Les additifs alimentaires, un dénigrement à la mode

Alain Delacroix

Ancien professeur titulaire de la chaire « Chimie industrielle – Génie des procédés » du Conservatoire national des arts et métiers
 
Les additifs alimentaires
 
L’Académie d’agriculture de France a publié récemment un point de vue d’académiciens intitulé : « Y-a-t-il de bons et de mauvais additifs alimentaires ? »[1].
On constate en effet que via les divers réseaux d’information, circulent des classements qui qualifient les additifs alimentaires en « bons » ou « mauvais ».
Ces classements sont réalisés par des personnes dont les connaissances scientifiques ne sont généralement pas avérées et qui s’adressent à une population souvent crédule, voire avide de scandale sanitaire. Et ils sont parfois relayés par de grands médias en quête d’audience.

Cela a pour effet de fragiliser l’industrie agroalimentaire. Déjà dans les années soixante-dix, une campagne contre les colorants avait transformé les yaourts et sirops à la fraise ou à la menthe en produits incolores et peu attirants. Ceux-ci avaient retrouvé leurs couleurs au bout de quelque temps mais l’industrie française des colorants avait pris un rude coup.

La mode actuelle du bio implique qu’un additif « naturel » est forcément sain et qu’une molécule synthétique est forcément toxique, ce qui ne repose sur aucune base scientifique.
Les produits bio doivent être traités comme les autres et l’on oublie trop facilement la toxicité des molécules naturelles. Le texte publié sur le site de l’Académie d’agriculture rappelle, par exemple, que les nitrites, peu toxiques, ont été introduits dans les jambons entre autres pour se préserver de la toxine botulique, une molécule naturelle susceptible d’être présente dans les conserves mal conditionnées et qui a une dose létale DL50 d’environ 2 millionièmes de g/kg.

Le texte rappelle aussi la différence entre danger et risque en donnant l’exemple de l’avion : celui-ci présente un danger majeur d’écrasement au sol, ce qui n’empêche pas ses très nombreux utilisateurs de l’emprunter car ils savent que le risque de survenue (qui est une probabilité) est très faible.

Ce ne sont pas les sentiments et les croyances qui peuvent traiter du risque alimentaire mais la démarche scientifique qui, malheureusement, n’est pas très relayée dans les trop nombreuses sources d’informations maintenant disponibles.

 

[1] D. Parent Massin, G. Pascal, H. Lafforgue, Y-a-t-il de bons et de mauvais additifs alimentaires ?, Académie d’agriculture de France, 4 décembre 2018.