Les membres de l’Afas publient régulièrement des notes de lectures. Elles sont à retrouver ici.
AFNOR
(AFNOR Editions, 2017, 144 p. 23,60€)
« Avec le Club Med vous vivrez des vacances hors norme ! ». Ce genre de publicité laisse entendre que le « hors norme » est beaucoup mieux que la routine des habitudes « dans la norme », mais le livre Trente histoire hors norme est tout au contraire un éloge des normes et des bienfaits qui en résultent. C’est ainsi, par exemple, que lorsque sans concertation, chaque fabricant avait ses habitudes pour les vis et les boulons, on ne pouvait utiliser les boulons des uns avec les vis des autres... et c’est l’histoire des concertations difficiles mais raisonnables conduisant aux accords les plus judicieux qui est « hors norme ».
De fait les normes sont partout; une langue, c’est une norme construite par un peuple au long des siècles pour communiquer aisément : si vous ne respectez pas « la norme » vous prenez le risque d’être compris de travers...
Vous serez surpris d’apprendre que tous les caractères des alphabets latin, cyrillique, grec, arabe, amharique, hébreu, copte... ont un numéro de code unique qui permet de les différencier partout, que les accessoires des aires de jeux des enfants font l’objet de tests régis par des normes anti-accident très rigoureuses, qu’il en est de même de tous les aspects de la vie de tous les jours, pour la nourriture, pour les transports et la signalisation routière, ferroviaire, maritime, pour la construction et l’aménagement des immeubles, pour les ascenseurs et les escaliers, pour l’eau et l’électricité... et même pour ce qui relève du luxe et de la fantaisie !
En définitive, vous serez convaincus que l’abondance et l’intelligence des normes de toutes sortes sont absolument essentielles pour une vie vivable.
Michel Blay
(CNRS Editions, 2017, 302 p. 22€)
Le message de l’auteur est que, à chaque époque, la vision de la science est intégrée dans une vision philosophique globale du monde.
Michel Blay considère quatre grandes époques :
- l’Antiquité : « l’intelligible »,
- le Moyen Age : « l’ordre théologico-cosmique chrétien »,
- la période moderne : « le mathématique »,
- la période à partir de la fin du XVIIIe siècle : « l’ordre économico-cosmique énergétiste ».
Le concept de nature a varié selon ces époques. Pour Aristote, c’est « la substance des choses qui possèdent un principe de mouvement entre elles-mêmes en tant que telles » (les êtres vivants mais pas seulement). Au Moyen Age, pour Michel Blay, « la théologie de [l’abbé de] Suger [initiateur de la basilique de Saint-Denis]… unifie par le Christ le monde des réalités matérielles et spirituelles ». Les mouvements des astres et des planètes appartiennent au monde spirituel. Au contraire Galilée a une approche d’ingénieur et interprète par des lois semblables les mouvements célestes et terrestres, en rupture avec l’approche médiévale. Puis la mathématisation des lois du mouvement se met en place. Dans la période la plus récente, les inventions techniques, le concept de travail et la maîtrise du temps sont en lien direct avec le monde économique : pour l’auteur, « la technique se réalise maintenant dans l’énergie ».
Ce livre qui croise philosophie et histoire des sciences présente une approche globale, originale et éclairante.
Fabrice Mottez
(Belin, 2017, 240 p. 25€)
Printemps 1941. Ravagée par les bombes et seule rescapée face aux conquêtes nazies, l’Angleterre se bat pour survivre avec le courage et l’énergie du désespoir. Son arme secrète : les radars qui la préviennent à temps des attaques de l’aviation ennemie. Mais voici un phénomène étrange et inquiétant : de temps en temps les radars sont éblouis, que se passe-t-il donc ? Il se passe que l’une des grandes taches du Soleil et le champ magnétique intense qui lui est associé sont dirigés vers nous et perturbent violemment les télécommunications ! Cette découverte essentielle sera soigneusement tenue secrète tout au long de la guerre car sinon la Luftwaffe aurait pu lancer des raids dévastateurs à l’abri du rayonnement électromagnétique d’une grande tache…
Heureusement le côté pacifique de ces troubles est une magnifique compensation : les aurores polaires, qu’elles soient boréales ou australes, sont le plus beau spectacle que la nature offre à l’humanité. Dans un silence absolu, d’élégantes draperies aux belles couleurs changeantes dansent et oscillent lentement dans le ciel nocturne d’un horizon à l’autre pendant parfois des heures… et sont de temps à autre traversées par de brusques modifications. Les photographies exceptionnelles dont le livre est parsemé ne peuvent évidemment que donner une faible idée de tous ces fantastiques phénomènes.
