Oublier la Terre ? La conquête spatiale 2.0

Jacques Arnould

(Le Pommier, 2018, 168 p. 17€)

 
Oublier la Terre ? La conquête spatiale 2.0 (J. arnoult, Le Pommier, 2018)Ce livre est à lire. Il y a ainsi parfois des livres qu’il faut lire, qu’il est bon d’avoir lu. Celui-ci en fait partie. Petit et grand livre à la fois, petit par le nombre de pages, grand par les questions qu’il pose, il traite d’un sujet aussi connu que méconnu, aussi primordial que négligé, et littéralement illimité : l’espace.

Les programmes spatiaux furent d’abord publics. Certains le sont toujours. Mais de richissimes entrepreneurs privés ont désormais aussi leur agenda spatial, le newspace. Tourisme suborbital et plus lointain, exploitation minière des météorites et des planètes, colonisation du cosmos par des hommes ou par des cyborgs… leur imagination est sans limite. Les auteurs de science-fiction n’ont qu’à bien se tenir, leurs rêves les uns après les autres deviennent réalité… Ne voit-on pas déjà des fusées partir dans l’espace puis revenir se poser sagement sur leur pas de tir à la manière de la fusée à damier rouge et blanc de Tintin ?

On peut le faire donc on va le faire : la tentation est grande, elle est vieille comme le monde, elle a conduit à d’extraordinaires avancées et découvertes, et pourtant… faut-il en rester à cette relation mécanique de cause à effet : nous pouvons le faire donc nous allons le faire ?

A qui appartient l’espace, à qui appartiennent ses astres et leurs ressources, de quel droit prenons-nous le risque de les polluer, fuir la Terre est-ce une solution, l’histoire ne nous enseigne-t-elle pas pour le moins la prudence… ? Jacques Arnould, philosophe, historien, chargé des questions éthiques au CNES, aborde ces questions et fait le point sur l’état de réflexion des acteurs et observateurs du newspace sous tous ses aspects.

Richard Branson a déjà vendu 900 tickets, à 200 000 dollars pièce, pour un voyage dans l’espace, mais à bord d’un véhicule qui n’existe pas encore. Les acheteurs en auront-ils pour leur argent ? un jour, peut-être…
Depuis déjà fort longtemps, quelques siècles, plusieurs originaux ont prétendu détenir des droits de propriété sur la Lune. Plus récemment, diverses organisations ont mis sur le marché des lopins de «terre» lunaires et elles ont trouvé des acheteurs…
Les transhumanistes dépensent des sommes astronomiques, c’est le cas de le dire, pour créer des êtres humains augmentés qui vivront le temps nécessaire à des voyages intersidéraux et des machines qui succèderont aux hommes sur Terre et dans l’espace…

Où est l’insensé, où est le raisonnable ? Interdire ? mais quoi ? et ça ne servirait à rien. On s’y perd. A chacun d’essayer de s’y retrouver. A chacun de se faire son opinion, et c’est pour cela qu’il est bon d’avoir lu ce livre.
Une chose est sûre, la suite dépend de nous.
Comme le dit Jacques Monod, dans Le Hasard et la Nécessité, à propos de l’homme, ou de l’Homme, selon une formule que l’auteur cite une première fois puis reprend en conclusion, et à laquelle il n’y a rien à ajouter : «Non plus que son destin, son devoir n’est écrit nulle part. A lui de choisir entre le Royaume et les ténèbres».