Notes de lecture

Les membres de l’Afas publient régulièrement des notes de lectures. Elles sont à retrouver ici.

Jacques Treiner

(Le Pommier, 2022, 120 p. 12€)

 
L'âge de la Terre (J. Treiner, Le Pommier, 2022)«Nous le savons depuis plus de soixante-dix ans : la Terre a 4,5 milliards d’années». Dès la première phrase de son livre, Jacques Treiner nous annonce la conclusion de l’histoire qu’il va nous raconter : celle de la quête de l’homme pour déterminer l’âge de notre Terre. En voici les grandes lignes.

Commençons par cet étonnant mythe sumérien, vieux de 4000 ans : les dieux créent les hommes, puis les détruisent sous un Déluge ; un seul être humain survit, avec ses proches et quelques animaux. La Bible reprend ce même thème quelque mille ans plus tard. Au XVIIe siècle, c’est en se référant à la Bible que de grands savants comme Kepler, puis Newton calculent que tout a commencé 4000 ans av. J.-C. Pourtant des esprits éclairés et courageux insistent pour cesser la lecture littérale de ces textes : Averroès pour les musulmans, Spinoza pour les juifs, Galilée pour les chrétiens.

La science ne s’est pas attaquée de front à la grande question de l’âge de la Terre. Le prix Nobel François Jacob a écrit : «Le début de la science moderne date du moment où aux questions générales se sont substituées des questions limitées ; où au lieu de se demander : comment l’Univers a-t-il été créé ? […], on a commencé à se demander : comment tombe une pierre ? […]».

Ou comment les sédiments s’accumulent ? Les géologues comprennent, à la fin du XVIIe siècle, que les épaisseurs de sédiments qu’ils observent supposent des temps très longs, de dizaines de millions d’années. Les 4000 ans de la Bible et de Newton apparaissent dérisoires.

Mairan, savant méconnu du XVIIe siècle, démontre l’existence d’un grand réservoir de chaleur dans la Terre. Buffon s’empare du sujet : selon lui, la Terre est un morceau de Soleil en train de refroidir. L’âge de la Terre serait donc le temps mis par celle-ci pour atteindre la température actuelle. Dans ses forges de Bourgogne, il porte des boulets de fer à incandescence, ainsi que d’autres matériaux, et observe leur temps de refroidissement, le toucher du doigt lui servant de thermomètre ! (1770). En extrapolant tout cela au globe terrestre, il lui calcule un âge de 75 000 ans. Il note néanmoins dans ses carnets que la géologie dicte un âge de plusieurs millions d’années. Dans son livre, il s’en tient au chiffre de 75 000 ans (peut-être par crainte de censure de l’Eglise ; mais l’auteur ne l’évoque pas).

Lord Kelvin reprend l’idée de Buffon en appliquant les dernières avancées de la thermodynamique. Certaines de ses hypothèses sont incorrectes. Il est persuadé qu’il n’y a aucune source active de chaleur dans la Terre ; ce qui sera démenti par la découverte d’éléments radioactifs. Son modèle de propagation de la chaleur dans le noyau terrestre est incomplet, car ignorant la convection. Finalement, Kelvin estime l’âge de la Terre à 100 millions d’années maximum (1847), ce qui déclenche l’opposition violente de Darwin, convaincu qu’il dépasse le milliard d’années du fait de la géologie et de l’évolution des espèces.

La découverte de la radioactivité va permettre de mettre en place des chronomètres fiables et donner raison à Darwin ! Un atome radioactif, par nature instable, éjecte des particules de son noyau et se transforme en un autre élément. Cet évènement est aléatoire. Mais la décroissance dans le temps d’une population d’atomes radioactifs suit une loi très précise, que l’on utilise pour mesurer l’âge de l’objet. Chaque élément radioactif est caractérisé par sa demi-vie, le temps qu’il faut pour que la moitié de la population soit désintégrée. Pour mesurer l’âge de la Terre, on utilise l’uranium 235 et l’uranium 238 dont les demi-vies respectives sont de 0,7 et 4,5 milliards d’années. Ceux-ci subissent plusieurs mutations avant de se transformer en plomb stable.

