Les membres de l’Afas publient régulièrement des notes de lectures. Elles sont à retrouver ici.
Alain Foucault
(Dunod / Muséum national d'histoire naturelle, 2018, 208 p. 18€)
Formes des reliefs, affleurement des roches, végétations, cultures, élevages, habitats, tout est lié et peut s’expliquer à l’aide de notions simples de géologie et de géographie.
Ce livre est parfait pour accompagner nos balades dans ce beau pays de France et pouvoir les apprécier autrement. Avec lui, nous partons à la découverte des particularités géologiques si variées de nos régions qu’il est possible d’en faire des buts de promenade. Bien sûr, ces reliefs, minéraux, roches et fossiles, ne se limitent pas à nos frontières. S’il s’agit d’un raccourci opportuniste sur nos proximités régionales, celui-ci, par chance en France, permet de témoigner des évènements principaux pour comprendre l’histoire de la Terre.
Ce livre-guide propose un mode d’emploi très clair en commençant par la présentation détaillée des minéraux, roches et fossiles les plus connus, à l’aide de magnifiques photos et fiches explicatives. Les dix principales régions géologiques de France sont ensuite présentées et commentées avec des cartes pour se repérer, des schémas pour expliquer la géologie locale, de belles photos « pour lire les paysages » et des listes de sites particuliers à découvrir. En final se trouve un carnet extrêmement pratique de références de musées, associations, sites Internet d’intérêt.
Cette « découverte des sentiers de la géologie » est une invitation ludique et simple à vivre une passion peut-être encore ignorée.
Lise Loumé et Francelyne Marano
(Quae, 2018, 168 p. 19€)
Ce livre fait partie d’une collection d'ouvrages s’adressant à un public non spécialiste, écrits par des journalistes scientifiques sous la direction d’experts du sujet traité. Notre air est-il respirable ? est écrit par la journaliste Lise Loumé, sous la direction scientifique du Pr Francelyne Marano et avec une préface du Pr Alain Grimfeld.
Nous savons tous la composition de l’air, formé de 78% de diazote N2, 21% de dioxygène O2, et d’autres gaz comme la vapeur d’eau, le dioxyde de carbone, l’argon, le néon ou l’hélium. On sait moins les polluants de formes diverses - gazeuse, liquide ou solide - qu’il contient, de l’ordre de quelques dizaines de microgramme par m3 certes, mais à mettre en rapport avec notre débit respiratoire. Aussi cet ouvrage est-il nécessaire à lire pour bien saisir la diversité des polluants (présentés en chapitre 1, chapitre que j’ai trouvé, pour ma part, le plus intéressant).
Ces polluants sont divers quant à leur forme, leur origine, leur rôle dans l’environnement et bien sûr, leurs effets sur la santé. Ce sont les particules fines en suspension, PM10 et PM2,5 ; les oxydes d’azote ; l’ozone (avec une présentation simple de l’ozone stratosphérique, protecteur contre les UV, et de l’ozone troposphérique, véritable polluant) ; les COV (composés organiques volatils), avant tout rejetés par les plantes ; le dioxyde de soufre ; les métaux lourds...
Tout cela montre la complexité du sujet abordé et explique sans doute les différences dans les chiffrages des coûts de la pollution de l’air en France par exemple (entre 20 et 30 milliards d’euros par an selon un rapport du Commissariat général au développement durable, mais trois fois plus selon une commission d’enquête du Sénat). Tout aussi difficile : trouver la région la moins polluée en France, la campagne n’étant pas exempte de pollution.
Si des références aux valeurs repères sont présentées, avec les dépassements de seuils soulignés selon les villes et les régions françaises notamment, et les grandes lois citées, un chapitre aurait été nécessaire sur les données juridiques de ce sujet.
A souligner, un chapitre d’une trentaine de pages sur la pollution de l’air intérieur, longtemps oubliée en France dans les études scientifiques. Cet air est fortement pollué, souvent plus que l’air extérieur. On retiendra comme polluants la fumée de tabac, le monoxyde de carbone, le radon, le plomb... Peut-être pouvons-nous agir plus facilement par nos comportements individuels sur ces polluants intérieurs, la ventilation et l’aération des lieux restant essentielles.
