Dominique Leglu
Ancienne directrice éditoriale à Sciences & Avenir – La Recherche
Les IPhO 2025 se dérouleront pour la première fois à Paris du 18 au 24 juillet 2025, attirant près de 440 candidat(e)s venus du monde entier. Six prix Nobel français ont aidé à concevoir les deux épreuves, expérimentale et théorique, qui se dérouleront à l’École Polytechnique. En dehors de cette compétition, les jeunes de 15 à 20 ans pourront découvrir des laboratoires scientifiques et visiter Versailles ou le musée d’Orsay…

Nos 5 jeunes Françaises et Français vont-ils remporter une médaille ? Si vous avez aimé les Jeux Olympiques de 2024, peut-être vos neurones prêteront quelque attention aux Olympiades de cet été 20251. Une première pour Paris ! Ni 100 mètres haletant, ni mirifique saut à la perche mais un marathon mental pour deux épreuves de cinq heures chacune consacrées, elles, à la… physique. Pour ces IPhO (International physics olympiads -prononcer « ifo »), pas de Teddy Riner ou Cassandre Beaugrand, Léon Marchand, Antoine Dupont ou Manon Apithy-Brunet mais deux filles et trois garçons de moins de vingt ans, qui se mesureront à plus de 90 autres équipes, en tout 440 candidats venus du monde entier. Pas de Tony Estanguet pour haranguer les foules ? Non, mais un comité d’honneur archi-nobélisé – en physique évidemment – dont on aimerait que les noms résonnent aussi dans le grand public : Anne L’Huillier, Pierre Agostini, Alain Aspect, Gérard Mourou, Serge Haroche, Albert Fert. Autrement dit des conseillers on ne peut plus haut de gamme, qui ont aidé à concevoir à la fois une épreuve expérimentale (19 juillet), utilisant du matériel de laboratoire afin de résoudre un problème de physique concret, ainsi qu’une épreuve théorique (21 juillet) abordant des phénomènes complexes et leur modélisation. L’ensemble de la manifestation, qui dure une semaine, revenant à environ 2 millions d’euros2.
Lors des 15 dernières éditions, les Français ont remporté 5 médailles d’or, 39 d’argent, 21 de bronze. Et si le grand public n’est pas très au fait de ces résultats, certains sponsors des IPhO France 2025 sont, eux, à l’affût de « têtes bien faites. Surtout les financiers », fait remarquer Dominique Obert, co-président du comité d’organisation, que l’AFAS a rencontré (lire interview ci-après). Quant aux participant(e)s, ils devraient garder, elles et eux, des souvenirs émus de cette rencontre internationale. Comme le dit l’un d’eux, Adrien Sutter, médaille d’or IPhO 2018, « cet événement a sans nul doute été un moment clé de ma vie. Celui qui m’a fait comprendre qu’il ne fallait pas craindre de se fixer des objectifs élevés. Celui qui m’a fait réaliser que la science dépassait les frontières ».
[1] 55ème Olympiades de physique 18 au 24 juillet, www.ipho2025.fr. Les cérémonies d’ouverture (Cité des sciences et l’industrie 9h-12h) et de clôture (Centrale Supelec à Gif-sur-Yvette, 15h-18h) seront visibles sur YouTube.
[2] Outre les épreuves, les participants (candidats, leaders, observateurs) sont conviés à suivre des conférences scientifiques et accomplissent de multiples visites dans des laboratoires scientifiques, au Château de Versailles, au musée d’Orsay…
INTERVIEW : « L’épreuve expérimentale est un défi organisationnel avec ses 450 kits expérimentaux innovants ! »
« Le souci de la mesure » sera au cœur de l’épreuve expérimentale du 19 juillet, selon Dominique Obert, co-président du comité d’organisation IPhO France 2025, inspecteur général honoraire de l’Éducation, du Sport et de la Recherche. L’AFAS a interrogé ce connaisseur des Olympiades, pour avoir accompagné la délégation française aux IPhO à trois reprises, à Copenhague (Danemark), Astana (Kazakhstan) et Mumbai (Inde).