Il n’y a pas d’objet terrestre d’origine. C’est donc paradoxalement sur les météorites que l’on fait les mesures : elles ont été formées avec le Système solaire et sont jumelles de la Terre. C’est le cas de celle tombée en Arizona il y a 25 000 ans, formant un cratère de 1,2 km, toujours visible (Meteor Crater). La mesure réalisée en 1953 a donné 4,55 milliards d’années. Les recherches continuent pour mieux comprendre cette période floue d’accouchement du Système solaire qui a tout de même duré quelques millions d’années.

Jacques Treiner prolonge son livre par des développements mathématiques concernant tous les sujets abordés. Du niveau de la terminale scientifique et de la licence de sciences, prévient-il.

Evoquons une réflexion de l’auteur sur les effets pervers de l’excès du doute dans les sciences. Il a traduit le livre américain Les Marchands de doute (2010) qui expose les techniques de lobbying consistant à nourrir la controverse à tout prix. Il cite Poincaré : «Douter de tout ou tout croire sont deux solutions également commodes, qui nous dispensent de réfléchir».

En résumé, ce petit livre (120 pages) est généralement assez facile à lire et très instructif.

Carlo Rovelli

(Dunod, 2022, 208 p. 18,90€)

 
Relativité générale. L'essentiel (C. Rovelli, Dunod, 2022)Ce livre de Carlo Rovelli a pour objectif de présenter les fondements de la théorie de la relativité générale en distinguant trois approches :
– celle de la physique, en mettant en avant tout particulièrement l'importance de la théorie de Maxwell sur l'électromagnétisme, qui a très largement inspiré Einstein dans la construction de la relativité générale ;
– celle de la philosophie : Einstein a eu l'idée que l'espace et le temps tels que les décrit Newton sont en réalité des entités qui sont la manifestation du champ gravitationnel ;
– celle des mathématiques : les découvertes de Gauss sur les surfaces courbes et les espaces courbes se sont avérées particulièrement efficaces pour décrire la gravité et la relativité générale.

A partir de là, l'auteur présente la théorie de la relativité générale et ses applications : limite newtonienne, ondes gravitationnelles, cosmologie, champ créé par une masse, trous noirs et gravité quantique.

Ce livre nécessite une bonne culture scientifique indispensable pour aborder ces notions complexes.

James Edward Gordon

(EPFL Press, 2022, 432 p. 24,20€)

 
Structures. Pourquoi les choses tiennent debout (J. E. Gordon, EPFL Press, 2022)Ce livre, rédigé par James Edward Gordon dans les années soixante-dix et publié en 1978, est aujourd'hui enfin édité en français, plus de quarante ans plus tard. Il est et reste un ouvrage de référence pour tout ceux qui souhaitent comprendre comment réagissent les matériaux qui composent non seulement les objets parmi lesquels nous vivons mais aussi la vie qui nous entoure : les ponts, les barrages, les maisons, les avions, mais aussi les squelettes de vertébrés, les ailes d'oiseaux, les artères, les arbres, etc.

L'auteur rend compréhensible le fonctionnement des structures, même pour des néophytes, tout en restant rigoureux et scientifique. Ainsi, les ingénieurs et scientifiques pourront compléter leurs connaissances et
mieux comprendre les principes fondamentaux des sciences des matériaux. Quant aux néophytes, grâce à des comparaisons simples, ce livre leur donnera accès à des notions à priori incompréhensibles, comme l'élasticité, la contrainte, l'énergie de rupture, le cisaillement ou la torsion, la compression... !

Le livre se termine par une réflexion philosophique sur la thématique «efficacité et esthétique», qui est tout à fait d'actualité.

Denis Collin

(La nouvelle librairie, 2022, 118 p. 13€)

 
Malaise dans la science (D. Collin, La Nouvelle Librairie, 2022)Platon comme Aristote opposent la connaissance, l’épistémè, à l’opinion, la doxa.
Face au transhumanisme, face à l’apparition de robots tellement «intelligents» qu’ils seraient appelés à nous supplanter, face aux contrôles sociaux multiformes que permet le big data, face à tous ces «prodiges» que la technique alliée à la science rend désormais possibles, la question est aujourd’hui de savoir si nous ne confondons pas de plus en plus connaissance et opinion, science et idéologie.

Le philosophe Denis Collin, dans un petit livre intitulé Malaise dans la science, cherche à comprendre et à faire comprendre ce que nos sociétés modernes développées ont fait de la science, qui est à la fois référence ultime et cible de toutes les critiques, qui est à la fois, telle une idole, vénérée et rejetée.