Charles Antoine
(Dunod, 2018, 208 p. 15,90€)
Si vous voulez profiter de l’été pour faire une balade extraordinaire dans le monde étrange et fascinant de la physique quantique, ce livre est le compagnon idéal. Il vous fera découvrir que dans le monde quantique, tout est différent : la double nature des photons, la possibilité de téléportation, le chat à la fois mort et vivant, le vide susceptible de contenir une énergie fabuleuse, etc.
On pourrait se dire que tout cela n’est que spéculation intellectuelle, sauf que ces théories ont permis des réalisations techniques que nous côtoyons déjà au quotidien, telles que le smartphone, le GPS ou l'imagerie médicale.
Et demain, il est clair que l’informatique quantique décuplera la puissance des ordinateurs, ouvrant des perspectives hallucinantes !
Jean-Paul Delahaye
(Belin, 2018, 384 p. 22€)
« Que j’aime à faire apprendre ce nombre utile aux sages »
Ce vers, le premier d’un poème permettant de mémoriser les premières décimales du nombre π, pourrait servir de devise au mathématicien et vulgarisateur Jean-Paul Delahaye. Non content d’avoir consacré un livre entier à ce nombre mythique en 1997, il nous revient aujourd’hui avec une nouvelle édition augmentée, intégrant les derniers développements sur le sujet depuis 20 ans. Car, et c’est un des principaux enseignements de ce livre, les recherches sur π continuent et des progrès substantiels ont même été obtenus récemment.
L’histoire que nous raconte Delahaye commence il y a 4000 ans lorsque π est défini par la géométrie du cercle. Archimède calcule sa valeur par la méthode des polygones, laquelle sera utilisée pendant 18 siècles, sur tous les continents, dans une quête sans fin pour calculer toujours plus de décimales (34 en 1609). Avec l’invention, au XVIIe siècle, des intégrales et des suites infinies, on découvre que π se cache là aussi, émancipé de la géométrie ! Ce qui permet une accélération des calculs de décimales (100 en 1706). On démontre ensuite (1882) que π est transcendant, mettant fin au vieux débat de la quadrature du cercle, mais pas à la passion des chasseurs de décimales.
L’arrivée des ordinateurs donne un nouveau coup d’accélérateur mais, contrairement à ce qu’on pourrait penser, le travail ne se fait pas tout seul. L’utilisation de nombres gigantesques impose le développement de nouveaux algorithmes qui convergent plus vite. L’auteur consacre plusieurs chapitres à la mise au point récente de ces algorithmes et donne même un programme pour les amateurs. Aujourd’hui, on connaît 22 000 milliards de décimales ! Cela prendrait 660 000 ans à toutes les lire.
A quoi sert donc cette quête ? Fondamentalement, à rien, reconnaît honnêtement l’auteur. La connaissance d’une trentaine de décimales serait largement suffisante pour les besoins des physiciens. Cette chasse aux décimales résulte seulement de l’esprit de compétition : tout comme pour le saut en hauteur ou la course à pied, un record est fait pour être battu ! Mais cette quête génère des développements mathématiques qui trouvent des applications pratiques et utiles (par exemple dans le traitement d’images). Enfin, certains mathématiciens ne désespèrent pas de trouver une singularité statistique dans cette suite sans fin de décimales, ce qui en ferait donc une suite non aléatoire. (C’est la question du jour !)
L’auteur nous décrit moult bizarreries autour de ce nombre et des générations de mathématiciens, chercheurs, génies, illuminés, tous atteints de π-manie, au rang desquels il se compte : « Ne faut-il pas être atteint de π-manie pour passer plusieurs mois de sa vie à écrire un livre sur π ? ».
Citons ici quelques curiosités, parmi des dizaines décrites dans le livre :
- Dans la suite des décimales, le chiffre 0 n’apparaît qu’au rang 32.
- On peut mesurer expérimentalement π en lançant des fléchettes sur un parquet (Buffon).
- La probabilité pour que deux nombres pris au hasard soient premiers entre eux est reliée à π.
- Une formule trouvée au Canada permet de connaître une « décimale » (base 2) de rang donné, sans connaître les précédentes !
- Une formule donne π bon jusqu’à 42 milliards de décimales puis diverge !
- Le record de mémorisation est de 70 030 décimales (17 heures pour les réciter) !
- S’il est confirmé que la suite des décimales est purement aléatoire, alors nécessairement celle-ci inclut quelque part votre date de naissance, et même, en langage codé, tout Madame Bovary !
Delahaye distingue trois types de lecteurs :
- Ceux qui sont fâchés avec les maths ne liront que l’en-tête de chacun des 13 chapitres (un maigre total de 4 ou 5 pages).
