Jean-Pierre Luminet
(Editions du Cherche Midi, 2025, 20.90€)
Depuis que Galilée a pointé sa lunette astronomique vers le ciel, découvrant les satellites de Jupiter, la voute céleste s’est peuplée d’une infinité de formations aux propriétés et comportements extrêmement variés. L’actualité scientifique nous en informe constamment, mais comment s’orienter parmi cette infinité de formations cosmiques aux allures intrigantes? Jean-Pierre Luminet y répond dans ce livre en proposant un abécédaire de corps célestes insolites, véritable voyage dans le cosmos.
Connu du grand public pour ses ouvrages de vulgarisation et comme conférencier, Jean-Pierre Luminet a œuvré dans des domaines très divers de recherche en astrophysique et cosmologie. Citons brièvement ses travaux sur la théorie des « effets de marée » causés par les trous noirs, ses intérêts pour la topologie de l’Univers, pour les anomalies du fond diffus cosmologique et pour la gravité quantique. Ajoutons à ses talents d’homme de science ceux de poète et de romancier-auteur d’œuvres inspirées par la vie des savants fondateurs de l’astronomie moderne, de Copernic à Newton.
Son énumération alphabétique apparaît a priori comme une suite de noms étranges, combinaisons de chiffres et de lettres établies selon des règles de nomenclature dictées par l’Union astronomique internationale, mais également des appellations poétiques, souvent inspirées de la mythologie ou tout simplement le patronyme du découvreur de telle ou telle comète. En reconnaissance de sa contribution à l’astrophysique, Jean-Pierre Luminet a d’ailleurs vu son nom associé à l’astéroïde5523, bien qu’il ne l’ait pas découvert lui-même.
Pour en rendre la consultation moins austère et attiser la curiosité du lecteur, l’auteur s’est amusé associer à chacune des 156 entrées un sous-titre évocateur ou amusant. Le lecteur est donc libre d’explorer cette riche énumération, au gré de sa propre curiosité. Un index de 68 références permet une approche de lecture plus directe.
Parmi l’infinité de formations gravitant dans le cosmos l’auteur a pris soin de choisir celles qui, par leurs spécificités, illustrent le mieux les objectifs de recherche et les découvertes les plus récentes. 156 corps célestes ont été retenus , du plus petit astéroïde à la plus grande galaxie connue, sans oublier trous noirs, quasars, pulsars et supernovas parmi les plus connus, et exoplanètes, amas globulaires, superamas, magnétars parmi les moins communs.
Chaque entrée est prétexte à fournir au lecteur une foule d’informations portant autant sur les caractéristiques propres de l’objet que sur les techniques employées pour le détecter ou l’analyser. On y découvre l’apport extraordinaire des observatoires terrestres et spatiaux les plus performants ainsi que l’étroite collaboration entre les centres de recherche et les agences spatiales par le partage des données collectées par ces appareils de très haute technologie.
Voici quelques incursions dans cette riche énumération.
- Le petit astéroïde RYUGU a été ‘’égratigné’’ en 2019 par une mission japonaise, rapportant un échantillon de 5,4 grammes riche en matière organique et composants chimiques. Étant un des plus primitifs, il renseigne sur les matériaux à partir desquels le système solaire s’est formé. De 900 mètres de diamètre il entre dans la catégorie des astéroïdes géocroiseurs potentiellement dangereux.
- Autre exemple de risque : on prévoyait en 2004 que l’astéroïde Apophys pourrait toucher la Terre le 13 avril 2029, avec un niveau 4 de risque sur l’échelle de Turin. Après rectification il passera en réalité à 32 000 km. Ces risques sont pris très au sérieux et la mission OSIRIS-Rex a été reprogrammée pour aller « voir » ce géocroiseur de plus près.
- A une autre échelle, les astronomes, friands de records, sont partis à la recherche du plus gros trou noir. Les techniques utilisées pour les débusquer vont de l’analyse des raies d’émission (trou noir TON 618 de 66 milliards de masses solaires) à la mesure gravitationnelle directe (trou noir Holmerg 15A = 40 milliards de masses solaires).
- Alcyonée, la plus grande galaxie connue de l’Univers a été découverte en 2022. Quelques chiffres : longue de 16 millions d’années-lumière (notre Galaxie a un diamètre de 100 000 années-lumière !), son trou noir est supérieur à 1 milliard de masses solaires. De type radiogalaxie, elle a été détectée par les ondes radio qu’elle émet.
- Les fusions de galaxies sont des phénomènes fréquemment observées dans l’Univers. La galaxie qui résultera de la fusion de la Voie Lactée et d’Andromède a déjà été baptisée : Androlactée en français, Milkomeda en anglais.
- La détection d’exoplanètes est une tâche permanente qui occupe de nombreux chercheurs. La méthode dite du ‘’transit’’ consiste à surveiller les variations de luminosité d’une étoile, signe du passage d’une planète en orbite autour de cette étoile.
- L’étoile Polaire va s’éloigner du pôle Nord céleste en raison de la précession des équinoxes pour y revenir après un cycle d’environ 25 800 ans. Dans un futur lointain l’éclatante Vega prendra sa place.
- 50% des étoiles vivent en couple, l’une s’alimentant de la matière de l’autre.
- 80% des étoiles sont des naines brunes : elles n’ont pas accumulé assez de masse pour déclencher les réactions de fusion nucléaire d’hydrogène, contrairement à notre soleil.
- Des irrégularités se manifestent dans la période du signal émis par certains pulsars, attribuables à des « tremblements d’étoile », signe que sa structure se modifie. Pas de quoi perturber les musiciens terrestres qui utilisent ce signal comme batterie !
Tous ces objets, insolites certes, mais tous sources inépuisables de données, contribuent à la reconstitution de l’histoire de l’évolution de l’Univers et des origines de la vie sur notre petite Terre.
Pouvant être perçu de prime abord comme d’accès fastidieux, cet abécédaire s’avère être d’une grande richesse d’informations scientifiques sur l’état des connaissances en astrophysique et cosmologie, agrémenté par un style littéraire des plus agréables. Ceci en fait un ouvrage de référence que tout étudiant ou amateur féru d’astronomie moderne se devrait d’avoir dans sa bibliothèque scientifique.
Jean-Claude Richard