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Patrice Courvalin
Professeur émérite à l'Institut Pasteur, département de microbiologie
Depuis le début de l'ère antibiotique dans les années quarante, les bactéries pathogènes pour l'homme ont évolué vers la résistance et, dans de nombreux cas, vers la multi- voire la pan-résistance. A l'inverse de cette évolution constante, durant les deux dernières décennies, la recherche en matière de découverte et de développement de nouveaux agents antibactériens a considérablement diminué. Ces tendances inverses ont entraîné une diminution importante des possibilités de choix thérapeutique.
Les mécanismes de résistance
Il en existe deux grands types :
- la résistance intrinsèque (ou naturelle), qui est la présence d'un mécanisme de résistance chez tous les membres d'une espèce ou d'un genre bactérien et qui définit le spectre d'activité d'un antibiotique,
- la résistance acquise, qui est la présence du mécanisme chez seulement certains isolats de la même espèce ou du même genre.
Les antibiotiques sont regroupés en classes (ou familles) sur la base de leur structure chimique. Les membres d'une classe sont des molécules étroitement reliées qui, généralement, possèdent le même mode d'action. Ils sont donc soumis au risque de la résistance croisée, c'est-à-dire qu'une bactérie résistante à l'un des membres de la classe sera résistante également à tous les autres membres. Le raisonnement en matière de résistance doit donc se fonder sur la classe d'antibiotiques plutôt que sur une molécule isolée.
Les bactéries ont développé quatre mécanismes majeurs de résistance :
- modification de la cible, qui conduit à la perte ou à la diminution de l'affinité de l'antibiotique pour sa cible,
- production d'une enzyme capable de neutraliser le pouvoir toxique de l'antibiotique,
- imperméabilité à l'antibiotique,
- efflux (ré-export) de l'antibiotique à l'extérieur des bactéries par des pompes qui requièrent de l'énergie.
L'objectif commun de ces divers mécanismes est d'empêcher l'interaction de l'antibiotique avec sa cible. Les mécanismes de résistance intrinsèques ou acquis ne sont pas différents sur le plan biochimique.
Le génome de la bactérie est constitué d'un seul chromosome et d'éléments génétiques accessoires : plasmide et transposon. Le chromosome contient toute l'information génétique requise pour le cycle de vie de la cellule bactérienne alors que, comme leur nom l'indique, les éléments génétiques accessoires portent des gènes qui ne sont pas indispensables bien que, dans certaines instances, ils puissent fournir un avantage décisif pour la survie de la bactérie hôte, telle la résistance aux antibiotiques. Le chromosome est hérité verticalement par la descendance de la bactérie alors que les éléments génétiques accessoires peuvent également être transférés horizontalement à d'autres bactéries. En conséquence, la résistance peut être de deux types : endogène ou exogène. La résistance endogène est le résultat de mutations dans des gènes chromosomiques ; elle ne se transmet pas de bactérie en bactérie, mais seulement dans la descendance, le chromosome n'étant pas transférable. A l'inverse, la résistance exogène est due au transfert horizontal (latéral) d'information génétique entre les bactéries par acquisition d'éléments génétiques mobiles.
Résistance endogène
La survenue de mutations chromosomiques est une voie efficace de résistance. Les mutations sont classiquement considérées comme rares, car elles surviennent à une fréquence basse, de 10-7 à 10-10. Cependant, au cours des infections chez l'homme, les populations bactériennes sont souvent importantes et en phase de croissance active, ce qui rend probable la survenue de ces mutations qui sont des erreurs lors de la réplication de l'ADN du chromosome. Ce type de résistance peut être secondaire à des modifications de la protéine cible de la bactérie (mutation qualitative) ou des mécanismes de régulation (mutation quantitative).
Les mutations qualitatives se produisent dans les gènes de structure qui dirigent la production des protéines qui sont les cibles des antibiotiques. Les mutations ainsi sélectionnées dépendent du mécanisme d'action de l'antibiotique et confèrent donc une résistance croisée à l'ensemble des membres de la classe.