Il cite Épicure : «Mieux vaudrait consentir à souscrire un mythe concernant les dieux, que de s’asservir aux lois du destin des physiciens naturalistes : la première option laisse entrevoir un espoir, par des prières, de fléchir les dieux en les honorant, tandis que l’autre affiche une nécessité inflexible». On ne peut mieux dire. Faute de Dieu, ou de dieux, ne sommes-nous pas en effet pris dans une nécessité inflexible ?

Avec Thalès et Pythagore naquirent les mathématiques, avec Galilée la physique, avec Lavoisier la chimie, et désormais, avec la révolution de la biologie, ce n’est plus seulement la nature que nous observons, de l’extérieur, c’est sur nous-mêmes que nous nous penchons. Quand le sujet qui observe est aussi l’objet observé, la vérité change de sens.

Descartes nous voulait, grâce à la connaissance scientifique, «maîtres et possesseurs de la nature». Nous lui avons obéi, et avec quel zèle ! Et maintenant, maîtres et possesseurs de la nature, nous serions aussi maîtres et possesseurs de nous-mêmes, qui sommes partie de la nature. Il y a là une difficulté majeure, une aporie comme disent les philosophes : quel sens cela a-t-il d’être «maître et possesseur de soi-même» ?

Denis Collin propose la philosophie en remède à ces excès, à ces contradictions, à ces non-sens. Cela est certes un plaidoyer pro domo, c’est aussi une très pertinente invitation à la réflexion.

Son livre, dont ces quelques lignes ne donnent qu’un très imparfait aperçu, est accessible aux non-philosophes, il est bien écrit et facile à lire, il mérite d’être lu par ceux qui s’interrogent sur le rôle de la science et sur notre avenir.

Bernard Faye, Gaukhar Konuspayeva, Cécile Magnan

(Quae, 2022, 204 p. 32€, gratuit en eBook)

 
L'élevage des grands camélidés (B. Faye, G. Konuspayeva, C. Magnan, Quae, 2022)Avec ce guide pratique, on pouvait s’attendre à un livre peu passionnant sur cette espèce animale peu présente en France si ce n’est dans les cirques et les parcs zoologiques. C'est tout le contraire, les auteurs réussissent fort bien à intéresser le lecteur à tous les aspects de la vie des grands camélidés. L’on apprend même que certains pays européens ou américains ne les élèvent pas à des fins touristiques mais aussi avec une vocation agricole (lait, viande).

Tout d’abord, ils nous rappellent que ces espèces ont pour origine l’Amérique du Nord, où ils étaient présents il y a quarante millions d’années. Puis ils ont migré soit vers l’Amérique du Sud soit vers l’Asie pour donner respectivement les petits camélidés andins (lama, alpaga, guanaco, vigogne) et les grands camélidés (dromadaire, chameau de Bactriane et chameau de Tartarie). Le plus étonnant est de découvrir la grande diversité de la population cameline mondiale, fort bien illustrée par les photos des douze phénotypes du dromadaire et des quatorze phénotypes de chameaux rencontrés dans divers pays d’Asie.

Ce guide pratique décrit successivement les généralités sur l’espèce, les bases physiologiques de la reproduction, de la lactation et de l’alimentation, les principales productions, ainsi que la gestion de la santé et de l’hygiène en élevage camelin. Tout est parfaitement illustré (photos ou dessins, tableaux, histogrammes...).

Cet ouvrage est remarquable par l’ensemble des données apportées sous un format très pratique. Particulièrement agréable à lire, d'un genre trop rarement disponible en langue française, il nous apprend beaucoup sur les grands camélidés.

Blandine Pluchet

(Flammarion, 2022, 272 p. 20€)

 
Le grand récit des montagnes (B. Pluchet, Flammarion, 2022)Un regard posé par une physicienne sur les hauts sommets des Alpes bavaroises pour mieux comprendre et analyser les mystères de la nature et ses lois, telle est l’ouverture du livre de Blandine Pluchet, Le Grand récit des montagnes. Une randonnée scientifique à la découverte des lois du monde.

