Controverses sur l’autisme. Décrypter pour dépasser les antagonismes

Brigitte Chamak

(Erès, 2021, 136 p. 16€)

 
Controverses sur l'autisme (B. Chamak, Erès, 2021)Il n’est pas étonnant qu’un sujet aussi complexe et sensible que celui de l’autisme soit la source de diverses controverses et polémiques. Que ce soit sur les représentations de cette pathologie-maladie-handicap, sur les causes envisagées, les traitements proposés, le rôle des associations où interviennent les parents mais aussi les autistes eux-mêmes, tout est objet de questionnements, débats multiples, contestations, litiges.

Brigitte Chamak s’intéresse à ce sujet depuis près de vingt ans. Neurobiologiste et sociologue, elle étudie l’évolution des avancées aussi bien sur les origines et les traitements de l’autisme que sur les difficultés et inégalités de prises en charge ou le rôle des associations et leur représentativité. Au-delà de son étude sur l’autisme, son analyse vise plus largement celle de l’image de la science et de la difficulté de faire la distinction entre connaissances scientifiques établies et informations relevant du marketing ou d’intérêts particuliers.

Au cours de ces trois dernières décennies, les associations, s’appuyant sur les données des neurobiologistes et généticiens, ont modifié la définition de l’autisme. De plus en plus opposées aux interprétations psychanalytiques culpabilisantes, elles ont abandonné l’image de la maladie en faveur de celle du handicap. Les autistes Asperger revendiquant de leur côté et avec fierté une autre forme d’intelligence, une façon de penser différente, parfois médiatisée auprès du public.
La diversité des cas et l’élargissement des critères diagnostiques à ceux de TSA (troubles du spectre autistique) en ont augmenté le nombre et favorisé l’extension des marchés associés.
C’est à partir des années quatre-vingt-dix que se développe une génération d’associations plus revendicatives et orientées vers des méthodes éducatives et comportementales incluant la scolarité. Scolarité reconnue en 2005 comme un droit pour tout enfant présentant un handicap. Aidés par l’ampleur du mouvement associatif, le recours à la science, l’accès à Internet, les parents réclament des accompagnements et thérapies adaptées.
Mais les positions défendues par les experts associatifs ne suivent pas forcément le vécu de certains patients. Une conséquence de ces controverses a été l’interdiction du traitement «packing» en 2016, obtenue par certaines associations en dépit de l’avis de parents, dont quelques témoignages sont publiés dans ce texte.
Peu à peu, l’influence d’une «élite associative» se manifeste auprès des pouvoirs publics et de la mobilisation des médias. Active dans le changement de la représentation de l’autisme et du financement de la recherche, elle favorise pour certains une forme de démocratie sanitaire et pour d’autres un lobbying associatif sans aucun «idéal pluraliste».
L’Etat exerce à distance un contrôle sur les contrats d’objectifs et de moyens en favorisant les associations les plus puissantes et les mieux structurées. Ces associations sont dès lors considérées comme des prestataires aidant à la mise en place d’une politique publique.
En final d’un état des lieux descriptif sur l’autisme en quête de ses causes et de sa prise en charge, l’auteur développe certains aspects de l’organisation générale actuelle de la santé mentale. De plus en plus, il est question d’objectifs de rentabilité à soutenir, une logique gestionnaire et financière prenant le pas sur une logique soignante.

Ce petit livre est un condensé de tout ce qui doit être actuellement connu sur l’autisme du point de vue sociétal. Les controverses exposées ici, rendues obligatoires par l’état des connaissances encore bien trop limitées sur le sujet, doivent continuer à être «décryptées pour dépasser les antagonismes».