L’eau dans l’Univers

Johan Kieken

(CNRS Editions, 2023, 256 p. 25€)

 
L'eau dans l'Univers (J. Kieken, CNRS Ed., 2023)L’eau est indispensable à la vie. De ce fait, elle attire les faveurs des astronomes qui la traquent dans tous les recoins de l’Univers. Johan Kieken, planétologue, dresse ici un panorama détaillé de nos connaissances sur la présence de cette «précieuse substance» dans l’espace.

L’eau affiche des propriétés exceptionnelles. Elle amortit les variations de température ; elle a un fort pouvoir refroidissant par évaporation ; elle est un excellent solvant ; elle défie la gravité en montant dans les tiges des plantes ; la glace flotte sur l’eau liquide, qu’elle protège thermiquement et empêche de geler, préservant ainsi la vie dans les lacs et rivières.
L’eau existe à l’état pur, mais aussi (et surtout ?) dans des composés hydratés. L’hydrate de méthane abonde sur Terre, dans les fonds marins et le sol gelé (pergélisol), et probablement sur d’autres planètes.

Pour détecter la molécule d’eau dans l’espace, la spectroscopie est une technique d’une étonnante efficacité. L’eau, comme toute autre molécule, émet un rayonnement qui lui est propre. Réciproquement, lorsqu’elle est exposée à un rayonnement, l’eau absorbe certaines longueurs d’onde bien définies. Les spectres d’émission et d’absorption de l’eau sont ses signatures. Ils s’étendent depuis les rayons ultra-violets jusqu’aux ondes radio, et diffèrent selon la phase : vapeur, liquide ou glace.

On rencontre la molécule d’eau dans tous les objets célestes, y compris les étoiles. On l’a détectée en grande quantité dans le spectre d’un quasar tel qu’il était il y a 12 milliards d’années. Plus près de nous, à quelque mille années-lumière, la nébuleuse d’Orion est le siège d’une intense émission de micro-ondes trahissant une forte présence d’eau.

L’auteur nous embarque pour un tour commenté du Système solaire.
Sur Mercure, aux températures torrides, l’eau venue de l’espace est tapie, glacée, au fond de cratères qui ne voient jamais le Soleil. Sur Vénus, l’eau liquide coulait jadis en abondance et a totalement disparu.
La Terre est le seul objet connu de l’Univers où coexistent en surface les trois phases : vapeur, liquide, glace. Les océans n’existaient pas à l’origine de la Terre. D’où viennent-ils ? du manteau hydraté de la Terre ou des météorites ? Il n’y a pas encore de réponse définitive.
Mars a perdu son atmosphère et son eau liquide au cours d’une histoire complexe.
Entre Mars et Jupiter, la ceinture des 800 000 astéroïdes, où l’eau est peu présente, constitue la source principale des météorites et de la poussière que la Terre reçoit en permanence (30 000 tonnes par an).
Les anneaux de Saturne sont faits de glace presque pure et se régénèrent sans cesse.
Europe, un des satellites de Jupiter, mérite le détour. Un océan d’eau liquide pourrait se cacher sous la croûte de glace de plusieurs kilomètres. «Il n’est pas impossible que la vie ait pu s’y développer», s’enthousiasme l’auteur. La sonde européenne JUICE (Jupiter Icy Moons Explorer), munie d’un radar, vient d’être lancée (avril 2023) et arrivera sur place dans sept ans ! «L’astronomie est vraiment une école de patience», fulmine l’auteur.

Les «exoplanètes» sont les planètes gravitant dans un autre système solaire. Sans surprise, elles constituent le terrain de chasse favori des chercheurs d’eau. La détection directe d’une exoplanète est une prouesse technique qui revient à repérer à 100 km une luciole tournant à 1 m autour d’un puissant phare. La détection indirecte consiste à observer les infimes perturbations périodiques que la planète induit au mouvement ou à l’éclat de son étoile. A ce jour, on a identifié 5000 exoplanètes.
Trappist-1 est une étoile, baptisée ainsi par l’université de Liège, située à 40 années-lumière, dans la constellation du Verseau. Elle détient un record : quatre de ses sept planètes sont en «zone habitable», ce qui signifie que l’eau liquide en surface est possible. L’une est même très semblable à la Terre du point de vue masse, taille, densité, pesanteur et irradiation. Elle est une cible du télescope spatial James Webb, lancé il y a un an.

En conclusion, la quête de l’eau dans l’Univers est encore une science balbutiante. L’auteur expose plus des hypothèses à vérifier que des certitudes.
Il complète son propos par des sujets connexes tels le processus de formation des étoiles et du Système solaire, la structure interne de chaque planète, la tectonique des plaques, les courants de convection, l’effet de la forme de l’orbite, de l’inclinaison de l’axe de rotation, de la présence de satellites, la spectroscopie des atomes et des molécules gazeuses, liquides, et solides, ainsi que leur explication quantique.
Ce livre est très riche en informations spécialisées, illustrées par de nombreuses figures, courbes et photos de grande qualité. Il s’adresse à l’étudiant au niveau universitaire ou à l’autodidacte avisé.