Comme déjà mentionné, la résistance est utile seulement transitoirement et il est donc logique que l'expression des gènes responsables puisse être modulée dans le temps, c'est-à-dire ne s'opère que lorsque l'antibiotique contre lequel ils confèrent la résistance est présent dans l'environnement. C'est ainsi que les bactéries ont développé diverses façons d'exprimer la résistance de façon réversible. La régulation de l'expression des gènes de résistance est donc fréquente et représente un ajustement efficace entre l'économie d'énergie (nécessaire pour la résistance) et l'adaptation à un environnement aux changements rapides. Il existe divers mécanismes de survenue de ces mutations qualitatives et, de fait, la surexpression de nombreux gènes chromosomiques peut conférer la résistance aux antibiotiques.
Résistance exogène
Il y a trois niveaux de dissémination de la résistance selon le vecteur : bactéries (dissémination clonale), plasmides ou gènes. Ces divers niveaux de résistance, qui coexistent dans la nature et expliquent l'extraordinaire augmentation de la résistance chez les bactéries, sont non seulement infectieux (de mammifère en mammifère pour les bactéries, de bactérie en bactérie pour les plasmides, de réplicon en réplicon pour les transposons) mais également exponentiels dans la mesure où chacun est associé à la duplication de l'ADN.
La dissémination clonale est associée à la réplication du chromosome, la conjugaison plasmatique à un transfert réplicatif et la migration de gène avec la transposition réplicative.
L'évolution des bactéries vers la résistance est la résultante de deux événements indépendants, l'émergence et la dissémination. On ne peut rien faire contre l'émergence de la résistance, un événement qui survient par hasard, mutation ou transfert, et qui représente un aspect particulier de l'évolution bactérienne. La résistance existe donc potentiellement dans la nature, non seulement avant l'utilisation en clinique d'un antibiotique, mais également avant la découverte ou même la conception d'un nouvel antibiotique. La survenue de la résistance peut être un événement rare, même transitoire, s'il ne procure pas un avantage sélectif contre une molécule présente dans l'environnement.
Jeanne Brugère-Picoux
Professeur honoraire de pathologie médicale du bétail et des animaux de basse-cour (Ecole nationale vétérinaire d’Alfort), membre de l’Académie nationale de médecine, présidente honoraire de l’Académie vétérinaire de France
La fièvre charbonneuse ou charbon bactéridien (anthrax pour les Anglo-Saxons), due à Bacillus anthracis, est une zoonose qui affecte de nombreuses espèces animales, principalement les herbivores, et l’Homme. Les foyers sont généralement sporadiques en France (0 à 5 par an) mais parfois, il peut s’agir de véritables épidémies comme ce fut le cas en 2008 dans le Doubs et en 2016 en Moselle [1].
Depuis le 28 juin 2018, le département des Hautes-Alpes doit faire face à de nouveaux foyers (23 dénombrés au 25 août concernant 54 cas mortels ayant touché surtout des bovins mais aussi des ovins et trois équidés). L’origine des foyers est vraisemblablement la conséquence des circonstances météorologiques : automne 2017 très sec avec des sols fissurés puis premiers mois de l’année 2018 très pluvieux suivis par un été très chaud. Mais l’importance de cette anazootie [2] pourrait aussi avoir pour origine d’importants travaux réalisés pour l’installation d’une ligne haute tension [3] si beaucoup de terre a été déplacée. Les spores de B. anthracis peuvent persister longtemps dans un sol contaminé [4] mais, à l’occasion d’une modification de l’environnement, ces spores peuvent se retrouver à l’air et contaminer les pâtures et le foin (champs maudits) ou l’eau d’abreuvement. C’est pourquoi les herbivores sont les principaux animaux atteints. La viande, les farines d’os ou de sang ainsi que le lait provenant d’animaux malades peuvent être également contaminants. La pasteurisation du lait suffit pour éliminer tout risque de contamination à condition que le lait ait été réfrigéré tout de suite après la traite.
(© Ministère de l’Agriculture, Point de situation du 25/8/2018)
Chez l'Homme, une maladie peu fréquente mais une potentielle arme bactériologique
Chez l’Homme, 100 000 à 200 000 cas sont recensés par an par l’Organisation mondiale de la santé. En France, cette zoonose grave est peu fréquente et touche surtout certaines professions (éleveurs, vétérinaires, équarrisseur, etc.). L’Homme peut être contaminé accidentellement par voie cutanée lors du contact d’une plaie cutanée avec des produits provenant d’animaux infectés (laine, cuir, os, viande, sang). Outre ce charbon cutané (forme la plus fréquente avec plus de 90% des cas), il existe des formes plus graves comme un charbon pulmonaire suite à l’inhalation de spores, et un charbon digestif, conséquence de l’ingestion de produits animaux contaminés. Il a été aussi décrit un charbon par injection chez des sujets drogués. Le charbon pulmonaire est une forme rare et grave, rencontrée principalement chez les trieurs de laine et les tanneurs (maladie des chiffonniers et des cardeurs de laine).
