Les membres de l’Afas publient régulièrement des notes de lectures. Elles sont à retrouver ici.
sous la direction de Sylvain Bouley
(Belin, 2017, 192 p. 23€)
Voici un ouvrage qui arrive à point nommé ! En effet il est publié chez Belin au moment où se tient l’exposition Météorites, entre ciel et terre au Muséum national d’histoire naturelle à Paris. Cet ouvrage, sous la direction de Sylvain Bouley, associe un grand nombre de spécialistes, planétologues et astronomes. Parmi eux, on trouve d’ailleurs le responsable du programme FRIPON, dont l’objet est de tracer les météores et météorites du ciel français.
Le livre est structuré en cinq chapitres, suivis d’un ensemble de fiches pratiques pour l’observation des phénomènes associés.
Le premier chapitre concerne les petits corps. Ceux-ci comportent les astéroïdes, les comètes, les centaures, les objets transneptuniens et les météoroïdes. Ce sont ces derniers, morceaux de comètes ou produits par des chocs entre astéroïdes, qui nous tombent sur la tête. Après avoir étudié les origines des petits corps, on les classe en quatre catégories en fonction de leur réflectance. Pour les voir de plus près, une dizaine de sondes ont été lancées, en particulier la mission Dawn, commencée en 2007, qui a pu observer les astéroïdes Vesta et Cerès. Sont associées de superbes photos d’astéroïdes et de comètes, dont la célèbre Churyumov Gérasimenko, sur lesquels on remarque de nombreux cratères. On étudie ensuite les divers types de comètes, depuis notre planète et aussi avec les résultats des sondes, dont Rosetta. Les mesures correspondantes permettent d’étudier la chimie des corps célestes. A la fin de ce premier chapitre, on se penche sur l’avenir de l’exploration spatiale de ces petits corps.
Le deuxième chapitre est concentré sur le risque de chute d’une météorite sur terre. On étudie d’abord comment et pourquoi les astéroïdes géocroiseurs quittent leur espace entre Mars et Jupiter et on essaye de les identifier. Maintenant, la plupart d’entre eux sont connus et on peut suivre leur trajectoire. Les solutions pour empêcher qu’ils arrivent sur terre sont déjà bien étudiées, ce qui est relativement rassurant. Par contre, le risque est grand de rencontrer de petits morceaux de comètes ou des débris de la myriade de satellites artificiels que les hommes ont envoyés autour de la Terre.
L’observation des collisions dans le Système solaire fait l’objet du troisième chapitre. Après la définition des termes astéroïdes, comètes, météoroïdes, météores et autres météorites, on apprend que les pluies de météores sont liées aux comètes. L’entrée du bolide dans l’atmosphère est décrite, ainsi que sa fragmentation et sa chute. On étudie aussi les différentes méthodes pour surveiller sa trajectoire avant la collision avec la terre. Par contre, il est visiblement difficile de prévoir les collisions des météorites avec les satellites artificiels, ce qui arrive assez souvent. En effet, même de minuscules particules, en raison de leur vitesse élevée, peuvent les détériorer. En fin de chapitre sont étudiés les impacts sur la Lune et les planètes gazeuses.
Le chapitre 4 est consacré aux météorites. D’abord, on regarde l’effet qu’elles ont eu sur nos anciens, bon ou mauvais selon les périodes, puis l’émergence de la discipline scientifique correspondante. Ensuite, on s’intéresse aux moyens pour trouver et étudier les météorites. Constituées de roche ou de fer, on peut les analyser avec les méthodes classiques de la géologie ou de la géochimie. Ces techniques permettent de classer les météorites et d’en connaître l’origine. Certaines ont 4,5 milliards d’années ; d’autres, plus rares, sont plus récentes, viennent de la Lune ou de Mars et nous informent sur l’évolution de ces planètes. Les météorites primitives : les chondrites ont presque l’âge du Soleil et les chondrites carbonées peuvent contenir des grains présolaires. Les météorites de fer sont des morceaux de l’intérieur des météorites différenciés. Celui-ci a fondu et le fer plus dense s’est aggloméré au centre. Il est possible maintenant de trouver précisément l’origine de ces objets célestes, dont certains viennent des astéroïdes Vesta ou Itokawa. Enfin, on fait le lien entre les micrométéorites et les étoiles filantes. Le chapitre se termine par l’utilisation des météorites de fer dans l’Antiquité et des informations sur le marché florissant actuel de ces bolides tombés du ciel.
