L’astroblème de Rochechouart-Chassenon

Alain Delacroix

Professeur honoraire, chaire « Chimie industrielle – Génie des procédés » du Conservatoire national des arts et métiers
 

Front de taille d’une carrière où l’on exploitait de la « lave volcanique » pour la construction

Carte postale ancienne montrant le front de taille de la carrière de M. Lavergnat où l'on exploitait de la « lave volcanique » pour la construction.
 
Le château et l’église de Rochechouart (Haute-Vienne) et les thermes de Chassenon (Charentes), entre autres, sont construits avec des pierres dont l’origine est restée longtemps mystérieuse. N. Desmaret, après son passage entre 1762 et 1771, décrit du granite à bandes d’origine plutonique ; Beausnil, en 1779, les appelle tuf volcanique. Les brèches de Rochechouart sont mentionnées officiellement la première fois dans un document préfectoral de 1809 intitulé « Les statistiques de la France, volume départemental de la Haute-Vienne ». On y trouve : « Brèches primitives. On donne cette dénomination à un agrégat qui occupe, dans la commune de Rochechouart, près d’un myriamètre [10 000 m] d’étendue. La découverte de cette brèche est nouvelle, et les minéralogistes qui l’ont observée ne sont pas d’accord sur sa nature ; les uns l’ont prise pour un ciment artificiel, les autres pour un produit volcanique. »

L’intérêt pour cette roche étrange ressemblant à un béton coloré, comportant à l’intérieur des cailloux de différentes tailles et un liant très fin, a fait l’objet de nombreux travaux scientifiques :

  • en 1833, Manès imagine une origine volcanique,
  • en 1858, Coquand pense à une origine sédimentaire,
  • en 1859, Alluaud penche vers une origine pyrogène,
  • en 1869, Mallard confirme l’hypothèse de Manès,
  • en 1901, Le Verrier admet l’hypothèse de Coquand,
  • en 1910, Glangeaud retravaille sur l’origine volcanique.

Entre 1935 et 1960, François Kraut, du Muséum national d’histoire naturelle de Paris, travaille sur ce sujet et pense accréditer une hypothèse confirmant une partie des précédentes. En 1967, il constate des analogies entre les brèches de Chassenon et les suévites du cratère d’impact du Ries en Allemagne. La visite de deux spécialistes du Meteor Crater et du cratère du Ries permet d’appuyer une nouvelle hypothèse d’un impact d’une météorite. En 1969, une équipe de géologues américains accompagnant François Kraut découvre des cônes de percussion sur les pierres d’un mur, ce qui accrédite la nouvelle théorie. Les brèches vont dorénavant porter le nom d’impactites.

Enfin, les thèses de P. Lambert (3e cycle en 1974, puis d’Etat en 1977) permettent de donner diverses informations sur les phénomènes liés aux chocs (minéraux choqués, cônes de pression), la taille du cratère et le type de météorite.

L’évènement s’est produit il y a un peu plus de 200 millions d’années (actuellement la datation 40Ar/39Ar donne 206,9 millions d’années à 0,3 ma près). Arrivée sur terre à la vitesse de 72 000 km/h, la météorite d’environ 1,5 km de diamètre et d’une masse de 6 milliards de tonnes a frappé le sol et s’est enfoncée en générant une onde de choc et en propulsant vers l’extérieur de nombreux éjectats. L’énergie cinétique s’est transformée alors en énergie thermique et de façon plus importante en énergie mécanique. La première a vaporisé la météorite et une partie des roches du sol. Les matériaux vaporisés sont retombés et ont conduit aux brèches, et dans le sol, il y a eu création de minéraux choqués et de cônes de pression. Depuis 200 millions d’années, le cratère a disparu en raison de l’érosion des sols mais une anomalie gravimétrique dans la région centrée sur le point d’impact confirme la fracturation du socle sur la zone concernée. Cette structure créée par l’impact d’une météorite géante s’appelle astroblème, du grec astron, astre, et blema, coup.

Actuellement, de très nombreuses recherches s’effectuent sur ce phénomène, en particulier sur la fragmentation ou non de la météorite. La notoriété de l’astroblème a permis de créer la Réserve naturelle nationale de l’astroblème de Rochechouart-Chassenon et le Centre international de la recherche sur les impacts et sur Rochechouart (CIRIR) [1].