Croissance, énergie, climat. Dépasser la quadrature du cercle

Philippe Charlez

(De Boeck Supérieur, 2017, 208 p. 29,50€)

Croissance, énergie, climat. Dépasser la quadrature du cercle (P. Charlez, De Boeck Supérieur, 2017)Selon Philippe Charlez, la « quête du Graal » des temps modernes serait d’assurer à une population mondiale, toujours plus nombreuse, un niveau de confort continuellement croissant, sans dégrader pour autant la qualité de son environnement : air, écosystèmes, climat, santé des humains et des animaux… Et, bien sûr, sans épuiser des réserves d’énergies fossiles qui ont requis des centaines de millions d’années pour se constituer. Notre confort moderne a pourtant été acquis grâce à l’exploitation, voire la surexploitation, de ces énergies fossiles. Propos illustrés en rappelant qu’avant la révolution industrielle induite par l’invention de la machine à vapeur et la découverte de l’électricité, un homme, à la force de ses propres muscles, produisait un travail journalier équivalent à un kilowattheure ; ce travail, EDF nous le facture actuellement 0,16€. Cependant, assurer la progression rapide du standard de vie d’un nombre croissant d’individus n’est pas sans conséquences : les experts chiffrent à moins de deux siècles les réserves fossiles mondiales ; le CO2 rejeté accélère le réchauffement de la planète Terre ; l’atmosphère très polluée de certaines grandes métropoles devient irrespirable…

L’ouvrage se structure autour de l’« équation de Kaya », une expression mathématique qui corrèle les impacts environnementaux avec des facteurs démographiques, économiques et technologiques :

tCO2/hab = tCO2/MWh (1) x MWh/k€ (2) x k€/hab (3)

Ces trois facteurs sont respectivement : (1), le pouvoir d’émission moyen d’un mix fossile ; (2), l’intensité énergétique ; (3), le PIB par habitant. L’auteur explique comment minimiser chacun des termes de cette équation en insistant sur le (2), l’intensité énergétique, très médiocre dans les pays émergents ; ce serait elle qui impacterait beaucoup le bilan CO2 de la planète.

L’auteur propose des solutions régionales qui réduiraient en priorité l’« intensité énergétique » des pays émergents, gros contributeurs à l’élévation de la concentration du CO2 dans l’atmosphère. En ce qui concerne la production d’électricité, le pétrole s’est éliminé de lui-même avec ses coûts dissuasifs. Le charbon, dont les prix demeurent traditionnellement très bas, revient en force alors qu’il détient le record du CO2 généré pour 1 kWh d’électricité produit ; il serait donc à bannir rapidement. L’électricité produite au gaz naturel possède un impact CO2 réduit grâce à la double génération, turbines et vapeur ; cela porte son rendement de conversion à presque 60% ; elle devrait être privilégiée. Les conséquences de l’environnement géopolitique sur la sécurité des divers approvisionnements sont discutées. L’auteur explique aussi comment les Américains, qui ont fortement développé l’exploitation des gaz et pétroles de schiste, possèdent les manettes de la régulation des prix mondiaux des hydrocarbures : les infrastructures nécessaires à la mise en place de ces technologies étant plus souples et plus rapides que pour les sources traditionnelles en forages offshore.

La France tient une position singulière, 70% de son électricité est d’origine nucléaire. Selon l’auteur, elle serait incapable de se débarrasser de cette contrainte à court terme sans faire « exploser » son empreinte CO2. Il faudra apprendre à vivre encore avec le nucléaire pendant quelques décennies.

 
Philippe Charlez sera l’invité du Petit-déjeuner de la science et de l’innovation du 14 décembre 2017.