Le dernier chapitre concerne l’histoire des impacts. On imagine que la chute d’une grosse météorite qui crée un cratère est un phénomène simple, en fait ce n’est pas le cas et il existe une dizaine de types d’impacts différents. Les impacts sont d’une grande importance car une planète est le résultat de l’agglomération de grains de poussières, suivie d’impacts qui génèrent les embryons planétaires. Ceux-ci, suffisamment gros, attirent par gravité tout ce qui les entourent et, par un choc avec d’autres, arrivent à grossir encore. La Terre et la Lune seraient le résultat d’une collision entre un astéroïde et une comète. Sur terre, on compte à ce jour 190 impacts mis à jour sur les cinq continents. Parfois le choc est si brutal qu’il crée des verres par l’augmentation de la température, mais le phénomène est relativement rare en raison de l’atmosphère qui limite l’énergie du bolide. Sur les autres planètes, on peut voir de très nombreux cratères, qui sont en général particuliers, par exemple sur les corps sans atmosphère ou sur les satellites de glace du Système solaire externe. Les impacts sont aussi la source des poussières sur les corps sans atmosphère du Système solaire. On est à peu près sûr maintenant qu’il y a 66 millions d’années, une météorite de grande taille est à l’origine de la disparition de beaucoup d’espèces vivantes sur terre, entre autres des dinosaures. Cela risque de se produire tous les quelques dizaines de millions d’années. A quand le prochain ?
La dernière partie du livre correspond à des fiches pratiques pour observer le ciel, photographier les météores et trouver et identifier les météorites.
Le livre Impacts, des météores aux cratères est tout à fait passionnant et un excellent complément à l’exposition du Muséum national d’histoire naturelle. Il contient de très nombreuses photographies en couleur qui illustrent des textes courts et très didactiques sur chaque sujet. Ce livre nous concerne tous car qui n’est pas intéressé par ces pierres âgées de milliards d’années, venues des espaces lointains et qui viennent nous visiter de temps à autre ?
Ouvrage collectif de l’Institut Henri Poincaré (Paris)
(CNRS Editions, 2017, 192 p. 25€)
Une balle de ping-pong, un dé à jouer, une bouteille, les matheux y voient une sphère, un cube, un cylindre... Les objets mathématiques sont partout, dans l’arche d’un pont suspendu, dans le virage d’une autoroute (ce sont deux « spirales de Cornu » successives de sens opposé, on y tourne le volant à vitesse constante dans un sens puis dans l’autre…), dans tous les ouvrages onéreux, et donc soigneusement optimisés, que ce soit dans l’architecture, la construction navale, l’aéronautique (le dessin d’une aile d’avion s’inspire du « profil de Joukovsky ») ou même dans le design de tant d’objets usuels...
Mais les mathématiciens vont plus loin, leur imagination débordante est bien connue et gagne beaucoup à concrétiser tous ces concepts bi-dimensionnels, tri-dimensionnels, quadri-dimensionnels, multi-dimensionnels qui jaillissent de leurs études, d’où l’idée de ces modèles de bois, de plâtre, de métal, qui représentent tous les polyèdres réguliers puis semi-réguliers, les différents exemples de surfaces algébriques de degré deux (cône, cylindre, ellipsoïde, paraboloïde, hyperboloïde à une ou deux nappes...) de degré trois, de degré quatre, la pseudosphère, la surface de Kuen, celle de Kummer, le conoïde de Plücker, etc. Les surfaces « réglées », c’est-à-dire composées d’une infinité de droites, conduisent à de très élégants modèles de multiples fils tendus s’appuyant sur un contour approprié, et les innombrables et magnifiques images dont le livre est décoré ne donnent évidemment qu’une idée bien restreinte de la richesse des collections évoquées.
L’âge d’or de tous ces modèles est la fin du XIXe siècle et le début du XXe et l’on admire l’habilité de ces dessinateurs, ces ébénistes, ces soudeurs, ces fondeurs capables de concrétiser avec une précision époustouflante les rêves les plus fous des chercheurs mathématiciens. Mais n’allez pas croire que cette pratique soit aujourd’hui abandonnée, elle est simplement transformée, elle utilise tous les moyens modernes, depuis le bon vieux cinéma jusqu’à la modélisation 3D, en passant par toutes les possibilités offertes par l’informatique ; il devient dès lors très courant de dessiner sans effort une figure fractale de Mandelbrot ou d’utiliser le temps (aller et retour) comme quatrième dimension pour se promener autour des objets contenus dans les quatre dimensions... Une nouvelle forme d’art naît sous nos yeux !
