La démocratie a-t-elle besoin de la science ?

Pierre Papon

(CNRS Editions, 2020, 336 p. 25€)

 
La démocratie a-t-elle besoin de la science ? (P. Papon, CNRS Ed., 2020)L’ouvrage de Pierre Papon fait un tour d’horizon particulièrement complet, riche et documenté de la situation de la science et de sa place dans le monde d’aujourd’hui.
En trois grandes parties, il présente d’abord ce qu’est la science (Partie I. A la recherche de la «vérité» : les voies et les moyens de la connaissance scientifique) puis quel est son rapport à la société (Partie II. La science dans la société) et enfin quel est son rapport à la démocratie (Partie III. La science, vigie de la démocratie).

La première partie analyse le processus de la recherche de la «vérité», les méthodes et les normes de production du savoir, les valeurs de la science (universalisme, communalisme, désintéressement, scepticisme organisé), les évolutions de la «vérité» (par exemple les vérités «incroyables» de la physique quantique), la place particulière des sciences sociales, les changements apportés par la révolution numérique (une nouvelle science, la science des données).

La deuxième partie analyse la place de la science dans la société. Elle met en lumière l’évolution de la relation entre «République de la science» et Res publica. Elle montre l’institutionnalisation et la professionnalisation progressive de la science, sa relation aux pouvoirs politiques, son intrication croissante avec l’économie marquée par le développement constant des «technosciences» (Gilbert Hottois) et les controverses que cela suscite (Science studies), la spécificité des métiers de la science avec les questions d’intégrité scientifique qu’elle pose, l’invention, l’épanouissement puis la contestation de l’idée de progrès. Quelques exemples (climat, sciences cognitives, énergie, situation sanitaire) montrent la relation complexe entre la science et la décision politique. C’est tout le sujet de l’expertise qui est largement développé (l’expert : le rôle difficile du «troisième homme» entre le chercheur et le politique).

La troisième partie montre que la science ne peut jouer son rôle de «vigie de la démocratie» que si de nombreuses conditions sont réunies. Evidemment, elle est partie prenante dans le débat public sur tous les enjeux de société mais dans un contexte de «déclin de la vérité», de peur de la «république des experts» ou de craintes face au discours de la «singularité technologique».

Il est nécessaire de mieux articuler la relation de la science avec les décideurs et la conduite des politiques publiques, d’avoir une politique de recherche au niveau national comme international, de veiller à la réflexion prospective, de s’intéresser à la science citoyenne et à la place de la culture scientifique.

En conclusion, la réponse à la question posée par le titre est positive à la condition de préparer l’avenir, de s’appuyer sur des expertises transparentes, de développer la communication et la culture scientifique, d’avoir un dialogue permanent entre science et société.
L’ouvrage fait le tour de sujets d’une brûlante actualité en mobilisant les connaissances dans tous les champs disciplinaires et les publications les plus récentes (comme en témoigne la richesse de la bibliographie) dans un texte très dense mais très lisible.
On peut regretter qu’il ne creuse pas davantage le sujet des différentes catégories d’institutions scientifiques et la comparaison entre les différents systèmes mondiaux de recherche, innovation et enseignement supérieur en compétition aujourd’hui.
A l’issue de ce vaste panorama qui fait bien apparaître la complexité de la relation science-techniques-économie-société, dans le monde des technosciences qui est aujourd’hui le nôtre, on ne peut manquer de se poser une question évidente : la science et les technosciences ne sont-elles pas, désormais, les sujets principaux de toute réflexion politique ?