Depuis que B. anthracis est classé dans les agents pouvant être utilisés dans le cadre du bioterrorisme, notamment par son utilisation sous forme de poudre pouvant être inhalée, le charbon humain est à déclaration obligatoire (depuis 2001) afin d’identifier la source d’exposition.
Enfin, si le charbon est transmissible à l’Homme, avec un taux de mortalité élevé en l’absence d’une antibiothérapie précoce qui permet d’éviter la formation de la toxine mortelle par la bactéridie, il ne s’agit pas d’une maladie contagieuse pouvant se transmettre d’une personne à une autre.
Chez les ruminants, une septicémie rapidement mortelle qui impose des mesures d'urgence
La fièvre charbonneuse, anciennement maladie réputée légalement contagieuse (MRLC) soumise à une déclaration obligatoire, est inscrite depuis 2011 sur la liste des dangers de première catégorie pour les espèces animales. Chez les ruminants, elle provoque généralement une septicémie rapidement mortelle. Parfois, elle peut être précédée par des troubles digestifs, avec présence de sang noir dans les selles, ou des troubles pulmonaires, avec un jetage mousseux de couleur rouille.
Il importe de ne pas autopsier un animal suspecté de charbon sur le terrain. Cette précaution élémentaire limite la dissémination de spores à partir de la carcasse et surtout, permet d’éviter une contamination humaine. L’autopsie pratiquée dans un laboratoire spécialisé ou à l’équarrissage permet de noter des lésions de septicémie, et surtout une hypertrophie de la rate, gorgée d’un sang noirâtre non coagulable (d’où le nom de « sang de rate » donné à la maladie). Le diagnostic différentiel concerne toutes les causes de mort subite au pré mais aussi le charbon symptomatique d’origine clostridienne. Des prélèvements de sang sur un animal agonisant permet de faire le diagnostic et d’éviter une autopsie [5].
Lors de l’apparition de la maladie dans un troupeau, il importe d’instaurer une vaccination d’urgence chez les ovins et les bovins pour éviter la survenue de nouveaux cas dans le foyer et les élevages voisins. Malheureusement, la quantité de vaccins disponibles (200 flacons permettant de vacciner 5000 bovins ou 10 000 ovins) fut insuffisante dès les premiers cas de mortalité observés dans les Hautes-Alpes, du fait de la fermeture au mois d’août du laboratoire espagnol distribuant ce vaccin. Cette vaccination est pourtant obligatoire et prise en charge par le ministère. Face à cette pénurie temporaire, le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation a dû solliciter les autres pays européens pour obtenir 21 000 doses bovines de vaccins supplémentaires. Un traitement (bêta-lactamines principalement) a été aussi mis en place. Il doit être très précoce (dès l’observation d’une hyperthermie) pour obtenir une diminution de la mortalité dans un troupeau où la maladie a été diagnostiquée.
Il est plus difficile de savoir si des ruminants sauvages ont pu être atteints dans ces foyers de charbon mais il faut souligner une absence de cas rapportés par le réseau SAGIR (Réseau de surveillance épidémiologique des oiseaux et des mammifères sauvages terrestres en France).
Dans le cas d’un risque de contamination humaine lors de l’apparition de foyers (notamment les éleveurs et les vétérinaires ayant été en contact avec des animaux malades ou des cadavres), il importe d’instaurer des mesures particulières de prévention (antibiothérapie).
Pour éviter à l’avenir d’autres cas de charbon dans les élevages, la vaccination préventive est efficace dans les zones contaminées et ce, pendant plusieurs années mais il est difficile de la préconiser systématiquement lorsque le risque n’est pas avéré, en raison de son coût. Ce risque est difficile à évaluer du fait de l’enterrement très ancien des carcasses charbonneuses et de la longue survie des spores dans le sol. C’est pourquoi l’avis de l’Anses du 7 juillet 2018 souligne l’intérêt d’un recensement officiel rétrospectif des champs maudits permettant d’évaluer ce risque.
