Le risque d’une transmission zoonotique d’un virus influenza aviaire de sous-type H5, H7 ou H1 à l’Homme

Jeanne Brugère-Picoux

Professeur honoraire de pathologie médicale du bétail et des animaux de basse-cour (Ecole nationale vétérinaire d’Alfort), membre de l’Académie nationale de médecine, ancienne présidente de l’Académie vétérinaire de France

 

Pour la première fois, les Américains ont annoncé en décembre dernier la contamination possible d’un vétérinaire new-yorkais par un virus H7N2 après un contact avec les chats d’un refuge dans l’île de Manhattan. Ce vétérinaire a présenté des troubles respiratoires modérés avec une guérison rapide. Plus d’une centaine de chats hébergés dans divers refuges de l’île ont été atteints par ce virus aviaire classé faiblement pathogène avec des troubles respiratoires modérés évoluant vers la guérison en l’espace d’une semaine (un seul chat est mort). Le contrôle de 350 personnes ayant pu être en contact avec les chats des divers refuges n’a pas permis de détecter d’autres contaminations humaines. Bien que l’on sache que l’Homme peut être sensible au virus influenza de sous-type H7, que celui-ci soit hautement pathogène (HP) ou faiblement pathogène (FP), ce cas de contamination d’un virus H7N2 du chat à l’Homme doit être considéré comme exceptionnel puisqu’il est unique et qu’il n’y a pas eu d’autres transmissions du chat à l’Homme ou de transmission interhumaine ultérieure avec un tel virus.

Cette annonce nous amène à nous poser la question du risque de transmission zoonotique d’un virus influenza aviaire. Ce risque est connu pour les virus de sous-types H5, H7 et H1.

Les virus influenza A peuvent être isolés chez différentes espèces animales (oiseaux, porc, baleine, cheval, phoque, chat, chien), les oiseaux sauvages étant considérés comme étant à l’origine des contaminations. Ces virus sont classés en sous-types en fonction de deux protéines situées à leur surface: l’hémagglutinine (H) et la neuraminidase (N). Il existe 18 sous-types d’hémagglutinine et 11 sous-types de neuraminidase. Cependant les sous-types H17N10 et H18N11 ne sont pas hébergés par les oiseaux mais par les chauves-souris. Seuls les virus H5 et H7 peuvent provoquer une peste aviaire en devenant HP pour les volailles, notamment les dindes et les poulets mais certains, comme le virus HP H5N8 sévissant actuellement en Europe, peuvent être exceptionnellement très virulents chez les anatidés.

En règle générale, les contaminations humaines par des virus H5 et H7 n’étaient pas considérées comme des zoonoses. Ce n’est qu’après les infections humaines par le virus HP de sous-type H5N1 épizootique ayant tué six personnes à Hong-Kong en 1997 (de 2003 au 19 décembre 2016, il y a eu 856 cas humains dont 452 morts [1] que la peste aviaire a été classée en tant que zoonose.

C’est aussi à l’occasion de cette épizootie que l’on a eu la surprise de découvrir que des félidés pouvaient être sensibles à ce virus HP H5N1, d’abord en 2004 en Thaïlande chez des félidés sauvages (deux tigres et deux léopards) dans un zoo puis en Allemagne (avec la mortalité de trois chats dans l’île de Rügen) et en Autriche (3 chats dont deux guérisons) en 2006. L’annonce très médiatique de cette contamination féline a été à l’origine d’une panique injustifiée chez certains propriétaires de chats, notamment en Allemagne, et de recommandations souvent extrêmes de confinement des chats dans d’autres pays européens.

Des cas de contaminations lors d’une peste aviaire due à un virus H7 ont pu être aussi observés dans le passé. Par exemple, l’émergence d’un grand nombre de conjonctivites humaines et d’un cas mortel (peut-être dû en fait à une chlamydiose) lors d’une épizootie de peste aviaire hollandaise due à un virus HP H7N7, au printemps 2003, passa presque inaperçue du fait de l’importance médiatique du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) sévissant en Asie et au Canada au même moment. Des cas isolés de contamination humaine par des virus influenza HP de sous-types H7N2 et H7N3 ont également signalés aux Etats-Unis en 2002 et au Canada en 2004 respectivement, à la suite d’un contact avec des volailles atteintes. Un autre exemple plus récent a montré la possibilité d’une contamination humaine en Asie (le plus souvent lors de la visite de marchés de volailles vivantes) par un virus aviaire faiblement pathogène H7N9 (de 2013 à 2015, il y a eu 681 cas humains déclarés dont 275 décès [2].

Enfin, ce n’est pas la première fois que l’on observe la transmission à l’Homme d’un virus influenza H7 par une espèce non aviaire : ce fut le cas en 1980 aux Etats-Unis avec un virus H7N7 transmis par le phoque.

Concernant les virus influenza de sous-type H1, le risque zoonotique est connu depuis longtemps avec l’espèce porcine, la grippe du porc ayant toujours été classée dans les zoonoses. Bien que l’on connaissait depuis longtemps la sensibilité de la dinde à ce sous-type, avec des symptômes respiratoires modérés et une chute du taux de ponte, il a fallu la pandémie grippale due au virus H1N1 en 2009 pour que l’on découvre la possibilité d’une transmission de cette espèce à l’Homme ou inversement. Enfin, lors de la pandémie mondiale de 2009 due à un virus H1N1, on a aussi observé la contamination de plusieurs chats en Amérique du Nord comme en Europe ou en Chine sans que l’on ait pu démontrer une transmission du chat à l’Homme.

En conclusion, en dehors de la grippe porcine due au virus aviaire de sous-type H1, le risque zoonotique des virus influenza aviaires de sous-type H5 et H7 peut être considéré comme faible ou exceptionnel (selon les exemples précités) tant que l’on n’observera pas une forte contagiosité et une transmission interhumaine.

 

[1] Données du site de l’OMS consultées le 14 janvier 2017
[2] Données OMS au 13 novembre 2015