- Ceux qui n’ont pas oublié les maths du lycée pourront lire le corps du texte soit… 314 pages ! (ou 100 π), quitte à zapper certaines démonstrations, ou certaines listes de formules, qui peuvent être rébarbatives pour certains.
- Enfin, ceux qui sont à l’aise avec les maths au-delà du bac liront également les annexes (70 pages) donnant plusieurs démonstrations.
Quel que soit son niveau, le lecteur intéressé par l’histoire des mathématiques, ou par les nombres en général, trouvera dans ce livre une riche mine d’informations et des réponses à beaucoup de questions. Mais pas à toutes ! Un des aspects les plus fascinants de π, très bien rendu dans le livre, est son caractère protéiforme, présent dans de multiples domaines : qu’ont donc en commun tous ces domaines pour qu’un même nombre bien précis, avec ses milliards de décimales, soit au centre de chacun ? A cette question, l’auteur ne répond pas vraiment, du moins sous une forme vulgarisée. π garde une partie de son mystère…
Odile Robert et Bernard Calvino
(Quae, 2018, 184 p. 19€)
Ce livre est écrit par Odile Robert, rédactrice scientifique indépendante et auteur d’articles de vulgarisation scientifique, et par Bernard Calvino, professeur d’université honoraire en neurophysiologie, spécialiste de la douleur. On comprend de suite la facilité d’appropriation de cet ouvrage : la lecture en est aisée, les explications claires, le propos simple, avec un contenu scientifique pour autant conséquent, actuel et précis.
On en retient les deux types de douleur, aiguë et chronique, correspondant à des situations différentes ; le rôle d’un gène du chromosome 2 pour l’insensibilité congénitale à la douleur ; l’absence de centre précis responsable de la douleur dans le cerveau ; les circuits nerveux en jeu, le rôle des endomorphines. Ce livre explique la plasticité neuronale, avec le rôle du glutamate et de la substance P, des cellules gliales… bref un panorama actuel des connaissances nécessaires en neurophysiologie pour aborder ce phénomène complexe.
On finit cet ouvrage avec la conviction que savoir identifier les douleurs inflammatoires, neuropathiques, idiopathiques, est essentiel pour savoir les traiter. Les deux derniers chapitres explorent les possibilités thérapeutiques, avec un tour d’horizon des pistes ouvertes avec les nouveaux antalgiques, et aussi les pistes ouvertes aux techniques complémentaires ou alternatives comme l’hypnose, la méditation, l’acupuncture.
Alors pouvons-nous déjà penser que « la douleur n’est pas une fatalité » ?
Loïc Mangin
(Belin, 2018, 224 p. 23€)
Ce livre fort intéressant est la compilation de 45 articles scientifiques dont certains ont déjà été publiés dans le mensuel Pour la Science, auquel collabore l’auteur, Loïc Mangin.
Le livre surprend et charme par la variété des thèmes abordés : de la botanique à la physique en passant par les mathématiques (dur, celui-là!) et la climatologie. L’auteur a réussi à rendre les sujets intelligibles sur 3 ou 4 pages, tout en exploitant une documentation et un savoir remarquables.
Léonard de Vinci a, ce n’est que justice, une part privilégiée, par ses études de la morphologie des arbres, l’analyse des polyèdres, le rendu des drapés.
L’étonnement se fait à toutes les pages. On y apprend par exemple que le jean existait déjà au XVIIe siècle et que c’était un vêtement de miséreux ; qu’on peut situer et dater à la minute près l’exécution d’un tableau où figure le soleil ou la lune (en admettant que le tableau est fidèle) ; comment Michel-Ange cache des allusions théologiques dans ses sculptures ; quand la mode des chapeaux de castor a décimé la population de ces animaux.
Parmi les allusions si nombreuses, on ne peut que sourire en lisant (page 33) l’analyse d’un retable flamand du XVe siècle représentant Eve portant un fruit qui s’avère être un hybride entre le pomelo, le citron et le lime (citron vert). Dans le tableau, Eve porte ce fruit qui ne ressemble pas du tout à une pomme, elle est enceinte, ce qui ne surprend pas, mais surtout elle arbore un magnifique nombril et là, l’auteur n’a pas osé se lancer dans une analyse scientifique à partir des textes anciens !