(© Anses, Avis du 7 juillet 2018)
Dans ce contexte, on peut regretter que l’avis de l’Anses n’ait pas présenté dans son rapport de 54 pages les travaux publiés dès 1996 sur ce sujet par notre consœur Josée Vaissaire, sur les cas de charbon répertoriés en France entre 1980 et 1995 [6]. En effet, ce travail réalisé avec la collaboration des laboratoires vétérinaires départementaux soulignait déjà les difficultés rencontrées pour cette étude épidémiologique rétrospective car «les archives ne sont pas gardées plus de cinq ans, à l'heure actuelle, et il a fallu faire appel aux mémoires des scientifiques de laboratoire et du terrain ». Responsable du laboratoire national de référence (LNR) sur le charbon depuis plusieurs années [7], Josée Vaissaire devint la responsable du laboratoire associé au centre national de référence (CNR) du charbon de l’Institut Pasteur à partir de 2001. D’autres études lui ont d’ailleurs permis d’établir en 2001 [8] une carte des zones à risque en France répertoriant les cas humains et animaux observés entre 1980 et 2000. On pouvait y remarquer que le département des Hautes-Alpes était déjà répertorié, des cas étant apparus à l'été 1984 à la suite de travaux de creusement pour une adduction d’eau dans la commune d’Aspremont, à 23 km du foyer observé cet été à La Roche des Arnauds.
En conclusion
Une très grande vigilance s’impose car si le charbon est une maladie très ancienne dont l’incidence des cas humains a diminué grâce au développement des vaccins vétérinaires et à la mise en place des mesures de biosécurité pour les produits animaux importés, il est impossible d’éradiquer les sources de contamination permanentes représentées par les sols contaminés par les spores provenant d’animaux malades ou de leurs cadavres, et des cas peuvent réapparaître des décennies après. C’est pourquoi le charbon doit toujours faire l’objet du diagnostic différentiel des morts subites observées chez les herbivores, qu’ils soient domestiques ou sauvages.
Claudine Hermann
Présidente d'honneur de l'association Femmes & Sciences, présidente de la Plateforme européenne des femmes scientifiques (EPWS)
La délégation aux Droits des femmes de l’Assemblée nationale a publié en juin 2018 un rapport d’information Femmes et Sciences : l’urgence d’actions pour l’égalité réelle, dont les rapporteurs sont les députés Céline Calvez (La République en Marche) et Stéphane Viry (Les Républicains). Le document, très détaillé, est focalisé sur les sciences dites « dures », les travaux ayant montré des difficultés plus fortes dans ce secteur. Entre novembre 2017 et mai 2018, 32 personnes ont été auditionnées, de Françoise Barré-Sinoussi, prix Nobel, et Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale, aux représentantes d’associations de femmes scientifiques, ainsi que des responsables de structures institutionnelles sur ce sujet, des créatrices de start-ups et des chercheuses sur le genre. Par ailleurs une consultation citoyenne sur le thème des femmes et des sciences a été ouverte.
Le rapport propose des recommandations dans les domaines suivants :
- Lutter contre les stéréotypes de genre, au niveau de l’enseignement et de l’éducation ;
- Agir prioritairement à l’école et dans l’enseignement supérieur, au niveau de l’égalité entre filles et garçons, entre les femmes et les hommes, et à celui de l’orientation ;
- Renforcer les règles applicables au monde du travail, en particulier à travers la responsabilité sociale des entreprises, et développer le mentorat ;
- Promouvoir l’égalité et impliquer les hommes.
D’autre part, Cédric Villani, mathématicien et député, a réalisé un rapport au Premier ministre, Donner un sens à l’intelligence artificielle, dans lequel un chapitre est consacré à la diversité et en particulier à la place des femmes dans ce domaine car « pour relever les défis de l’intelligence artificielle, il nous faut nous appuyer sur l’ensemble de nos talents ». Or actuellement les femmes sont moins de 10% des élèves des écoles d’ingénieurs en informatique et des progrès sont à faire dans le secteur du numérique sur les conditions des carrières des femmes.
Le rapport sur les femmes et les sciences et celui sur l’intelligence artificielle ont été présentés le 28 juin 2018 lors d’une réunion conjointe avec les deux délégations aux Droits des femmes de l’Assemblée nationale et du Sénat, organisée par l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST).
