L’exposition au Sras-CoV-2 serait significativement plus élevée chez les chats

Jeanne Brugère-Picoux

Professeur honoraire de pathologie médicale du bétail et des animaux de basse-cour (Ecole nationale vétérinaire d’Alfort), membre de l’Académie nationale de médecine, présidente honoraire de l’Académie vétérinaire de France
 

L’étude «Une enquête sérologique à grande échelle chez les animaux de compagnie d’octobre 2020 à juin 2021 en France montre une exposition significativement plus élevée au Sras-CoV-2 chez les chats» [1] correspond à un projet de recherche ANR CoVet. Elle a été conduite et dirigée par trois vétérinaires, dont deux appartenant à l’Académie nationale de médecine (Eric Leroy et Serge Rosolen) et la troisième à l’Académie vétérinaire de France (Alexandra Briend-Marchal).
Il s’agit de la même équipe qui avait publié dans One Health [2] une enquête réalisée avec le CHRU de Besançon regroupant médecins, vétérinaires et chercheurs. Ils avaient alors démontré, dès 2020, l’importance d’une contamination des animaux par leur propriétaires infectés. Ils avaient aussi noté la plus forte prévalence de l’infection par le Sars-CoV-2 chez le chat (vingt chats positifs sur trente-quatre, soit 58,8%) par comparaison avec le chien (cinq chiens séropositifs sur treize, soit 38,5%).
Enfin signalons que deux des auteurs qui ont piloté cette enquête sont membres actifs de la veille informationnelle mise à jour deux fois par mois sur le site de l’Académie nationale de médecine.

De nombreuses études avaient montré, après les deux cas observés chez des chiens à Hong Kong en 2020, que l’agent de la Covid-19 (Sars-CoV-2) pouvait infecter de nombreux animaux. Ce fut surtout le cas des animaux de compagnie. Cependant, il s’agissait le plus souvent d’un nombre limité d’animaux étudiés et ce, pendant une période limitée. Ceci peut expliquer la disparité des résultats obtenus : de 0 à 14,5% chez les chiens et de 0 à 21,7% chez les chats.

Une vaste enquête sérologique réalisée d’octobre 2020 à juin 2021 (pendant les deuxième et troisième vagues de l’épidémie) chez 2036 chats et 3577 chiens prélevés lors de consultations en clinique vétérinaire a permis une évaluation plus précise de la séroprévalence en France de l’infection par le Sars-CoV-2.

Cette étude a permis de noter que les chats étaient plus souvent séropositifs que les chiens (9,3% et 5,9% respectivement). Rappelons qu’à la différence des chiens, les chats sont plus sensibles à l’infection par le Sras-CoV-2 et qu’ils peuvent se transmettre la maladie.

Comparée aux résultats observés en Europe (de 0 à 6,4%) la plus forte prévalence chez les chats français dans cette étude peut s’expliquer par le fait que les prélèvements européens ont eu lieu principalement lors de la première vague, où le virus circulait moins. Cependant il n’y a pas eu une augmentation de la séroprévalence au cours des huit mois de l’étude comme les auteurs pouvaient le penser avec la persistance des anticorps dans l’organisme. Cela pourrait s’expliquer par la persistance limitée des anticorps (deux études réalisées chez sept chiens et quatre chats infectés naturellement ont montré une persistance des anticorps variant de trois à dix mois). Si c’est le cas, cette étude sérologique réalisée sur huit mois ne refléterait pas la proportion réelle de chats infectés, avec une sous-estimation du nombre réel de chats infectés

Par ailleurs cette étude a permis de noter qu’il n’y avait pas de différence selon le sexe des animaux prélevés. Au contraire, les auteurs ont pu noter une séroprévalence plus faible chez les animaux plus âgés. Cette plus forte séroprévalence chez les jeunes animaux âgés de moins de trois ans peut s’expliquer par un plus important contact avec leur propriétaire à cette période mais aussi à une diminution plus rapide des taux d’anticorps chez l’animal âgé comme cela a été observé chez l’Homme.

Cette étude souligne l’importance d’une approche en «santé globale» face à la pandémie de Covid-19 et pose la question de la vaccination des animaux de compagnie en contact étroit avec l’Homme. En effet, on ne peut exclure un risque de recombinaison virale chez l’animal avec un risque de transmission en retour du virus vers l’Homme (rappelons la récente transmission du Sars-CoV-2 d’un chat à une vétérinaire en Thaïlande).

Bien que les animaux de compagnie ne semblent pas actuellement jouer un rôle dans la pandémie en cours, ces résultats soulignent que l’ampleur de l’infection par le Sras-CoV-2 chez les animaux de compagnie n’est pas anodine. En raison de l’importante population de chats et de chiens domestiques en contact étroit avec leurs propriétaires, les auteurs soulignent l’importance de collecter davantage de données sur la transmissibilité et la pathogénicité du Sars-CoV-2 chez les animaux de compagnie, notamment avec la surveillance des souches virales isolées (RT-qPCR, suivi par séquençage du génome entier pour identifier une éventuelle mutation). Il importe aussi de rappeler les recommandations en santé publique à mettre en œuvre pour permettre de prévenir la transmission de l’Homme.

 

Bibliographie
[1] Fritz M, Elguero E, Becquart P, de Riols de Fonclare D, Garcia D, Beurlet S, Denolly S, Boson B, Rosolen SG, Cosset FL, Briend-Marchal A, Legros V, Leroy EM. A large-scale serological survey in pets from October 2020 through June 2021 in France shows significantly higher exposure to SARS-CoV-2 in cats (bioRxiv preprint doi: https://doi.org/10.1101/2022.12.23.521567), 26 décembre 2022.
[2] Fritz M, Rosolen B, Kraft E, E, Becquart P, Elguero E, Vratskikh O, Denolly S, Boson B, Vanhomwegen J, Ar Gouilh M, Kodjo A, Chirouze C, Rosolen SG, Legros V, Leroy EM. High prevalence of SARS-CoV-2 antibodies in pets from COVID-19+ households, One Health, 11 (2020), 100192 (https://doi.org/10.1016/j.onehlt.2020.100192)