Guy Vautrin
(EDP Sciences, 2018, 412 p. 34€)
Ouvrage essentiel pour qui s’intéresse à la vulgarisation scientifique car il brosse un panorama extrêmement riche et détaillé de l’histoire de la vulgarisation scientifique en France, depuis Fontenelle, créateur de la vulgarisation scientifique, jusqu’aux années 1870 à 1900, considérées comme l’âge d’or de la vulgarisation scientifique. Il aurait peut-être été intéressant de regarder ce qui se passait au même moment dans les autres pays, en particulier au Royaume-Uni.
Les présentations des hommes qui ont joué un rôle majeur dans cette histoire de la vulgarisation scientifique donnent vie à ce récit, qui est ponctué d’anecdotes savoureuses.
La présentation est chronologique mais l’auteur propose une table par sujets (les relations avec l’enseignement, les supports comme les livres, les journaux et les publications diverses, les grandes expositions, les principaux pionniers...) qui permet au lecteur un accès direct à ses sujets d’intérêt.
L’auteur de cette note de lecture ne pourra cependant s’empêcher de formuler deux petits regrets : qu’une place plus importante n’ait été donnée à l’abbé Grégoire et au Conservatoire national des arts et métiers, dont les rôles respectifs dans le développement de la vulgarisation scientifique en France semblent peu discutables, et que l’Association française pour l'avancement des sciences ne soit considérée que comme un acteur tourné vers les élites.
Indépendamment de ces petites remarques, ce livre est sans nul doute un ouvrage de référence pour comprendre ce qu’est et à quoi sert la vulgarisation scientifique.
Jacques Arnould
(Le Pommier, 2018, 168 p. 17€)
Ce livre est à lire. Il y a ainsi parfois des livres qu’il faut lire, qu’il est bon d’avoir lu. Celui-ci en fait partie. Petit et grand livre à la fois, petit par le nombre de pages, grand par les questions qu’il pose, il traite d’un sujet aussi connu que méconnu, aussi primordial que négligé, et littéralement illimité : l’espace.
Les programmes spatiaux furent d’abord publics. Certains le sont toujours. Mais de richissimes entrepreneurs privés ont désormais aussi leur agenda spatial, le newspace. Tourisme suborbital et plus lointain, exploitation minière des météorites et des planètes, colonisation du cosmos par des hommes ou par des cyborgs... leur imagination est sans limite. Les auteurs de science-fiction n’ont qu’à bien se tenir, leurs rêves les uns après les autres deviennent réalité... Ne voit-on pas déjà des fusées partir dans l’espace puis revenir se poser sagement sur leur pas de tir à la manière de la fusée à damier rouge et blanc de Tintin ?
On peut le faire donc on va le faire : la tentation est grande, elle est vieille comme le monde, elle a conduit à d’extraordinaires avancées et découvertes, et pourtant… faut-il en rester à cette relation mécanique de cause à effet : nous pouvons le faire donc nous allons le faire ?
A qui appartient l’espace, à qui appartiennent ses astres et leurs ressources, de quel droit prenons-nous le risque de les polluer, fuir la Terre est-ce une solution, l’histoire ne nous enseigne-t-elle pas pour le moins la prudence… ? Jacques Arnould, philosophe, historien, chargé des questions éthiques au CNES, aborde ces questions et fait le point sur l’état de réflexion des acteurs et observateurs du newspace sous tous ses aspects.
Richard Branson a déjà vendu 900 tickets, à 200 000 dollars pièce, pour un voyage dans l’espace, mais à bord d’un véhicule qui n’existe pas encore. Les acheteurs en auront-ils pour leur argent ? un jour, peut-être…
Depuis déjà fort longtemps, quelques siècles, plusieurs originaux ont prétendu détenir des droits de propriété sur la Lune. Plus récemment, diverses organisations ont mis sur le marché des lopins de «terre» lunaires et elles ont trouvé des acheteurs…
Les transhumanistes dépensent des sommes astronomiques, c’est le cas de le dire, pour créer des êtres humains augmentés qui vivront le temps nécessaire à des voyages intersidéraux et des machines qui succèderont aux hommes sur Terre et dans l’espace…
Où est l’insensé, où est le raisonnable ? Interdire ? mais quoi ? et ça ne servirait à rien. On s’y perd. A chacun d’essayer de s’y retrouver. A chacun de se faire son opinion, et c’est pour cela qu’il est bon d’avoir lu ce livre.
Une chose est sûre, la suite dépend de nous.