Mario Livio
(CNRS Editions, 2017, 344 p. 23 €)
« La science est infaillible ; mais les savants se trompent toujours » faisait dire Anatole France à un de ses personnages, Sembobitis. Mais, ajoute-t-il, « Savant et vieux, il n’aimait pas les nouveautés. ».
L’ouvrage de Mario Livio (traduit et préfacé par Jean Audouze) est de nature à conforter ces aphorismes. Le propos affiché de l’auteur « est de présenter de façon détaillée quelques-unes des erreurs surprenantes commises par des scientifiques de premier rang et d’en analyser les conséquences inattendues ». On comprend sa préoccupation, mais on peut cependant faire la remarque que les erreurs sont consubstantielles au progrès de la science puisqu’on peut toujours déclarer que l’étape précédente de la connaissance était une erreur par rapport à l’état actuel.
Son texte sous amène à suivre quelques épisodes de l’histoire des sciences dans ses contradictions et ses tâtonnements. Parmi ces tâtonnements, il y a des traits de génie et Mario Livio les met bien en évidence à propos des différents savants qu’il examine. Chacun concrétise une grande idée.
Il y a d’abord Darwin (1809-1882), qui a jeté une lumière sur le mystère de l’adaptation des organismes à leur milieu. Adaptation qui a été prise comme la preuve d’un plan préconçu, un « grand dessein ». Darwin a montré que cette adaptation pouvait s’expliquer par une sélection naturelle des espèces, à condition d’admettre qu’elles évoluaient, et que le temps, pour ce faire, ne leur était pas compté. Cette idée est vraiment révolutionnaire et il faut se faire intellectuellement violence pour se rendre à ses raisons et pour admettre qu’à partir d’un ancêtre qui pourrait être quelque chose comme une éponge, nous en sommes arrivés là. D’ailleurs beaucoup encore ne se sont pas rendus à cette idée, et même parmi ses partisans, on lit souvent des phrases du style « cette espèce s’est adaptée... », comme si elle l’avait fait volontairement et non du fait qu’elle ait été naturellement sélectionnée, ses caractéristiques lui donnant le plus de chances de survie dans son milieu d’existence.
Mais alors quelle erreur a pu commettre Darwin ? Selon Livio, ce serait d’avoir utilisé l’idée que l’hérédité pouvait se faire par un mélange des caractères, comme on mélange des peintures de couleurs différentes. Au bout d’un certain temps, la peinture minoritaire se dissout et sa couleur disparaît pratiquement. Pour qu’un caractère nouveau se transmette, il faut qu’il le fasse en tant que particule, mécanisme que nous a révélé l’hérédité mendélienne, sous les formes successives des gènes et de l’ADN. Mais, nous assure Livio, Darwin n’avait pas lu Mendel.
Le second savant, mentionné cette fois à propos de l’âge de la Terre, est William Thomson, plus connu sous le nom de Lord Kelvin (1824-1907). Bien évidemment, cet âge est en rapport avec l’évolution de la vie. Il lui faut du temps pour se dérouler, certainement plus que les quelque 6000 ans qu’une lecture textuelle de la Bible lui donne. D’où des polémiques où les préoccupations scientifiques n’étaient pas seules en cause. Mais comment aborder le problème ? La géologie proposait des arguments comme, et surtout, la durée nécessaire pour accumuler les sédiments que l’on avait pu recenser dans le monde entier : au minimum des millions d’années. Mais la physique se devait d’apporter davantage de précision et c’est ce qu’elle a fait. Les idées de Kelvin sur l’évolution n’étaient pas du tout en faveur de celles de Darwin. En se basant sur un refroidissement naturel de notre planète, supposée fondue à son origine, il avait fini par estimer son âge entre 20 et 40 millions d’années, trop court pour donner du champ à une évolution des espèces. La découverte de la radioactivité par Henry Becquerel en 1896 avait cependant permis de fournir une énergie calorifique à la Terre prolongeant les évaluations de son âge mais Kelvin, ayant fixé l’âge du Soleil à 20 millions d’années, ne pouvait approuver ces prolongations.
