Le GIEC publie le deuxième tiers de son sixième rapport

Alain Foucault

Professeur émérite du Muséum national d’histoire naturelle (Paris)
 

Comme annoncé en août 2021, le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) a publié ce 27 février 2022 la suite de son sixième rapport, préparée par son deuxième groupe de travail, qui se penche sur les impacts, les adaptations et la vulnérabilité.
Comme pour les précédents, on constate que ce rapport, gros de plus de 3500 pages, ne se lit pas comme un roman policier. Il est heureusement précédé par un résumé à l’intention des décideurs qui ne comprend que 37 pages. Si ce résumé facilite l’accès aux conclusions du groupe de travail, sa lecture exige cependant un gros effort, qu’il n’est pas certain que les décideurs se résignent à faire. Nous en donnons ci-dessous un aperçu, en suivant son plan.

Le rapport constate d’abord que le changement climatique induit par l’homme, y compris des événements extrêmes plus fréquents et plus intenses, a causé des pertes et des dommages à la nature et aux personnes plus importants que ce qu’aurait entraîné la variabilité naturelle du climat. Une augmentation des évènements extrêmes a pu produire des effets irréversibles en poussant les systèmes naturels et humains au-delà de leur capacité d’adaptation.
Mais la vulnérabilité des écosystèmes et des populations face au changement climatique diffère considérablement d’une région à l’autre en raison de modèles de développement socio-économique différents. Cette vulnérabilité est accusée par l’utilisation des modèles actuels de développement non durable. En fait, plus de 3 milliards de personnes vivent dans des contextes très vulnérables au changement climatique.

Si l’on se place à court terme, c’est-à-dire jusqu’à 2040, un réchauffement climatique atteignant 1,5°C entraînerait inévitablement une augmentation des risques climatiques et présenterait de multiples dangers pour les écosystèmes et les humains. Limiter ce réchauffement à moins de 1,5°C réduirait ces effets négatifs, sans toutefois les éliminer.
Au-delà de 2040, le changement climatique entraînera de nombreux risques pour les systèmes naturels et humains, plus ou moins importants selon le niveau du réchauffement. Les effets évalués, à moyen et à long terme, seront jusqu’à plusieurs fois plus intenses que ceux actuellement observés. Leur ampleur et leur rythme dépendront fortement des mesures d’atténuation et d’adaptation mises en œuvre.
En avançant dans le temps, les interactions et les compositions entre les différents effets du changement climatique seront de plus en plus difficiles à appréhender. De multiples phénomènes, climatiques et non climatiques, se produiront simultanément, ce qui aggravera le risque global et les risques en cascade.
Même dans le cas où le réchauffement global serait limité à 1,5°C, des dépassements occasionnels ajouteraient des effets négatifs, comme la libération de davantage de gaz à effet de serre. Certains de ces effets seraient irréversibles.

Pour lutter contre les effets du réchauffement climatique, des mesures doivent être prises, et certaines ont déjà été mises en œuvre. Celles-ci ont montré une certaine efficacité mais présentent des lacunes et sont inégalement réparties.
Mais il existe des perspectives d’adaptation qui peuvent réduire les risques, aussi bien pour les personnes que pour la nature. Leur réalisation devra tenir compte des conditions locales et sociologiques.
Pour aller plus loin dans les adaptations déjà constatées, il faudra notamment s’attaquer à une série de contraintes, financières, de gouvernance, institutionnelles et politiques. Mais avec le réchauffement, des systèmes humains et naturels atteindront leurs limites d’adaptation et certains les ont déjà atteintes.
Cependant, on a pu noter l’existence croissante de réponses mauvaises ou inadaptées. Ces erreurs entraînent des risques supplémentaires coûteux et difficiles à modifier. Ces mauvaises adaptations peuvent être évitées par une planification à long terme multisectorielle et inclusive.
Pour mettre en œuvre, accélérer et soutenir l’adaptation des systèmes humains et écosystémiques, des conditions favorables sont requises. Il s’agit notamment d’un engagement politique suivi et de l’existence de cadrages institutionnels avec des objectifs et des priorités clairs, sans compter l’accès à des ressources financières adéquates.

La lutte contre le réchauffement climatique doit aller de pair avec un développement durable. La mener semble de plus en plus urgent.
Un développement solide prenant en compte la lutte contre le réchauffement climatique est rendu possible lorsque les gouvernements, la société civile et le secteur privé font des choix qui donnent la priorité à la réduction des risques, à l’équité et à la justice, et lorsque les processus décisionnels, le financement et les actions sont intégrés à tous les niveaux de gouvernance. Il est facilité par la coopération internationale et par les gouvernements à tous les niveaux travaillant avec les communautés, la société civile, les organismes d’enseignement, les institutions scientifiques et autres, les médias, les investisseurs et les entreprises ; et en développant des partenariats avec des groupes traditionnellement marginalisés, notamment les femmes, les jeunes, les peuples autochtones, les communautés locales et les minorités ethniques.
Si une urbanisation croissante comporte des risques, elle peut aussi présenter des opportunités dans la prise de décision quotidienne concernant les infrastructures urbaines, y compris les infrastructures sociales, écologiques et physiques, pouvant augmenter considérablement la capacité d’adaptation des établissements urbains.
La sauvegarde de la biodiversité et des écosystèmes est fondamentale pour un développement durable dans un contexte de changement climatique.
Il est manifeste que le changement climatique a déjà perturbé les systèmes humains et naturels. Les tendances actuelles de développement n’ont pas produit d’avancée vers un climat mondial durable. Il est important de noter que les perspectives de développement climatique sont de plus en plus limitées si les émissions actuelles de gaz à effet de serre ne diminuent pas rapidement, en particulier si le réchauffement climatique de 1,5°C est dépassé à court terme.

Ce rapport, dans sa complexité, constitue une mine de renseignements dont l’exploitation se révèle ardue. Mais cette complexité reflète celle de son objet d’étude. La conclusion que l’on pourrait tirer en quelques mots est que si l’on veut que le réchauffement climatique ne nous échappe pas, il faut mettre en œuvre d’urgence des mesures où tous les acteurs de la société soient impliqués, utilisant tous les moyens à leur portée, intégrés dans des cadrages institutionnels avec des objectifs et des priorités clairs. Ces conclusions ne surprennent pas. Mais pour avoir des précisions sur les actions à entreprendre pour limiter les effets du changement climatique (mitigation, en anglais), il faudra attendre la dernière partie de ce rapport, rédigée par le groupe de travail III, prévue pour le mois d’avril.

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