A cette occasion, six femmes scientifiques ont commenté ces deux rapports, présenté leur point de vue sur la question Femmes et Sciences et suggéré des mesures pour améliorer la situation :
- Nathalie Carrasco, chimiste, enseignante-chercheuse au laboratoire Atmosphères, milieux, observations spatiales (LATMOS), prix Irène Joliot-Curie 2016 catégorie « Jeune femme scientifique » ;
- Christine Clerici, présidente de l’université Paris-Diderot, professeure en physiologie, membre du conseil scientifique de l’Office ;
- Maria J. Esteban, mathématicienne, directrice de recherche au CNRS, présidente de l’International Council for Industrial and Applied Mathematics (ICIAM) ;
- Claudine Hermann, présidente de la Plateforme européenne des femmes scientifiques (EPWS) et membre du Conseil d’administration de l’AFAS ;
- Hélène Morlon, mathématicienne du vivant, directrice de recherche au CNRS, prix Irène Joliot-Curie 2017 catégorie « Jeune femme scientifique » ;
- Anne-Lucie Wack, présidente de la Conférence des grandes écoles (CGE), directrice générale de Montpellier SupAgro (Institut national d'études supérieures agronomiques), membre de l’Académie des technologies.
Les députés ont insisté sur l’importance au plan national d’impliquer les femmes dans la recherche. Rendez-vous a été pris par la députée Céline Calvez pour dans un an, afin de faire le point sur les progrès qui auront été réalisés.
La vidéo de la réunion est disponible sur le site de l'OPECST.
Jeanne Brugère-Picoux
Professeur honoraire de pathologie médicale du bétail et des animaux de basse-cour (Ecole nationale vétérinaire d’Alfort), membre de l’Académie nationale de médecine, ancienne présidente de l’Académie vétérinaire de France
Depuis sa première identification en Afrique du Sud en 1959, le virus Usutu [1] (USUV), flavivirus proche du virus du Nil occidental, a progressivement envahi l’Europe au cours de ces deux dernières décennies. L’émergence de ce virus pouvant provoquer de fortes mortalités chez les oiseaux et transmis par des moustiques principalement du genre Culex spp. a été surtout remarquée en 2001 lors d'un taux de mortalité très élevé observé chez des merles noirs (Turdus merula) à Vienne en Autriche [2]. En fait ce virus avait déjà sévi en Italie en 1996 mais cette mortalité anormale chez des oiseaux sauvages n’avait pas fait l’objet d’un intérêt particulier. Mais entretemps, en 1999, le virus du Nil occidental (VNO) est apparu pour la première fois dans l’Etat de New York en provoquant une surmortalité importante chez des corneilles. Cette surmortalité considérée comme un «problème uniquement vétérinaire» avait été négligée par le centre de surveillance des zoonoses d’Atlanta (CDC [3]) avant que l’on ne découvre qu’il s’agissait d’une zoonose. Celle-ci a progressivement envahi l’ensemble des Etats-Unis, avec 1339 cas d’encéphalites ou de méningites humaines au 9 janvier 2018. Cet exemple de la propagation du VNO aux États-Unis (et dans les pays voisins) démontre l’importance qu’il faut accorder aux «animaux sentinelles» qui, par un taux de mortalité anormale, peuvent annoncer une maladie émergente menaçant l’Homme.