Comme le dit Jacques Monod, dans Le Hasard et la Nécessité, à propos de l’homme, ou de l’Homme, selon une formule que l’auteur cite une première fois puis reprend en conclusion, et à laquelle il n’y a rien à ajouter : «Non plus que son destin, son devoir n’est écrit nulle part. A lui de choisir entre le Royaume et les ténèbres».
Sous la direction d'Annick Perrot et Maxime Schwartz
(La Martinière, 2017, 192 p. 29,90€)
L’exposition Pasteur, l’expérimentateur se tient actuellement au Palais de la découverte [1].
L’ouvrage Louis Pasteur, le visionnaire en est le catalogue officiel.
Fort bien fait, très abondamment illustré, à la manière par certains côtés d’une bande dessinée, il fait œuvre, dans le meilleur sens du terme et de la meilleure façon qui soit, de vulgarisation.
Chimiste, précurseur et inventeur, chercheur et expérimentateur, polémiste, entrepreneur et homme d’affaires, mari et père, homme de la campagne et bourgeois parisien, homme de science et homme de foi, artiste et sujet pour les artistes, célébrité mondiale... les multiples aspects de cette personnalité hors du commun sont passés en revue.
En outre, chaque chapitre est l’occasion d’un petit cours de rattrapage : les cristaux, les levures, les microbes, la vaccination, les germes, l’immunologie, la pasteurisation, la croyance en la génération spontanée, la mise en fabrication industrielle des découvertes scientifiques, les Instituts Pasteur à travers le monde, etc., sont décrits, expliqués en quelques paragraphes simples.
Même à l’heure où un click permet de tout trouver sur son portable, voici un ouvrage qu’on a envie de garder à portée de main pour vérifier un point ou en expliquer un autre à un enfant en quête de savoir.
Martin Stevens
(Buchet-Chastel, 2018, 336 p. 22€)
Un livre pour les curieux, un curieux livre…
Une somme de 300 pages. Après l’avoir lue, on se demande à qui cet ouvrage était destiné. Un grand public de gens disposant d’une culture scientifique déjà conséquente ou bien des spécialistes du monde animal ?
Si le public recherché est généraliste, on peut s’étonner de n’y trouver aucune illustration, hors la couverture. Pour ce public, une photo aurait été plus intéressante que le nom latin ou des références d’articles qu’il serait bien en peine de se procurer. Une phrase du genre « Le drongo brillant s’associe à des cratérocopes bicolores et des choucas » laisse un peu perplexe (d’après le contexte, ce sont des oiseaux, et bravo à la traductrice!). Le côté anthropomorphique, qui prête des sentiments humains aux animaux, tendrait à appuyer une cible grand public : Ruses de la nature, Menteurs et tricheurs, Bluff et surprise…
En fait, il pourrait plutôt s’agir d’un ouvrage de revue qui fait le point sur des recherches couvrant deux siècles. A confirmer.
Cela dit, le livre contient une foule d’informations très intéressantes. Parmi celles-ci, l’auteur passe en revue toutes les adaptations du monde animal et végétal pour se protéger, assurer sa survie et sa reproduction : odeurs, sons, aspect, camouflage, mimétisme en général, parasitisme… Quand on lit l’histoire des chenilles se faisant entretenir par des fourmis, on se croirait chez Molière.
Le livre insiste sur le mimétisme et sur le fait que les oiseaux et les insectes ne voient pas de la même façon que nous autres humains (en lumière ultra-violette notamment), si bien qu’une imitation grossière pour nous est en fait très subtile et trompe la cible. A cet égard, l’auteur parle de tests de leurres plus ou moins raffinés, des œufs en particulier, et là, on regrette de ne pas avoir de photographies.
Parmi les bonnes feuilles, le chapitre évoquant la lutte des insectes contre l’écho-localisation des chauves-souris fait irrésistiblement penser à la mise au point des radars pendant la Seconde guerre mondiale ; le fait que l’attitude des mâles paradant pour s’attirer les bonnes grâces des femelles a été rejetée par la bonne société victorienne du temps de Darwin est vraiment amusant, quand on sait les bals somptueux de cette société.
L’auteur est justement un darwiniste inconditionnel, ce qui l’amène à faire l’impasse sur la génétique moléculaire, évoquée d’un mot dans l’avant-dernière page, ce qui, justement, aurait intéressé les chercheurs contemporains. Et on en revient à l’ambiguïté du livre…