C’était une erreur, mais Kelvin pouvait-il savoir que, là aussi, non ses calculs, mais ses prémisses étaient inexactes et que le Soleil devait son éclat à la fusion nucléaire ?
Le troisième savant sur lequel Livio s’est penché est Pauling (1901-1994), qui partage avec Marie Curie l’honneur d’avoir été deux fois récipiendaire du prix Nobel à titre personnel. Pauling a été celui qui a expliqué la nature des liaisons chimiques et a révélé la structure des molécules de protéines. Mais, soulignant sa brillante carrière, Livio retient cependant qu’il a fauté en interprétant la molécule d’ADN comme formée par trois brins, et non deux, comme l’ont démontré, à peu près en même temps, Watson et Crick. Ce n’était évidemment pas de chance.
Le quatrième savant, c’est Fred Hoyle (1915-2001), personnalité originale et controversée. Bien qu’auteur du terme big-bang pour désigner l’idée d’un univers en expansion, il n’en était pas partisan, imaginant un univers stationnaire. Dans ces conditions, et compte tenu d’un âge de l’Univers tiré de la valeur de la constante de Hubble, il ne pensait pas que des molécules complexes, notamment vivantes, aient pu se former. On retrouve ici le « dessein intelligent », la probabilité de la création aléatoire d’une cellule vivante étant pour lui du même ordre que celle « qu’une tornade s’abattant sur un dépôt de ferraille puisse assembler un Boeing 707 à partir des matériaux qui s’y trouvent ». L’argument est polémique, certainement pas scientifique...
Le cinquième savant retenu par Livio est Albert Einstein (1879-1955). Beaucoup de ses géniales découvertes sont connues du public, si elles ne sont pas toujours comprises : la relativité restreinte et la relativité générale, l’espace-temps, l’équivalence de la masse et de l’énergie, popularisée par la formule W=mc2. Livio nous entraîne dans une longue discussion sur la constante cosmologique introduite par Einstein, puis retirée comme inutile, puis réintroduite. Ces palinodies nous montrent combien il est difficile d’avoir une image de l’Univers, image que complique la présence de la matière noire et de l’énergie noire et, encore, l’hypothèse de l’existence de plusieurs univers, un « multivers » où la vie aurait pu apparaître ailleurs que sur Terre.
Cette fois-ci, quelle est la grande erreur d’Einstein ? La seule qu’il confesse n’est pas d’ordre scientifique : elle est d’avoir en 1939 écrit au président Roosevelt de mettre en œuvre la construction d’une bombe atomique.
Par son ouvrage, qui mérite d’être lu par tous, Livio nous donne accès à des épisodes cruciaux de l’histoire des sciences, ses renseignements étant particulièrement précieux pour ceux qu’il a eu personnellement à connaître.
Jean-Paul Delahaye
(Belin, 2017, 184 p. 24€)
Ce livre est une compilation des jeux mathématiques que l’auteur publie chaque mois dans le magazine Pour la Science, édition adaptée à la France du Scientific American. Il s’inscrit dans la lignée de l’Américain Martin Gardner. Le titre lui-même est un clin d’œil au chapitre 10 sur les origamis, pliages traditionnels japonais.
Nous vivons dans un temps où il est de bon ton de se déclarer nul ou nulle en maths et où les mathématiciens sont considérés comme de gentils farfelus, ce qu’ils sont parfois, soit dit en passant. Mais Jean-Paul Delahaye donne à cette science une dimension ludique, couvrant les jeux et les tours de cartes, le poker, les dames, le sudoku (faut-il nécessairement fournir les données d’un minimum de 16 ou 17 cases pour une solution unique ?), jeu de go, etc. Une dimension artistique aussi avec les fractales en 3 dimensions.
Cela ne signifie pas que ce livre se lise comme un jeu. Les explications sont pourtant parfaitement claires pour une personne initiée aux modes du raisonnement mathématique, ce qui devrait être le cas de tous les lycéens et anciens lycéens membres de l’AFAS.
Bien entendu, les chapitres sont de difficultés inégales mais toujours intéressants : du principe de Peter («chaque personne progresse jusqu’à atteindre son niveau d’incompétence» avec ses conséquences) à la théorie des graphes où il faut vraiment s’accrocher.