Actuellement, le virus Usutu sévit dans la majorité des pays européens, la France ayant signalé pour la première fois sa présence en 2015 [4]. Pendant l’été 2016, on a pu assister à une épizootie due à ce virus en Belgique, en Allemagne, en France et aux Pays-Bas (pays touché pour la première fois) [5]. Près de 62 espèces d’oiseaux africains ou européens peuvent être sensibles à ce virus, des oiseaux migrateurs comme le faucon crécerelle (Falco tinnunculus), la rousserolle effarante (Acrocephalus scirpaceus), la fauvette babillarde (Sylvia curruca), la fauvette grisette (Sylvia communes) ou le gobemouche noir (Ficedula hypoleuca)] étant suspectés d’avoir introduit le virus en Europe, alors que d’autres oiseaux comme la pie bavarde (Pica pica), le moineau domestique (Passer domestique), la poule (Gallus galas) et le merle noir seraient responsables de la dissémination du virus en Europe [6]. Mais il n’est pas exclu que certains réservoirs animaux jouent également un rôle dans l’épidémiologie de cette virose puisque le virus a été isolé chez la chauve-souris (Pipistrellus pipistrellus), le cheval, le chien, le cerf élaphe (Cervus elaphus) et, cette année, l’écureuil (Sciurus carolinensis) [7]. Une étude récente réalisée en Pologne a montré que sur 411 chevaux testés, 15% et 28% d’entre eux étaient porteurs d’anticorps sériques dirigés contre les virus VNO et USUV respectivement [8]. Dans cette étude polonaise réalisée aussi sur 14 oiseaux, 36% et 7% d’entre eux étaient porteurs d’anticorps sériques dirigés contre les virus VNO et USUV respectivement. Par ailleurs, la séroprévalence recherchée en Europe centrale chez les oiseaux de zoo s’est révélée très faible. Ce virus ne s’est pas révélé pathogène chez les volailles domestiques mais il l’est pour beaucoup d’autres espèces comme les merles, les passereaux, les chouettes, etc. Ainsi, on ne peut pas exclure que ce virus puisse être partiellement en cause dans la disparition actuelle de certaines espèces d’oiseaux sauvages en Europe. Chez les oiseaux malades, on peut noter une encéphalite, une dégénérescence du myocarde ainsi qu’une nécrose du foie et de la rate.
Risque zoologique
Alors que deux cas sporadiques avaient été signalés en Afrique en 1981 et en 2004, c’est surtout à partir de 2009 que l’on s’inquiète d’un risque de zoonose avec le virus Usutu du fait de sa présence dans quelques cas d’encéphalites ou de méningo-encéphalites humaines (12 cas en Italie suivis de 3 cas en Croatie en 2013). Des anticorps détectés chez des donneurs de sang (1,1% en Italie et 0,02% en Allemagne) montrent que l’infection peut aussi être asymptomatique. Le risque zoonotique en France a été suspecté en Camargue du fait de la présence du USUV chez 7% des moustiques Culex pipiens en 2016 [9]. C’est pourquoi le virus a été recherché, et trouvé, dans le liquide céphalorachidien (LCR) chez un malade atteint d’une paralysie faciale. Une étude réalisée sur des LCR stockés dans les hôpitaux de Nîmes et de Montpellier de mai à novembre 2016 a d’ailleurs démontré l’importance des arboviroses dans cette région du sud de la France (666 arboviroses, dont 277 méningites ou encéphalites et 233 troubles neurologiques). Ce rapport sur un cas aigu humain dû au virus Usutu en France et les données épidémiologiques montrent que l’affection peut être sous-estimée en Europe et qu’elle est peut-être plus importante que les infections dues au VNO.
En conclusion, le virus Usutu est devenu endémique en Europe en moins d’une vingtaine d’années. Il représente surtout un risque pour certains oiseaux sauvages mais le risque zoonotique est peut-être sous-estimé à l’heure actuelle car «on ne trouve que ce que l’on cherche».
Alain Delacroix
Ancien professeur titulaire de la chaire "Chimie industrielle - Génie des procédés" du Conservatoire national des arts et métiers
© Souvenir de Ferdinand de Lesseps et du Canal de Suez / Lebas Photographie Paris
L'isthme de Suez est depuis la nuit des temps un passage stratégique entre l'Asie, l'Egypte et les pays qui bordent la Méditerranée. Au temps des pharaons, un canal est déjà creusé et relie la mer Rouge avec un bras du Nil. Aristote cite un canal qui se déverse dans la mer Rouge et pense que ce serait Sésostris III, avant la guerre de Troie, qui aurait entrepris de creuser l'ouvrage. Hérodote, quant à lui, précise qu'il est alimenté par l'eau du Nil et que 120 000 Egyptiens périrent en le réalisant.
Ces informations ne sont pas confirmées par des textes ni des fouilles archéologiques. En revanche, on dispose de quatre stèles de granit érigées par le roi de Perse Darius Ier, qui montrent qu'il existe un canal entre le Nil et la mer Rouge 500 ans av. J.-C. Ce canal aurait duré jusqu'au VIIIe siècle et aurait disparu par manque d'entretien.
