Les ruses de la nature

Martin Stevens

(Buchet-Chastel, 2018, 336 p. 22€)

 
Les ruses de la nature (M. Stevens, Buchet-Chastel, 2018)Un livre pour les curieux, un curieux livre…
Une somme de 300 pages. Après l’avoir lue, on se demande à qui cet ouvrage était destiné. Un grand public de gens disposant d’une culture scientifique déjà conséquente ou bien des spécialistes du monde animal ?

Si le public recherché est généraliste, on peut s’étonner de n’y trouver aucune illustration, hors la couverture. Pour ce public, une photo aurait été plus intéressante que le nom latin ou des références d’articles qu’il serait bien en peine de se procurer. Une phrase du genre « Le drongo brillant s’associe à des cratérocopes bicolores et des choucas » laisse un peu perplexe (d’après le contexte, ce sont des oiseaux, et bravo à la traductrice!). Le côté anthropomorphique, qui prête des sentiments humains aux animaux, tendrait à appuyer une cible grand public : Ruses de la nature, Menteurs et tricheurs, Bluff et surprise
En fait, il pourrait plutôt s’agir d’un ouvrage de revue qui fait le point sur des recherches couvrant deux siècles. A confirmer.

Cela dit, le livre contient une foule d’informations très intéressantes. Parmi celles-ci, l’auteur passe en revue toutes les adaptations du monde animal et végétal pour se protéger, assurer sa survie et sa reproduction : odeurs, sons, aspect, camouflage, mimétisme en général, parasitisme… Quand on lit l’histoire des chenilles se faisant entretenir par des fourmis, on se croirait chez Molière.

Le livre insiste sur le mimétisme et sur le fait que les oiseaux et les insectes ne voient pas de la même façon que nous autres humains (en lumière ultra-violette notamment), si bien qu’une imitation grossière pour nous est en fait très subtile et trompe la cible. A cet égard, l’auteur parle de tests de leurres plus ou moins raffinés, des œufs en particulier, et là, on regrette de ne pas avoir de photographies.

Parmi les bonnes feuilles, le chapitre évoquant la lutte des insectes contre l’écho-localisation des chauves-souris fait irrésistiblement penser à la mise au point des radars pendant la Seconde guerre mondiale ; le fait que l’attitude des mâles paradant pour s’attirer les bonnes grâces des femelles a été rejetée par la bonne société victorienne du temps de Darwin est vraiment amusant, quand on sait les bals somptueux de cette société.

L’auteur est justement un darwiniste inconditionnel, ce qui l’amène à faire l’impasse sur la génétique moléculaire, évoquée d’un mot dans l’avant-dernière page, ce qui, justement, aurait intéressé les chercheurs contemporains. Et on en revient à l’ambiguïté du livre…