Au début de l’ouvrage, l'auteur nous emmène sur un haut sommet des Alpes allemandes avec la visite d'un laboratoire perché à 2650 m d'altitude, où une multitude d'instruments de mesure remplacent les touristes et sont dédiés non pas à de fortunés résidents mais à l’étude de notre planète. Elle nous laisse l'accompagner pour noter avec elle que dans les sommets, les contrastes de lumière sont bien plus intenses que dans la vallée. Elle essaie de nous en faire saisir les raisons par une rapide approche des phénomènes atmosphériques aux côtés d'un chercheur qui voudrait percer les secrets de l'environnement et faire comprendre pourquoi nous devons nous soucier de préserver la nature, notamment en altitude. Elle souligne qu’en ce domaine, le scientifique, en livrant les connaissances nécessaires pour effectuer les bons choix d’avenir, a une grande responsabilité.

Après la montagne, c'est dans le Poitou, où au hasard d'une ballade, notre physicienne découvre avec une petite fleur, la gagée de Bohème, que dans sa région natale, elle a grandi parmi des vestiges de cimes disparues. Elle devient alors géologue et nous entraîne à la découverte d'un chaos granitique de boules ovoïdes – que dans la région on nomme chirons –, témoin d’une longue et lente évolution des paysages. C'est l'occasion de tenter de donner quelques explications de l'usure des montagnes et de l'évolution des paysages.

Après la plaine, c'est sous la mer qu’elle nous conduit, avec une océanographe chargée de dessiner les cartes des fonds marins et le détail d’une chaîne de montagne immergée qui court du nord au sud de l'océan Atlantique et la grande faille apparue au milieu de celle-ci.

De retour sur terre, nous allons dans les Alpes à la recherche des cristaux de montagne jusqu’au musée du Nombril du Monde à Pougne-Hérisson, qui abrite un cabinet de curiosités minéralogiques appelé caillouthèque et contient des cailloux de la planète entière, dont elle a dessiné quelques exemplaires. La voilà donc séduite par la géologie, avant de se tourner ensuite vers les mystères du ciel et des étoiles, qu’elle observe dans les Cévennes avec une amie astronome. Ce nouveau et dernier périple la conduit à nous parler de météores.

Enfin au terme et en conclusion du livre, l'auteur fait sien le message des Koghis des Andes, qui pensent que leur montagne est le cœur du monde et de la vie, qu'il faut savoir l'écouter et la protéger parce qu’on peut y lire les règles pour vivre ensemble et en paix.

Ce livre, fruit et récit de multiples rencontres, se lit ou se parcourt facilement. Même si parfois, il est un peu touffu et si la randonnée où l'auteur veut nous entraîner est plus plaisante que vraiment didactique.

Cédric Grimoult

(Ellipses, 2021, 336 p. 26€)

 
Pasteur (C. Grimoult, Ellipses, 2021)A l’occasion du bicentenaire de la naissance de Pasteur, de nombreuses manifestations sont prévues, notamment en décembre 2022, et paraissent également plusieurs ouvrages. Celui de Cédric Grimoult permet de suivre le cheminement des travaux de ce savant très éclectique dans l’enchaînement de ses découvertes.