Qui concourt aux IPhO ?
L’âge médian est 18 ans, les plus jeunes ont 15 ans et les plus âgés ne peuvent pas dépasser 20 ans, c’est le règlement. En France, leur profil est celui d’élèves de terminale et de classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE). Des jeunes qui vont entrer dans l’enseignement supérieur et ne sont pas encore à la recherche d’un métier. Ils se forment grâce au dispositif du ministère de l’enseignement supérieur, « Science à l’école », cette préparation reposant essentiellement sur le bénévolat des professeurs de CPGE, dans une quarantaine de centres en France, avec un appui notable des Écoles normales supérieures (ENS) de Paris et de Saclay. A noter, l’équipe française compte deux filles et trois garçons, un équilibre que n’ont pas beaucoup d’équipes1, peut-être une dizaine seulement, la très grande majorité étant composée uniquement par des garçons.
Un défi majeur de ces Olympiades ?
La plus grande gageure réside dans l’existence d’une épreuve expérimentale. Pour nous, c’est un défi organisationnel, il nous faut commander 450 kits expérimentaux… que nous avons conçus ! Des équipements très innovants pour la conception desquels le comité scientifique s’est montré particulièrement brillant. A l’occasion de cette épreuve qui dure cinq heures, et dont je ne peux évidemment pas révéler la teneur, s’exprime tout particulièrement le souci de la mesure. Il ne faut pas avoir honte de répéter plusieurs fois une même mesure, de façon à obtenir éventuellement une meilleure estimation des incertitudes. Au cœur de la problématique de l’épreuve, on mesure, on exploite les résultats et on teste des modèles.
Et s’il y a une panne des instruments ?
Je n’ai pas trop d’inquiétude mais si tel était le cas, la difficulté serait d’intervenir auprès des candidats sans les « aider ». Notamment en déterminant si c’est de leur faute ou pas…
Quel est le défi pour l’épreuve théorique ?
Tous les pays n’ont pas le même rapport à la manipulation des modèles, en physique. Je me souviens d’un sujet merveilleux, lors des IPhO au Danemark, évoquant le modèle de l’écoulement de la calotte glaciaire du Groenland quand, à Astana, il s’agissait d’un problème technique très peu contextualisé et quasi infaisable, faisant appel à la virtuosité intellectuelle pure. Ressort ainsi la dualité de la perception de ce qu’est la physique, avec une plus ou moins grande contextualisation du problème. Quant au mode de restitution par les candidats, il n’y a pas de rédaction de phrases qualitatives mais une tendance à privilégier les aspects mathématiques. Donner la réponse avec une formule, une valeur numérique…
Il vous a fallu trouver nombre de sponsors pour cet événement à 2 millions d’euros…
Le sponsoring n’est pas venu de ceux auxquels on pensait. Nos trois gros sponsors2 viennent du monde la finance et sont à la recherche de « têtes bien faites », de talents formés par la physique et capables de coder. C’est à double tranchant, car ce sont des jeunes formés par les sciences mais qui ne feront peut-être plus de science ultérieurement. On retrouve cette problématique en astrophysique, les banques sachant que ceux qui s’y forment savent gérer des big data.
Quels pays réussissent le mieux ?
La Chine rafle souvent les cinq premières places, les Russes3 sont très bons aussi. Ces pays s’organisent pour ces Olympiades, plus que nous ne le faisons. Pour ce qui est de l’épreuve expérimentale, je pense que l’Allemagne est peut-être mieux placée que la France, grâce à ses clubs scientifiques.
Propos recueillis par Dominique Leglu
[1] Quatre équipes parmi les mieux équilibrées fille-garçon seront mises à l’honneur.
[2] QRT, Jane Street, Square Point
[3] Les délégations de Russie, peut-être de Biélorussie (non encore certaine de venir à la date de l’entretien), participeront sous une bannière « neutre ».