Kathryn Harkup
(Éditions Delachaux et Niestlé, 2025, 21.90€)
Kathryn Harkup, chercheuse en chimie devenue vulgarisatrice scientifique, nous invite dans ce livre à la découverte des éléments chimiques, ces briques fondamentales composant les molécules.
Rares sont les éléments existant à l’état pur. Quantité de chimistes se sont ingéniés au fil des siècles à les révéler, qui à partir d’une roche singulière, qui à partir d’expériences aux résultats inattendus. Leurs découvertes, obtenues au fil du temps, se sont concrétisées dans ce qu’il est convenu d’appeler le tableau périodique des éléments ou tableau de Mendeleïev, véritable alphabet de la chimie moderne.
Le lecteur se rappellera les efforts qu’il devait faire au lycée pour retenir les symboles des éléments, ne serait-ce que des deux premières lignes du tableau.
Rien d’aussi ardu ici. Voilà le tableau complet, bien campé dès les premières pages : à gauche en vert, deux colonnes des métaux alcalins et des métalloïdes ; à droite en orange la famille des non-métaux réactifs suivi de la colonne des gaz nobles ; au centre en rouge, les métaux dits de transition. Enfin, à la base du tableau les nouvelles lignes des lanthanides ou terres rares et des actinides radioactifs.
L’auteure compare le tableau à une photo de famille réunissant des branches parentes. Les parents proches sont réunis dans des colonnes ou groupes portant leur propre nom de famille (métaux alcalins pour le groupe 1, halogènes pour le groupe 17). Les colonnes voisines seraient des cousins, semblables à certains égards, mais ayant plus de points communs avec leur propre groupe. Au-delà de ces similitudes familiales, chaque élément reste un individu avec sa propre personnalité.
Ce sont ces différents ‘’caractères’’ que l’auteure a illustrés en choisissant 52 éléments parmi les 118 que contient le tableau. Nous en extrairons quelques exemples illustratifs.
La chimie repose sur le ‘’désir’’ des atomes de disposer d’un ensemble complet, ou, a minima, d’un groupe bien agencé d’électrons dans leur couche externe. Ceci est à la base de toute réaction chimique qui vise à obtenir l’arrangement électronique le plus stable en établissant des liaisons entre atomes. C’est par ces réactions que se révèle la ‘’personnalité ‘’ de chaque élément.
Ainsi les halogènes du groupe 17 disposent de 7 électrons sur leur couche externe qui pourrait en contenir 8. Parmi eux le Fluor, qualifié de ‘’grand destructeur’’, se montre le plus agressif, à la recherche d’électrons. Ce qui fait qu’on ne le trouve jamais à l’état pur dans la nature. Les premières tentatives pour l’isoler furent désastreuses et plusieurs chimistes furent intoxiqués ou perdirent la vue suite à des explosions. Une fois qu’il a obtenu son électron supplémentaire, le Fluor devient plus serein. Sous forme de fluorure, il est apparu dans les pâtes dentifrices. Combiné au Carbone il sert d’antiadhésif dans les poêles ou encore d’anesthésique.
A l’opposé, les atomes du groupe 18 ont leur couche externe complète et ne montrent pas d’intérêt à interagir avec d’autres atomes : ce sont les gaz rares ou inertes. Il faut les solliciter très fort pour les faire réagir. Ainsi le Néon devient luminescent en lui appliquant une tension électrique. Il en résulte un état, ni solide, ni liquide, ni gazeux baptisé ‘’plasma’’, qui a été à l’origine de plusieurs avancées technologiques : lampes fluorescentes, téléviseurs à écran plat et ultimement le laser.
Dans le même groupe 18, l’Hélium est un solitaire ne s’associant avec aucun autre atome. Ce qui explique qu’il ait été longtemps ignoré, révélé par hasard par sa raie jaune lors d’une analyse spectroscopique du Soleil.
Atome léger, l’Hydrogène est l’élément originel. Né un peu après le Big Bang, c’est un marginal parmi les éléments de son groupe : c’est un gaz et non un métal. Il peut gagner un électron ou perdre son unique électron devenant H+, très puissant : il donne leur mordant aux acides et aide l’eau à conduire l’électricité. Mais c’est dans la mise en commun d’électrons avec d’autres atomes qu’il prend toute son utilité : la liaison hydrogène est, par exemple, importante pour le maintien de la structure des brins d’ADN.
La vie des éléments ne manque pas d’anecdotes historiques plus ou moins cocasses. C’est ainsi que l’on découvre :
- Que la boisson 7UP a fait son succès grâce au Lithium. En 1929 son inventeur y introduisit une dose de sels de Lithium qui avaient alors la réputation d’être bénéfiques pour la santé, notamment par leurs effets calmants. Toujours d’usage dans la pharmacopée moderne, cet élément a disparu du 7UP.
- Qu’au XVIIème siècle un alchimiste cherchait de l’or dans son urine. Au bout de multiples ébullitions du précieux liquide, il obtint un dépôt reflétant une lumière verdâtre : le Phosphore était né!
La nature a eu également sa part d’ingéniosité. Elle a trouvé le moyen d’extraire l’Azote, présent à 78% dans l’air, grâce à des bactéries vivant en association avec les racines du trèfle et de certaines légumineuses, le transformant en nitrates et ainsi contribuant à la fertilisation naturelle des sols.
Tout cela nous est présenté d’un ton léger tout en apportant des informations scientifiques de première importance. Combinant illustrations et langage imagé, l’auteure parvient à rendre séduisant le domaine ardu de la chimie. Un livre à la portée d’un large éventail de lecteurs.
Jean-Claude Richard
De la même autrice : La vie secrète des molécules