Les végétaux, un nouveau pétrole ?

Jean-François Morot-Gaudry

(Quae, 2016, 160 p. 16 €)

 
Les végétaux, un nouveau pétrole ? Jean-(F. Morot-Gaudry, Quae, 2016)Au fil du temps l’adjectif chimique est devenu péjoratif et les chimistes ont inventé le terme de chimie verte, voire blanche, pour se dédouaner de cette fâcheuse évolution. Parallèlement, la dépendance française vis-à-vis des produits carbonés fossiles naturels mais non renouvelables et surtout situés dans des zones à risque devient problématique. Le livre de Jean-François Morot-Gaudry présente les espoirs et les difficultés de l’évolution de l’industrie chimique vers d’autres sources d’approvisionnement en matières premières.
La France, riche de son agriculture, pourrait valoriser sa matière biologique végétale pour synthétiser un grand nombre de produits issus actuellement de la pétrochimie. Cela pose cependant de nombreux problèmes ; entre autres, la production en tonnage important (éthylène : plus d’un million de tonnes par an en France !) de produits biosourcés ne devrait pas accroître l’utilisation d’engrais car ceux-ci ne viennent pas de France, en particulier les phosphates et les engrais azotés, fabriqués à partir de méthane (voir filière de l’ammoniac). D’autre part, ce n’est pas la pétrochimie qui consomme le plus de pétrole, mais les carburants et le chauffage. Cela désole d’ailleurs les chimistes, qui regrettent toujours de voir cette précieuse matière première utilisée en combustible et non pas pour fabriquer des molécules utiles.
Cela dit, la France serait susceptible de produire 56 Mtep/an de biomasse, soit 1,4 fois notre consommation en produits pétroliers pour le transport. On en pressent alors l’intérêt. D’autre part, l’agriculture française est puissante et dispose de grandes entreprises internationales comme Roquette et Avril.
La photosynthèse produit des glucides dont la cellulose, des lignines, des lipides, des protéines mais aussi des centaines de milliers de molécules de toutes sortes. Ces composés organiques peuvent être transformés en synthons tels que l’acide acrylique ou même l’éthylène à partir d’éthanol et la plupart des molécules de base de l’industrie chimique. Il est donc concevable de voir construire des bioraffineries de la taille des raffineries de pétrole actuelles mais dont les matières premières seraient les bioressources. L’autre avantage serait qu’elles seraient construites en France et non sur les puits de pétrole comme actuellement. Cela dit, les outils industriels de cette taille ont une durée de vie largement au-dessus de 50 ans et les évolutions ne peuvent être que lentes compte tenu des investissements nécessaires.
Le livre de Jean-François Morot-Gaudry a le mérite de bien présenter les enjeux de cette nouvelle industrie chimique, sur le plan scientifique comme sur le plan économique. Il fait le point sur les espoirs mais aussi les difficultés sur les plans technique et industriel. J’en recommande la lecture à tous les chimistes et aux étudiants, qui seront forcément concernés dans l’avenir par cette évolution d’une grande industrie.