Une autre fin du monde est possible. Vivre l’effondrement (et pas seulement y survivre)

Pablo Servigne, Raphaël Stevens, Gauthier Chapelle

(Seuil, 2018, 336 p. 19€)

 
Une autre fin du monde est possible (P. Servigne, R. Stevens, P. Chapelle, Seuil, 2018)Ils sont des récidivistes. Pablo Servigne, Raphaël Stevens, Gauthier Chapelle avaient déjà écrit, en 2017, L’entraide, l’autre loi de la jungle, livre dans lequel ils développent l’idée que, sans entraide, altruisme, partage, mise en commun, etc., aucune vie sociale – donc aucune vie – ne serait possible, que ce soit dans la nature ou dans nos sociétés développées.

Leur dernier ouvrage est écrit dans le même esprit : comment faire autrement ?

Une citation du philosophe Bruno Latour donnée dans la conclusion Apocalypse ou happy collages ? est le fil rouge implicite de tout le livre : « Comment prendre pour réaliste un projet de modernisation qui aurait oublié depuis deux siècles de prévoir les réactions du globe terrestre aux actions humaines ? Comment accepter que soient objectives des théories économiques incapables d’intégrer dans leurs calculs la rareté des ressources dont elles avaient pourtant pour but de prévoir l’épuisement ? Comment parler d’efficacité à propos de systèmes techniques qui n’ont pas su intégrer dans leurs plans de quoi durer plus que quelques décennies ? Comme appeler rationaliste un idéal de civilisation coupable d’une erreur de prévision si magistralement qu’elle interdit à des parents de céder un monde habité à leurs enfants ? »

Et en effet, après une longue séquence de croissance et de prospérité, nous voici en face des conséquences de nos actes : le risque d’un effondrement général de nos sociétés et même de l’extinction de l’espèce humaine. Nul ne sait ni quand cela arrivera ni quelle forme cela prendra mais, une chose est sûre, cela risque fort d’arriver.

Les trois auteurs ont une formation scientifique. Il est important de le préciser car leur ouvrage nous emmène sur des chemins scientifiquement non balisés. Ils nous invitent à faire un pas de côté. Ils nous emmènent sur des chemins de traverse. Ils cherchent à nous faire partager diverses expériences qu’ils ont vécues et continuent à vivre au sein de groupes alternatifs. Ils passent en revue les publications de nombreux savants, philosophes, écrivains et autres penseurs.

Ils réhabilitent l’intuition, les savoirs indigènes, la science post-normale inspirée des travaux de Jacques Ellul et Ivan Illich, les autres qu’humains – qu’ils soient animaux, végétaux ou minéraux – qui sont avec nous la Terre, la spiritualité, la transcendance…

Ils mettent le doigt sur l’erreur consistant à confondre notre vision de la réalité avec la réalité.

Viktor Frankl (1905-1997), psychiatre et neurologue ayant connu les camps nazis, est cité au chapitre Raconter d’autres histoires : « Au lieu de se demander si la vie avait un sens, il fallait s’imaginer que c’était à nous de donner un sens à la vie à chaque jour et à chaque heure ».

L’effondrement guette. La conscience du danger est un sacré stimulant. Le chemin n’est pas tracé. Il sera difficile, très difficile. Il n’est pas trop tard pour s’y préparer. La réflexion est passionnante.