Faut-il avoir peur de la population mondiale ?

Jacques Véron

(Ed. Points, 2020, 272 p. 8,30€)

 
Faut-il avoir peur de la population mondiale ? (J. Véron, Points)Il n’est pas facile de répondre simplement à la question que pose le titre de l’ouvrage de Jacques Véron. Le livre dense mais clair qu’il nous propose montre la complexité d’un sujet qui mêle étroitement population, développement et environnement. Les trois termes forment une «totalité» et tous les éléments qui les constituent doivent être pris en considération (pauvreté, fécondité, mortalité, migrations, alimentation, éducation, santé, urbanisation…).

Dans une présentation large qui aborde tous les sujets, l’auteur nous montre que cette question est posée de longue date. Malthus l’exprimait déjà en 1798 alors que la population mondiale atteignait à peine un milliard. Puis est venue l’accélération brutale du XIXe et surtout du XXe siècle qui nous conduit aux huit milliards prévus en 2023. Les nombreux ouvrages et rapports qui s’échelonnent sur ce sujet depuis les années soixante du XXe siècle témoignent des interrogations, inquiétudes et controverses autour de ces questions. Le livre les rappelle, du Club de Rome et du rapport Meadows (Halte à la croissance) aux «avertissements à l’humanité» et aux différentes conférences organisées par les Nations unies, de Stockholm en 1972 au Sommet de la Terre de Rio en 1992 et au Programme de 2015 fixant les dix-sept objectifs de développement durable (ODD).

Au travers des douze chapitres, il nous rappelle les concepts-clés (capacité de charge, inertie démographique, équation de l’environnement, indicateur de développement humain…) indispensables à la compréhension des phénomènes, les principaux éléments quantitatifs (exemples : 100 millions de km2 utiles sur le globe soit environ 1,5 ha par humain mais moitié de la population concentrée sur 1% des terres avec croissance accélérée des grandes agglomérations ; Chine + Inde = un tiers de l’humanité ; population du Pakistan multipliée par cinq entre 1950 et 2015 et par sept au Kenya ou en Ouganda…), les situations très diverses des différents pays et des politiques qu’ils ont conduites et qu’ils conduisent en ce domaine.

Il n’écarte aucun des débats sensibles : relation entre pauvreté et fécondité, vieillissement de la population dans certains pays (Europe, Japon) et jeunesse dans d’autres, pressions migratoires conséquentes et enjeux politiques associés (débats sur la décroissance, sur le «grand remplacement», sur l’homogénéité culturelle…).

En présentant l’équation élémentaire de l’environnement : impact = population x mode de vie x effet technologie (I=PxAxT), il montre clairement la part des différents facteurs dans la dégradation environnementale et souligne les méfaits d’une culture du gaspillage et du déchet.

L’ouvrage montre bien la complexité d’un sujet où les actions ne peuvent avoir que des effets de moyen terme dans un contexte de très grandes inégalités entre populations des différents pays.

Faut-il avoir peur de la population mondiale ? La réponse est loin d’être simple. Citons quelques phrases du chapitre conclusif Comment (ré)concilier population et environnement : «La population mondiale ne peut se stabiliser à terme sans un développement qui permette à chacun d’être nourri, éduqué, soigné, dans des conditions satisfaisantes et employé s’il est d’âge actif.» ; «Le développement économique indispensable ne doit pas aboutir à une vaste société de consommation planétaire. Entre éradication de la pauvreté et surabondance, il importe de trouver un juste milieu.»

C’est dire la complexité d’un sujet souvent porteur de controverses, que l’ouvrage de Jacques Véron permet de mieux appréhender.