Bien entendu les peuples du Grand Nord, les Lapons, les Samoyèdes, les Tchouktches, les Inuits, les Indiens du Canada mais aussi d’autres peuples moins bien placés comme les Chinois n’ont pas manqué de chercher des explications poétiques de ces phénomènes, et c’est là l’une des parties les plus belles du livre de Fabrice Mottez. Mais les scientifiques modernes eux aussi ont su faire preuve d’imagination tout en conservant la rigueur nécessaire et leurs explications : la Terre dans le vent des particules du plasma solaire, la magnétosphère protectrice et tourmentée, le combat des éruptions magnétiques du Soleil et du champ magnétique de la Terre… tout cela s’enveloppe d’un magnifique parfum de poésie absolument indéniable même s’il n’a pas été recherché ! ... et met en garde contre les conséquences des orages magnétiques, lesquelles ne concernent pas que les radars dans notre civilisation actuelle si dépendante de l’électricité.
Avec in fine une escapade vers les aurores polaires des autres planètes et de leurs satellites, et avec les photos prises par les sondes spatiales, ce livre offre un panorama complet de ce que nous connaissons aujourd’hui dans ce domaine si beau.
Ouvrage collectif
(Belin, 2017, 336 p. 22€)
Ce livre co-écrit par 40 blogueurs, dessinateurs ou youtubeurs, donne un éclairage original et ludique de la science : pourquoi le sang bleu des limules peut sauver des vies ; quelle était véritablement l'opposition entre Edison et Tesla ; les plantes sont-elles intelligentes ? ; la constante "tau" va-t-elle détrôner "pi" ? ; le mythe de l'utilisation de notre cerveau à 10% de sa capacité ; les animaux sont souvent infanticides ; il faut remercier les virus ; Lenna, la pin-up qui sert de banc d'essai aux informaticiens...
Cet ouvrage est facile et agréable à lire et, en même temps, il dénonce un certain nombre d'idées fausses et fait découvrir nombre de phénomènes peu connus ou étranges. A emporter absolument à la plage !
Nick Battey et Mark Fellowes
(Le Courrier du livre, 2017, 162 p. 18 €)
J’ai lu cet ouvrage par curiosité, interpelée par le titre et par la collection "3 minutes pour comprendre", que je ne connaissais pas. Cette collection traite, en plus de 30 ouvrages, des grandes théories économiques, scientifiques, politiques, religieuses, de la mythologie, des inventions de Léonard de Vinci… Interpellant non ?
L’ouvrage concernant la biologie est de deux auteurs américains, Nick Battey et Mark Fellowes, professeurs en développement végétal pour le premier et en écologie pour le second, à l’université de Reading. L’ouvrage français a été traduit et adapté par Michèle Monin.
En 160 pages, les auteurs abordent sept domaines de la biologie : la vie, les gènes, des gènes aux organismes, la croissance et la reproduction, énergie et nutrition, l’évolution, l’écologie. Vaste programme !
La structure du livre est à souligner : chacun de ces sept domaines correspond à un chapitre d’une dizaine de parties ; le découpage des chapitres est de même nature : en premier un glossaire, en dernier une controverse, et vers le milieu un profil de grand biologiste - j’ai surtout retrouvé des biologistes américains sur les sept profils présentés !