Donc un livre fort sympathique et très sérieux qui montre que les mathématiciens ne sont pas toujours des gens sérieux. Bravo !
Tim Spector
(Dunod, 2017, 384 p. 22 €)
Cet ouvrage, traduit de l’anglais par Christian Jeanmougin, présente de vraies originalités.
Celle déjà de sa quatrième de couverture est à lire avec plaisir. Son contenu, présenté en 19 chapitres, ne contient aucune illustration, aucune formule chimique, aucun nom trop savant d’hormones ou de mécanismes biochimiques.
Il pourrait alors s’agir d’un ouvrage de vulgarisation sur les régimes, mais ce n’est pas vraiment cela. Une bibliographie est mise en appui de chaque chapitre, avec des articles récents publiés par exemple depuis 2012 dans Br. J. Nutr., Int. J. Mol. Sci., Cell. Metab. ou Obstet. Gynecol.
Il questionne des idées trop vite partagées sur le rôle délétère du fructose, la consommation de lait et l’évolution de la taille, le rôle des protéines animales dans les amaigrissements...
Bref un livre à conseiller avant les fêtes de fin d’année et leurs repas caloriques !
Christelle Langrand, Jacques Cattelin
(De Boeck Supérieur, 2017, 384 p. 27€)
Un beau livre, bien documenté et abondamment illustré qui adopte un exposé chronologique des grandes découvertes de la physique.
On peut s’interroger sur le public visé. A priori, ce sont les élèves des auteurs, professeurs agrégés, donc des lycéens. Et, de fait, les articles, tous d’une page de texte plus une photo, suggèrent des découvertes mais, par la force des choses, ne donnent pas de détails. Ils disent le quoi ? mais pas le comment ?, comme s’ils espéraient que les jeunes lecteurs iraient se documenter pour savoir comment les expériences ont été faites. Et pourquoi pas ? Après tout, de nos jours, les vecteurs d’accès à la connaissance ne manquent pas. Certains raccourcis sont quand même un peu rapides, comme à propos de la thermoluminescence.
On note des concepts effectivement enseignés en classe : Carnot, Ohm, Ampère, Faraday et d’autres clins d’œil d’enseignants. On peut quand même s’étonner que dans un livre où figurent tant de photos, on n’évoque pas Niepce et Daguerre, créateurs de la photographie.
Le livre évite habilement l’angélisme des génies précoces, comme l’expérience d’Ératosthène (« qui a eu de la chance ») et les miroirs ardents d’Archimède enflammant la flotte romaine (légende peu crédible).
Et puis, comme un scientifique ne peut s’empêcher de chercher des erreurs, signalons que Claude Cohen-Tannoudji a ralenti des atomes et pas des électrons. Ça ne fait pas beaucoup d’erreurs !
Bref, un bon livre, adapté aux membres de l’AFAS. Une idée de cadeau pour les fêtes...
Jean Audouze
(La Librairie Vuibert, 2017, 144 p. 12,90 €)
Jean Audouze, dans ses différentes responsabilités, a toujours été soucieux de la promotion des sciences. Son petit livre qui vient de paraître, L'école de la curiosité. Lettre à un jeune scientifique est une remarquable défense et illustration de la science et un plaidoyer convaincant pour encourager les nouvelles générations à embrasser une carrière scientifique.
Tous ceux qui ont une responsabilité dans l'éclosion et le développement des vocations scientifiques devraient aussi le lire et y puiser maints arguments pour combattre la vogue actuelle des indifférents ou détracteurs de la science.
Dans un premier chapitre, il pose la question « qu’est ce que la science ?». Belle question, moins simple qu'il n’y paraît au premier abord. Il nous rappelle que ce fut, jusqu'au XVIe siècle, une composante de la philosophie, qu'il y a toujours une science que l'on apprend et une science que l'on cherche à construire, en empruntant parfois des chemins détournés. Le rappel de quelques formidables avancées depuis le début du XXe siècle en est une belle illustration et démontre bien combien la recherche scientifique est toujours une aventure intellectuelle stimulante pour tous ceux qui s'y engagent.
Jean Audouze explique ensuite comment naît et se cultive cette curiosité inhérente à la démarche scientifique.