Après une agrégation de science physique préparée à l’Ecole normale supérieure, Pasteur préfère à l’enseignement le laboratoire de chimie de la rue d’Ulm. C’est alors qu’à 23 ans, il s’intéresse à la cristallographie et, après 10 ans, reçoit la médaille Rumford pour ses travaux exceptionnels dans les domaines de la thermique ou de l’optique.
Mais à 32 ans, professeur de chimie à Lille où il restera trois ans avant de revenir sur Paris, il s’oriente vers la recherche sur les fermentations (nature du ferment lactique, milieu propre au développement des levures...). Il reçoit plusieurs prix de l’Académie des sciences mais découvre aussi les confrontations entre scientifiques face à sa théorie sur les fermentations. Le débat sur la génération spontanée durera dix-huit ans, jusqu’en 1877.
A partir de 1862, Pasteur s’étant fait connaître d’un large public, il commence à intéresser les industriels français pour améliorer la fabrication du vinaigre et du vin.
En 1865, il est appelé pour lutter contre la maladie chez les vers à soie dans les Cévennes, alors qu’il n’avait aucune compétence sur cette production particulière. Il y consacrera six années avec succès malgré les critiques et publiera en 1870 ses Etudes sur les vers à soie. C’est alors qu’il commencera à s’intéresser plus particulièrement aux germes responsables de maladies humaines et animales, notamment le choléra. Il est soutenu par le couple impérial, après avoir rencontré Napoléon III le 19 mars 1863.
Il sera marqué par la guerre de 1870 (il sera très nationaliste et antiprussien) et les épidémies de variole et de typhoïde concomitantes. C’est pourquoi il s’attaquera au problème des maladies infectieuses, qui lui vaudra sa réputation internationale. Il préconise surtout une hygiène stricte en toutes circonstances. En 1877, c’est à la demande du ministre de l’Agriculture qu’il étudie le charbon, qu’il redéfinit «maladie de la bactéridie». Il présentera ses travaux à l’Académie de médecine, où les discussions seront parfois vives avec le vétérinaire Colin !
Puis ce sera l’épopée vaccinale, de 1880 à 1886 : choléra des poules, charbon, rouget du porc puis le choléra. Il s’intéresse ensuite à la rage, dont le vaccin a été mis au point par le vétérinaire Galtier avec le succès et les polémiques associées. Puis il s’intéresse à la tuberculose, une fois de plus (après le choléra) en compétition avec l’Allemand Robert Koch, qui a découvert la bactérie. L’essaimage des «laboratoires de recherche» créés avec ses disciples dans plusieurs parties du monde témoignera de l’importance de la recherche médicale française à cette époque, avec Adrien Loir en Australie, Albert Calmette à Saïgon, Charles Nicolle en Afrique du Nord, Alexandre Yersin en Indochine...

La vie de Pasteur sera aussi une vie de deuils familiaux et de maladies. Après une attaque d’hémiplégie en 1868, il en subit une seconde en 1887, puis une troisième en 1895, qui le laisse paralysé. A sa mort en septembre 1895, la République lui offrira des funérailles nationales.

Ce livre est écrit par un historien témoignant du talent de Pasteur, qui fut un visionnaire, un découvreur de premier plan. L’auteur n’a pas toujours signalé que, parfois, Pasteur a surtout su développer les découvertes faites par d’autres scientifiques. Il reste néanmoins un bienfaiteur de l’humanité.

Vincent Bretagnolle, avec Vincent Tardieu

(CNRS Editions, 2021, 288 p. 25€)

 
Réconcilier nature et agriculture (V. Bretagnolle, V. Tardieu, CNRS Ed., 2021)L’ornithologue Vincent Bretagnolle nous raconte, avec le journaliste Vincent Tardieu, l’histoire et les enseignements du projet Zone Atelier Plaine & Val de Sèvre qu’il a créé en 1994. Il s’agit d'un programme de recherche sur la biodiversité en milieu agricole, réalisé dans un laboratoire à ciel ouvert de 450 km2 comprenant 400 exploitations agricoles et 34 000 habitants en région poitevine.

Le premier animal étudié est le busard cendré, puis ce sera l’outarde canepetière, avant de délimiter une zone d’étude de 1000 à 1200 hectares en 1994 pour aboutir à 45 000 hectares en 2005. Puis ce sera l’étude des prairies et des jachères, avec le triste constat de l’effondrement de la biodiversité, qu’il s’agisse de la flore ou de la population animale.

C’est ainsi qu’il y eut les premières négociations avec les agriculteurs pour lutter contre les productions contre nature avec la mise en place du programme Natura 2000.
Le problème lié aux insecticides néfastes pour les abeilles a été étudié dans le cadre du dispositif ECOBEE, ce qui amène ensuite les auteurs à s’interroger sur l’utilité des pesticides et sur la solution d’une agroécologie. En effet, l’agriculture dépend des insectes et la disparition de 80% des insectes volants au cours des trois dernières décennies est inquiétante.
C’est pourquoi les auteurs soulignent l’intérêt d’impliquer les habitants, en particulier les agriculteurs, dans la recherche d’un meilleur équilibre de leur environnement selon une approche multi-acteurs.

Cette expérience a été complexe et le projet doit toujours être renouvelé pour, au-delà du système agro-alimentaire, rapprocher la santé humaine et la santé des écosystèmes.
Ce livre donne la parole aux scientifiques de terrain sur les futurs agricoles.