Chaque partie, ou sujet, est présenté en une page (page de gauche) et en un seul paragraphe "théorie en 30 secondes". Pour le lecteur encore plus pressé, la "dissection en 3 secondes" est présentée en encart, en une seule phrase. Sous cet encart, ce qui est appelé "synthèse en 3 minutes" ouvre à un questionnement ou une réflexion sur le sujet. Il est possible d’avoir ainsi en quelques minutes une présentation scientifique actualisée très synthétique. Aussi, à qui cet ouvrage peut-il s’adresser ? Il faut déjà un bon niveau de connaissances dans les domaines abordés pour en saisir selon moi l’intérêt. Quant aux illustrations présentées en page de droite, elles m’ont demandé plus de 3 secondes pour en comprendre le sens : une seule illustration par partie, superbe photo non légendée, composition d’un artiste très inventif : pour exemple, en page 117, partie sur l’évolution, chapitre sur la sélection sexuelle, la photo "les parades nuptiales ont évolué en réponse au processus de sélection des partenaires sexuels par la femelle" est une vraie œuvre d’art ; elle nécessite quelque temps pour repérer ce qui est représenté, même si la voiture ou le coq sont très vite identifiables.
Je garde cet ouvrage bien précieusement car je pourrai le présenter aux réfractaires à la biologie en leur disant : la biologie c’est de l’art et c’est le vrai questionnement actuel : les origines de la vie, la reproduction, l’énergie, les changements climatiques, les espèces envahissantes…
Bonne lecture cet été !
Derek Lowe
(Dunod, 2016, 528 p. 29 €)
Derek B. Lowe est un chimiste américain qui a fait le choix d’écrire un livre sur la chimie sans aucune formule chimique et avec de superbes images. Le classement est chronologique et on peut y trouver l’histoire de la science de la transformation de la matière, depuis la Haute Antiquité jusqu’à nos jours. Pour toutes ces raisons, le non-chimiste pourra lire ce document sans difficulté et il pourra faire le lien avec l’histoire de la science en général, et même l’histoire tout court ; le chimiste, quant à lui, va y trouver quantité d’informations et d’anecdotes qui vont le ravir. Les professeurs du secondaire qui enseignent la chimie devraient avoir ce livre sur leur table de chevet car quoi de plus intéressant pour les élèves que de faire le lien entre le monde réel et la chimie, science qui leur semble toujours plutôt ésotérique ?
Il y a 3300 ans, des hommes arrivaient à manipuler du cuivre et plus tard, en y ajoutant d’autres métaux dont l’étain, ils fabriquaient les premiers artéfacts sophistiqués. Peu de temps après, ils préparaient le fer. Cette protochimie posait des questions sur l’existence de « racines » de l’ensemble des substances. Et c’est ainsi que la théorie d’Empédocle sur les quatre éléments - la terre, l’air, le feu et l’eau -, bien que simpliste et fausse, allait durer 2000 ans. En revanche, la supputation des atomes par Démocrite, quelques centaines d’années av. J.-C., était juste mais n’a été prouvée que quelques milliers d’années plus tard. Le livre se termine avec quelques hypothèses vraisemblables sur le stockage de l’hydrogène et la photosynthèse artificielle à l’horizon 2015-2030, mais surtout par le microscope à force atomique qui permet d’observer réellement les molécules. Le rêve de tous les chimistes organiciens !
Bien que d’origine anglo-saxonne, ce livre n’oublie pas les savants français et on y rencontre Louis Le Châtelier, Claude-Louis Berthollet, Joseph Louis Gay-Lussac et bien sûr, Antoine Laurent Lavoisier, Louis Pasteur et les Curie. On y trouve aussi tous les savants méconnus qui pourtant ont fait avancer la science. Je citerai mon cher baron Charles Cagniard de Latour qui, avec un canon de fusil et une bille en agate, a trouvé l’état critique, et Marguerite Perey qui a découvert le dernier élément naturel, le francium.
Le livre de D. B. Lowe est donc passionnant à lire et magnifiquement illustré. Le langage utilisé permet une lecture facile à tous ceux pour lesquels la chimie est absconse et les informations contenues peuvent aussi satisfaire les scientifiques les plus confirmés. Par ailleurs, toute personne utilisant l’adjectif chimique avec un sens péjoratif, comme c’est la mode en ce moment, devrait être condamnée à lire ce livre, et en plus elle y prendrait un grand plaisir !