Puis il en vient à souligner, et à juste titre, combien notre société actuelle, à l'heure d'Internet et des réseaux sociaux, a un besoin d'expertises impartiales, responsabilité qui incombe aux scientifiques attentifs à remplir cette mission avec objectivité et probité. A l'instar du serment d'Hippocrate des médecins, il suggère que le beau texte qu'il a retrouvé sans en connaître l'origine mais qu'il cite page 119 de son livre, soit prononcé comme un serment des scientifiques par tous les nouveaux docteurs ès sciences au moment de la remise de leur diplôme. Belle suggestion !
Jean Audouze fait ensuite profiter ses lecteurs de son expérience personnelle pour rappeler les aberrations auxquelles ont conduit des réformes récentes dans le fonctionnement de notre système national de recherche, heureusement un peu compensées, n'en déplaise aux esprits chagrins qui voient dans les institutions européennes la source de tous les maux, par certaines initiatives de l'Union européenne, et en particulier par la création du Conseil européen de la recherche, présidé par un éminent mathématicien français.
Enfin et pour conclure, il rappelle que trois mots clés sont toujours le fil rouge de la carrière des chercheurs : liberté, curiosité et responsabilité.
Puisse cet ouvrage, simple, accessible et pertinent, être lu par beaucoup de jeunes en quête d'orientation professionnelle, ou par tous ceux, quel que soit leur âge, qui croient aux vertus du progrès scientifique.
Philippe Charlez
(De Boeck Supérieur, 2017, 208 p. 29,50€)
Selon Philippe Charlez, la « quête du Graal » des temps modernes serait d’assurer à une population mondiale, toujours plus nombreuse, un niveau de confort continuellement croissant, sans dégrader pour autant la qualité de son environnement : air, écosystèmes, climat, santé des humains et des animaux… Et, bien sûr, sans épuiser des réserves d’énergies fossiles qui ont requis des centaines de millions d’années pour se constituer. Notre confort moderne a pourtant été acquis grâce à l’exploitation, voire la surexploitation, de ces énergies fossiles. Propos illustrés en rappelant qu’avant la révolution industrielle induite par l’invention de la machine à vapeur et la découverte de l’électricité, un homme, à la force de ses propres muscles, produisait un travail journalier équivalent à un kilowattheure ; ce travail, EDF nous le facture actuellement 0,16€. Cependant, assurer la progression rapide du standard de vie d’un nombre croissant d’individus n’est pas sans conséquences : les experts chiffrent à moins de deux siècles les réserves fossiles mondiales ; le CO2 rejeté accélère le réchauffement de la planète Terre ; l’atmosphère très polluée de certaines grandes métropoles devient irrespirable…
L’ouvrage se structure autour de l’« équation de Kaya », une expression mathématique qui corrèle les impacts environnementaux avec des facteurs démographiques, économiques et technologiques :
Ces trois facteurs sont respectivement : (1), le pouvoir d’émission moyen d’un mix fossile ; (2), l’intensité énergétique ; (3), le PIB par habitant. L’auteur explique comment minimiser chacun des termes de cette équation en insistant sur le (2), l’intensité énergétique, très médiocre dans les pays émergents ; ce serait elle qui impacterait beaucoup le bilan CO2 de la planète.
L’auteur propose des solutions régionales qui réduiraient en priorité l’« intensité énergétique » des pays émergents, gros contributeurs à l’élévation de la concentration du CO2 dans l’atmosphère. En ce qui concerne la production d’électricité, le pétrole s’est éliminé de lui-même avec ses coûts dissuasifs. Le charbon, dont les prix demeurent traditionnellement très bas, revient en force alors qu’il détient le record du CO2 généré pour 1 kWh d’électricité produit ; il serait donc à bannir rapidement. L’électricité produite au gaz naturel possède un impact CO2 réduit grâce à la double génération, turbines et vapeur ; cela porte son rendement de conversion à presque 60% ; elle devrait être privilégiée. Les conséquences de l’environnement géopolitique sur la sécurité des divers approvisionnements sont discutées. L’auteur explique aussi comment les Américains, qui ont fortement développé l’exploitation des gaz et pétroles de schiste, possèdent les manettes de la régulation des prix mondiaux des hydrocarbures : les infrastructures nécessaires à la mise en place de ces technologies étant plus souples et plus rapides que pour les sources traditionnelles en forages offshore.
