sujet et donner au lecteur les moyens de se forger une opinion raisonnable. Le plan du livre est simple : la découverte, le fonctionnement, les applications, l’environnement.
Paris est le berceau de la radioactivité. Trois savants exceptionnels ont partagé le prix Nobel de 1903 : Henri Becquerel, le découvreur (1896), Marie et Pierre Curie, les maîtres du radium. A Montréal, à l’Université Mc Gill, Ernest Rutherford a réalisé les expériences explicatives décisives (1902).
Le radium a immédiatement suscité un engouement incroyable auprès du public. On le trouve dans les médicaments, la layette, les appâts pour la pêche, les crèmes de beauté, les ceintures amincissantes, les suppositoires pour «rendre aux hommes leur virilité». La fièvre retombe lorsque le produit magique s’avère dangereux (1920, scandale des «Radium Girls»).
Le mécanisme de la radioactivité est fascinant. Dans tout noyau d’atome s’opposent les forces électriques répulsives des protons et la force attractive nucléaire liant protons et neutrons.
S’il y a déséquilibre, le noyau est radioactif. Il éjecte des particules et se transforme en un autre élément «fils», avec forte production d’énergie. Etrangement, le moment de cette désintégration spontanée est totalement aléatoire. Et pourtant c’est selon une courbe précise que la population des noyaux décroît dans le temps (la hauteur de mousse dans un verre de bière suit la même courbe exponentielle !). La demi-vie d’un radioélément est le temps au bout duquel il ne reste que la moitié de ses noyaux initiaux.
Si l’élément fils est lui-même radioactif, le processus se répète. Ainsi l’uranium 238 (demi-vie : 4,5 milliards d’années) mute en thorium 234, qui lui-même se transforme pour aboutir, après quatorze mutations, au plomb 206, non radioactif. Une véritable «alchimie naturelle» !
Les applications de la radioactivité dans de multiples disciplines constituent la partie la plus originale du livre. En voici quelques exemples : la datation au carbone 14 (demi-vie : 5740 ans) a été corrigée et l’âge des premières peintures rupestres de Lascaux est passé ainsi de 17 000 à 21 000 ans. Selon une datation au samarium, la doyenne des roches terrestres serait au Québec (4,28 milliards d’années).
La radioactivité modifie la couleur des diamants naturels, pour le bonheur des faussaires. Source constante d’énergie, elle alimente les missions spatiales depuis Apollo jusqu’aux robots martiens. Elle se fait «mouchard des mers» en traquant les rejets des usines. Elle piège les séquences d’ADN recherchées par les biologistes. Par son rayonnement destructeur, elle réduit les tumeurs cancéreuses, et ce dès 1925. Elle dévoile nos activités cérébrales en 3D (tomographie). Elle démasque des faux en peinture grâce au «pic de la bombe», celui du taux de carbone 14 dans l’air en 1965. Et elle a même stérilisé une momie (Ramsès II).
Les radioéléments peuvent provoquer des lésions graves aux organismes, notamment en cas d’ingestion ou d’inhalation. Certains se fixent sur leur organe préféré, comme l’iode 131 sur la thyroïde. Et de façon plus sournoise, ils bousculent l’ADN des cellules, entraînant un risque de cancer d’autant plus haut que la dose reçue est intense.
Nous sommes tous plongés en permanence dans une soupe de radioactivité naturelle provenant des rayons cosmiques de l’espace, des radioéléments de l’écorce terrestre, de l’air, de l’eau et des aliments. Le radon, descendant gazeux de l’uranium, émane du sol ; il est la deuxième cause de cancer du poumon après le tabac.
Les essais nucléaires du XXe siècle ont engendré des radioéléments encore présents sur le globe. Les vents qui viennent du Sahara sont porteurs de césium 137. L’auteure relate en détails les accidents de Tchernobyl et de Fukushima. En France métropolitaine, toutes ces retombées sont largement en deçà des normes.
Les déchets radioactifs des centrales nucléaires les plus problématiques sont les «actinides mineurs», car non recyclables, non transmutables, à haute activité, et à longue durée de vie, que l’auteure ne chiffre pas (il s’agit de milliers d’années). Mais elle avertit : «Ils constituent une réelle menace pour l’humanité». La seule solution est d’enfouir profondément ces déchets dans le sol. C’est ce que l’on envisage de faire dans le nord de la France.
Lorsque l’on referme ce livre, on a le sentiment d’avoir fait le tour de la question. Les informations sont claires et factuelles, selon la devise annoncée en préface : «ni apologie, ni condamnation». Chaque chapitre est prolongé d’une bibliographie «pour aller plus loin». L’approche historique régulière et l’ouverture sur de multiples disciplines scientifiques renforcent l’intérêt de l’ouvrage.