Christian Bracco
(CNRS Editions, 2017, 232 p. 22 €)
Ce livre présente une partie peu connue du grand public de la vie d'Albert Einstein, sa jeunesse en Italie où, à partir de 1894, son père avait installé ses usines d'appareils électriques et électrotechniques après avoir quitté Munich.
L'année 1905 voit Albert Einstein concrétiser les idées qui lui ont permis de révolutionner la physique : cet ouvrage tente d'expliquer comment Albert Einstein en est arrivé là, comment son environnement familial, amical, professionnel et scientifique explique l'avènement de cette année miraculeuse.
Un livre bien documenté et très précis, qui intéressera sans aucun doute tous ceux qu'Albert Einstein passionne.
Thibault Damour, Mathieu Burniat
(Dunod, 2017, 208 p. 15,90 €)
Expliquer le monde quantique par une BD est une aventure plutôt osée, c'est pourtant le pari tenté (et réussi) par Thibault Damour et Mathieu Burniat.
En suivant les péripéties du héros Bob accompagné de son chien Rick, nous rencontrons les principaux "inventeurs" de l'univers quantique : Max Planck, Albert Einstein, Niels Bohr... Tous croqués avec humour et réalisme, ils nous expliquent comment ils ont été amenés à proposer leurs théories improbables et quasi mystérieuses décrivant les phénomènes physiques de l'infiniment petit.
Les explications sont simples et claires, les dessins accompagnent avec talent et poésie le discours : à lire absolument si on s'intéresse à la physique quantique.
Joanne Baker
(Dunod, 2017, 208p. 15,90 €)
Ce livre s'attaque à un défi de taille : faire comprendre le monde quantique sans faire appel à des notions de mathématiques supérieures. 50 idées clés sont parcourues, dessinant ainsi un panorama assez complet de la physique de l'infiniment petit : la vitesse de la lumière, l'équation de Schrödinger, l'effet tunnel, le chat de Schrödinger, les inégalités de Bell... Toutes ces notions font apparaître un monde étrange et déroutant que notre imagination cartésienne a bien du mal a cerner !
Ce livre est mis en page de façon claire, avec des anecdotes et des schémas qui rendent sa lecture plutôt agréable.
Nicolas Mathevon, Eliane Viennot
(Belin, 2017, 333 p. 22 €)
Cet ouvrage, publié sous la direction de Nicolas Mathevon et d’Eliane Viennot, qui en ont écrit l’avant-propos, se penche sur la différence entre sexes, considérée dans le contexte des recherches actuelles dans différents domaines et des politiques publiques visant à la mise en œuvre de l’égalité entre les femmes et les hommes. La différence hiérarchisée des sexes relève d’une pensée ancienne, par exemple comme l’écrivait Jean-Jacques Rousseau dans l’Emile : « Il n’y a nulle parité entre les deux sexes… ». Même si aujourd’hui de nombreuses recherches se penchent sur la question de l’(in)égalité entre les sexes, le monde de la recherche est influencé par les idées reçues et les stéréotypes de la société qui l’entoure.
Le livre rassemble 10 chapitres, écrits par les meilleur·e·s chercheur·e·s français·e·s, analysant les différences entre sexes dans des disciplines diverses : études cinématographiques, biologie du comportement animal, droit du travail, littérature française du XVIIe siècle, biologie du développement de l’appareil génital, arts du spectacle-danse, psychologie sociale, musicologie, histoire du sport, études de la Renaissance, éthologie des primates non humains.
Chaque chapitre suit un plan analogue, permettant de faire le point sur le domaine :
- quelques exemples de recherches et de résultats ;
- état des recherches et du questionnement dans la discipline ;
- des biais idéologiques ?
Cet ouvrage constitue un panorama très complet des recherches passées et actuelles sur ce qu’est être un homme ou une femme. Nicolas Mathevon et Eliane Viennot émettent un message d’espoir. Pour eux, la prise de conscience de l’enrichissement de chaque discipline par la considération de la différence des sexes fait son chemin ; cette considération exige des contacts multidisciplinaires, entre sciences du vivant et sciences humaines, qui sont très fructueux..