La France tient une position singulière, 70% de son électricité est d’origine nucléaire. Selon l’auteur, elle serait incapable de se débarrasser de cette contrainte à court terme sans faire « exploser » son empreinte CO2. Il faudra apprendre à vivre encore avec le nucléaire pendant quelques décennies.
Philippe Charlez sera l’invité du Petit-déjeuner de la science et de l’innovation du 14 décembre 2017.
Jean-François Mattei
(Les liens qui libèrent, 2017, 160 p. 20 €)
Sa couverture est réussie : le livre y est tout entier. L'exprimable et le non-exprimable, le dit et le non-dit.
On voit d'abord les deux mains, elles emplissent la page, celle d'un homme et celle d'un robot, dessinées dans la position des deux mains de la célèbre fresque de Michel-Ange représentant la création de l'homme, mais là, celle d'un homme, Adam, et celle d'un dieu.
Jean-François Mattei, tout au long de son essai, s'interroge sur cette volonté humaine, à l'œuvre actuellement en divers lieux du monde, y consacrant des milliards, visant à créer un nouvel être, robot omniscient et/ou homme immortel. Cette entreprise, qui fait appel aux derniers progrès de la science et de la technique, qui fait faire d'extraordinaires pas de géant à la science et à la technique, est-elle sérieuse ? Qui peut dire où elle nous mène ? Etre comme des dieux est un vieux rêve des hommes : il invite au progrès, il est aussi source de tous les dangers. Ces deux mains, l'une tendue vers l'autre, l'une conviant l'autre à la vie, expriment à la perfection le propos du livre, fait d'émerveillements et d'inquiétudes.
Et on y lit ensuite, de part et d'autre des deux mains, titre et sous-titre : "Questions de conscience", "De la génétique au posthumanisme". En lisant "questions de conscience", on entend en même temps "question de confiance" et c'est bien de cela qu'il s'agit : de question(s), de conscience, de confiance. Que sommes-nous en train de faire, que devient la conscience dans tout cela, en quoi et en qui croire ? L'auteur n'esquive aucune de ces questions. Sa réflexion se veut objective, scientifique, autant qu'il est possible en un tel domaine. Il rappelle qu'avec le séquençage du génome, beaucoup ont pensé qu'on savait désormais tout de la vie, mais en réalité il n'en était rien, les gènes ne déterminent pas tout. N'en sera-t-il pas de même avec le décryptage du "connectome" ? A supposer qu'on parvienne à tout savoir et tout comprendre, à l'aide des ordinateurs et algorithmes ad hoc, des milliers de milliards de nos neurones et des milliards de milliards de connections qui les relient, en saurons-nous plus sur l'esprit, sur l'âme, sur la conscience ? Le constat est connu : plus la science étend le domaine du connu, plus celui de l'inconnu qu'elle perçoit ou devine s'étend lui aussi. N'est-ce pas ce qu'oublient transhumanistes et posthumanistes ?
Tout le livre est guidé par le doute, vertu principielle de la pensée scientifique. Pas le doute qui paralyse, le doute qui fait avancer droit.
Notre organisme à beau être, bel et bien, une machine physico-bio-chimique, est-il seulement cela ?
Jean-François Mattei, médecin pénétré de la mission de la médecine, soigner, soulager, guérir... nous emmène dans une passionnante réflexion sur l'état actuel des recherches et de leurs promesses.
Stéphane Biacchesi, Christophe Chevalier, Marie Galloux, Christelle Langevin, Ronan Le Goffic, Michel Brémont
(Quae, 2017, 112 p. 16 €)
Dans ce livre de petit format, vous retrouvez très rapidement de nombreuses données récentes sur les virus. En effet, un groupe de six virologistes de l’Institut national de la recherche agronomique (Inra) s’est attaché à décrire les différents types de virus, leur mode de transmission et leur dangerosité éventuelle.
Mais on peut aussi découvrir de « bons virus », tels les bactériophages destructeurs de bactéries pathogènes, qui furent découverts en 1917 par un chercheur de l’Institut Pasteur, Félix d’Hérelle, dix années avant l’apparition de la pénicilline.
Les exemples concernent surtout des virus dangereux pour l’Homme (variole, varicelle, influenza, ebola, rougeole, sida, zika, hépatites virales) mais on peut regretter qu’il n’y ait pas plus d’exemples en pathologie animale (en dehors de la peste aviaire où la barrière d’espèce entre les volailles et l’Homme demeure importante).