David Raubenheimer et Stephen J. Simpson

(Les Arènes, 2021, 320 p. 22,90€)

 
Pourquoi les animaux ne font pas de régime (D. Raubenheimer, S.J. Simpson, Ed. Les Arènes)Depuis plusieurs décennies, de nombreux pays ont découvert le problème de l’obésité, notamment les Etats-Unis mais la France n’est plus épargnée. L’alimentation en glucides et en lipides est souvent mise en cause mais d’autres facteurs sont concernés. C’est pourquoi deux entomologistes australiens se sont attachés à comprendre les mécanismes pouvant être en cause avec l’exemple des animaux sauvages, qui ne sont jamais en surpoids.

Ils ont pu identifier l’existence de cinq appétits différents, dont chacun correspond à un nutriment (protéines, lipides, glucides, calcium, sodium). Ces appétits sont en concurrence mais ce sont les protéines qui prédominent.
La lecture du livre est passionnante. Elle commence par l’histoire du régime alimentaire de Stella, un babouin d’Afrique du Sud, suivie d’une observation sur les nutriments utilisés par une moisissure en Australie. En 1991, les deux auteurs entomologistes débutent une recherche sur l’alimentation des sauterelles. Puis ils s’intéressent à d’autres prédateurs (coléoptères, araignées). Ils ont accepté ensuite une étude sur les animaux de compagnie, où ils concluent que le régime moins protéiné du chien par comparaison avec celui du chat et du loup résulte d’un processus de domestication plus élevé. Par la suite, ils ont démontré le compromis existant entre la durée de vie et le taux de reproduction chez les drosophiles, impliquant des régimes alimentaires différents. Il s’ensuivit une étude sur les souris, qui a démontré le phénomène compliqué de l’obésité et que le fait d’être mince n’était pas la garantie d’une longue vie en bonne santé. Ils constatent que les populations humaines ayant la plus grande longévité (comme les Japonais centenaires de l’île d’Okinawa) ont un régime pauvre en protéines et riche en glucides, comme chez les souris ayant vécu longtemps. Puis ils se sont attachés à comprendre comment les orangs-outans s’adaptaient à leur environnement alimentaire. Mais lorsque ce dernier change, l’adaptation se traduit pas des modifications comme la domestication animale, la sélection des cultures, associées à une forte densité des populations, qui seront alors plus vulnérables aux famines et aux épidémies, puis à une nourriture industrielle malsaine avec les aliments ultra-transformés !

Dans ce livre, les exemples sont nombreux, souvent liés aux voyages lointains (îles, montagnes, déserts, villes) des deux auteurs qui s’attaquent franchement au marketing agressif de certains industriels de l’agro-alimentaire et au cercle vicieux de l’obésité.

Les auteurs en déduisent que le métabolisme de l’Homme est similaire à celui des animaux mais que nous cherchons en permanence à combler notre besoin en protéines face à un environnement alimentaire perturbé par la «nourriture industrielle» trop riche en glucides en en lipides. Et c’est en voulant atteindre notre cible en protéines que nous entrons dans le cercle vicieux d’une surconsommation de sucre et de gras. La conclusion de cet ouvrage est de passer de la théorie à la pratique en consultant le résumé des conseils argumentés permettant de travailler avec et non plus contre notre biologie pour atteindre notre cible protéique, avec l’aide d’exemples et de tableaux sur la valeur nutritionnelle moyenne de plusieurs aliments.

Après avoir lu cet ouvrage, on comprend parfaitement pourquoi il a été élu meilleur livre de l’année par la revue New Scientist.

Arnaud Cassan

(Dunod, 2022, 208 p. 15,90€)

 
Hawking à la plage (A. Cassan, Dunod, 2022)L'auteur prend comme prétexte la vie et l’œuvre de Stephen Hawking pour réaliser une grande fresque sur l'histoire de l'Univers, sa création, sa constitution, son évolution et surtout, il dresse la liste des très nombreuses questions qui restent posées telles que : qu'y avait-il avant le Big Bang ? l’Univers a-t-il une fin ? quel est l'avenir de l'Univers ? qu'est-ce que la matière noire ? que sont en réalité les trous noirs ? quelles sont les propriétés de l'espace-temps de l'Univers ? d’où vient la matière ? ...

Un livre passionnant qui nous entraîne vers des réflexions abyssales sur le sens de l'Univers.