Questions de conscience. De la génétique au posthumanisme

Jean-François Mattei

(Les liens qui libèrent, 2017, 160 p. 20 €)

 
Questions de conscience De la génétique au posthumanisme (J.-F. Mattei, Les liens qui libèrent, 2017)Sa couverture est réussie : le livre y est tout entier. L’exprimable et le non-exprimable, le dit et le non-dit.

On voit d’abord les deux mains, elles emplissent la page, celle d’un homme et celle d’un robot, dessinées dans la position des deux mains de la célèbre fresque de Michel-Ange représentant la création de l’homme, mais là, celle d’un homme, Adam, et celle d’un dieu.
Jean-François Mattei, tout au long de son essai, s’interroge sur cette volonté humaine, à l’œuvre actuellement en divers lieux du monde, y consacrant des milliards, visant à créer un nouvel être, robot omniscient et/ou homme immortel. Cette entreprise, qui fait appel aux derniers progrès de la science et de la technique, qui fait faire d’extraordinaires pas de géant à la science et à la technique, est-elle sérieuse ? Qui peut dire où elle nous mène ? Etre comme des dieux est un vieux rêve des hommes : il invite au progrès, il est aussi source de tous les dangers. Ces deux mains, l’une tendue vers l’autre, l’une conviant l’autre à la vie, expriment à la perfection le propos du livre, fait d’émerveillements et d’inquiétudes.

Et on y lit ensuite, de part et d’autre des deux mains, titre et sous-titre : « Questions de conscience », « De la génétique au posthumanisme ». En lisant « questions de conscience », on entend en même temps « question de confiance » et c’est bien de cela qu’il s’agit : de question(s), de conscience, de confiance. Que sommes-nous en train de faire, que devient la conscience dans tout cela, en quoi et en qui croire ? L’auteur n’esquive aucune de ces questions. Sa réflexion se veut objective, scientifique, autant qu’il est possible en un tel domaine. Il rappelle qu’avec le séquençage du génome, beaucoup ont pensé qu’on savait désormais tout de la vie, mais en réalité il n’en était rien, les gènes ne déterminent pas tout. N’en sera-t-il pas de même avec le décryptage du « connectome » ? A supposer qu’on parvienne à tout savoir et tout comprendre, à l’aide des ordinateurs et algorithmes ad hoc, des milliers de milliards de nos neurones et des milliards de milliards de connections qui les relient, en saurons-nous plus sur l’esprit, sur l’âme, sur la conscience ? Le constat est connu : plus la science étend le domaine du connu, plus celui de l’inconnu qu’elle perçoit ou devine s’étend lui aussi. N’est-ce pas ce qu’oublient transhumanistes et posthumanistes ?

Tout le livre est guidé par le doute, vertu principielle de la pensée scientifique. Pas le doute qui paralyse, le doute qui fait avancer droit.

Notre organisme à beau être, bel et bien, une machine physico-bio-chimique, est-il seulement cela ?

Jean-François Mattei, médecin pénétré de la mission de la médecine, soigner, soulager, guérir… nous emmène dans une passionnante réflexion sur l’état actuel des recherches et de leurs promesses.