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Edito du 5 mai 2025

Accueillir des chercheurs américains: oui… mais on doit d’abord augmenter les budgets de la recherche!

Jean-Gabriel Ganascia

Prédisent de l’Afas
Professeur d’informatique à la faculté des sciences de Sorbonne Université, membre de l’Institut universitaire de France, ancien président du comité d’éthique du CNRS

Depuis sa dernière élection, l’actuel président des États-Unis, Donald Trump, s’est lancé dans une attaque sans précédent contre la science et les universités américaines. Cela se traduit par des coupes très sévères dans le financement des agences fédérales de recherche. La NSF (National Science Foundation) voit ses fonds réduits de 20%, la NASA (National Aeronautics and Space Administration), de 23% et le NIH (National Institute of Health), de 40%. Certains secteurs se trouvent même en total déshérence. Ainsi, le budget alloué aux sciences du climat est diminué de 80%! Et, des chercheurs de ce secteur sont même empêchés de se rendre à l’étranger pour assister à des colloques internationaux. À cela, il faut ajouter que le gouvernement américain a suspendu le financement de 3.400 projets de recherche. Dans cette situation, de nombreux scientifiques, en particulier des jeunes qui n’ont pas encore de poste stable, se trouvent dans une situation très difficile.

Pour les aider, l’Europe et en particulier la France s’engagent à les recueillir. Le secrétaire d’État à la recherche, Philippe Baptiste, l’a assuré. Des universités ont décidé de mettre de côté des fonds supplémentaires pour des chercheurs américains qui en feraient la demande. C’est le cas de l’université d’Aix-Marseille, qui a proposé d’engager un programme programme baptisé « SAFE SPACE for Science », ou de l’université libre de Bruxelles, qui lance un concours de 12 postes internationaux, avec un accent fort en direction de chercheurs américains, ou encore de l’université de Paris-Saclay.

Comment ne pas louer de telles initiatives et s’en féliciter? Juste retour des choses dira-t-on, lorsqu’on se souvient que, dans les années 1930s, l’Amérique offrit un refuge à un grand nombre d’intellectuels européens pourchassés.

Pourtant, la situation n’est pas tout à fait la même: autant qu’on le sache, pour l’heure, les chercheurs américains ne risquent pas encore d’être déportés. De plus, les moyens dont on dispose aux États-Unis n’ont pas grand rapport avec ceux que l’on met à disposition de la recherche en Europe, et surtout en France. Songeons que notre pays y consacre environ 2,22% de son PIB (produit intérieur brut) contre 3,41% aux États-Unis, ce qui fait que, même avec une réduction drastique de plus de 25% que promet l’administration américaine, une part bien plus importante y reste allouée à la recherche. Ajoutons aussi la taille du gâteau, sans commune mesure avec la nôtre. Soulignons enfin que les chercheurs qui viendraient en Europe auraient bien plutôt intérêt à se tourner vers l’Allemagne, la Suède, la Belgique ou la Suisse qu’à venir France, car la proportion des budgets consacrée à la recherche y est nettement plus importante. Quant aux salaires versés, ils apparaissent si ridiculement faibles aux yeux d’américains, qu’ils risquent de se détourner. Et, là encore, il leur vaudrait mieux aller au Royaume-Uni ou en Suisse. Bref, ces propositions paraissent bien irréalistes.

Rappelons enfin que la recherche est désormais mondialisée et qu’il existe d’ores et déjà de multiples possibilités d’emploi pour les chercheurs étrangers tant en France qu’en Europe. Les postes offerts au concours par les organismes de recherche comme le CNRS ou Inria en France leur sont ouverts: il n’y a aucune condition de nationalité pour y candidater. Et, il en va de même pour l’ERC (European Research Council), à condition que le laboratoire d’accueil soit européen.

Plutôt que de promettre de nouveaux programmes spécifiques, tout à la fois aléatoires et nébuleux, ne serait-il pas préférable d’augmenter les budgets globaux consacrés aux sciences pour accueillir dignement plus de chercheurs étrangers, notamment américains, qui nous feraient bénéficier de leur savoir et de leur talent?


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