C'est Saïd Pacha et Ferdinand de Lesseps qui, poussés par les idées saint-simoniennes, vont relancer le projet de canal. Cependant, la Sublime Porte et l'Angleterre s'y opposent farouchement et, de plus, la différence de niveau potentielle entre la mer Rouge et la Méditerranée est une source d'inquiétude car la nécessité d'écluses plomberait l'entreprise. Malgré cela, Ferdinand de Lesseps, soutenu par l'empereur Napoléon III, va aller jusqu'au bout de son aventure humaine, financière et surtout technologique. En particulier pour ce dernier point, il fait l'hypothèse que la flotte internationale, constituée essentiellement de bateaux à voiles, va rapidement être remplacée par des bateaux modernes à vapeur, lesquels, en passant par le canal, vont gagner 8000 km sur la distance Londres-Bombay. Par ailleurs, pour le creusement, il va utiliser largement la nouvelle énergie qu'est la vapeur.
Napoléon III, ne voulant pas choquer les Anglais, donne son accord pour que l'entreprise soit une compagnie internationale sous l’autorité du Gouvernement égyptien. 21 000 souscripteurs, presque tous français, mettent la main à la poche, mais cela ne suffisant pas, l'Egypte va abonder 44% du capital.
Le canal, d'une longueur de 164 km, nécessite l'évacuation de 75 millions de mètres cubes de déblais. Au départ, les opérations se font de façon archaïque par 25 000 ouvriers égyptiens recrutés sous le régime de la corvée. Mais Saïd Pacha meurt en 1863 et son successeur Ismaël Pacha supprime la corvée, ce qui entraîne l'arrêt des travaux. François Philippe Voisin, le nouveau chef de chantier, va alors moderniser l'entreprise en employant les nouvelles méthodes du génie civil conduites en France. Des centaines de kilomètres de voies ferrées sont construites pour l'élimination des déblais et plusieurs machines sophistiquées pour l'époque sont employées. Alphonse Couvreux met en œuvre une excavatrice à godets brevetée en 1860, qui permet automatiquement de détacher des morceaux de roches et de les envoyer dans des wagonnets. Des dragues énormes sont imaginées par la société Borel Lavalley et Compagnie et réalisées par les constructeurs Goüin et les Forges et chantiers de la Méditerranée. L'ensemble de ces moyens est mû par la nouvelle énergie qu'est la vapeur. A l'Exposition universelle de 1867 à Paris, le pavillon de la Compagnie du canal de Suez présente ces machines innovantes.
© Archives nationales du monde du travail (Roubaix)
Après dix années de travaux et la mobilisation d’un million et demi de travailleurs égyptiens et internationaux, le canal est inauguré le 17 novembre 1869, en présence de l'impératrice Eugénie. Depuis, le canal a changé de main, après diverses vicissitudes politico-militaires, mais se développe toujours. En 2015, des travaux gigantesques doublent sa capacité. En 2016, 17 004 navires l'ont traversé alors qu'ils n'étaient que 486 en 1870.
L'exposition L'épopée du canal de Suez, des pharaons au XXIe siècle [1] à l'Institut du monde arabe, grâce, entre autres, aux archives du groupe Engie, héritier de la Compagnie de Suez, nous montre l'évolution de cette aventure passionnante qui a duré quatre mille ans.
Jeanne Brugère-Picoux
Professeur honoraire de pathologie médicale du bétail et des animaux de basse-cour (Ecole nationale vétérinaire d’Alfort), membre de l’Académie nationale de médecine, ancienne présidente de l’Académie vétérinaire de France
La revue du centre de contrôle (CDC) des maladies infectieuses d’Atlanta publie ce mois-ci [1] un article décrivant l’émergence d’une nouvelle espèce touchée par les maladies à prions : le dromadaire.
Depuis l’apparition de l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), de nouvelles souches de prions ont pu être observées (souches ESB atypiques de type L et H différentes de l’ESB classique ou ESBc, souches de tremblante atypique chez des moutons « résistants » à la tremblante, découverte de la maladie du dépérissement chronique (MDC) des cervidés en Norvège et en Finlande). Pour la première fois, une équipe de scientifiques algériens et italiens signalent la possibilité d’une infection par des prions chez le dromadaire (Camelus dromedarius). Celle-ci a été détectée à l’abattoir de Ouargla en Algérie et dénommée camel prion disease ou CPD (maladie à prion du chameau ou MPC).
Les examens ante mortem à l’abattoir avaient permis d’observer une augmentation des troubles neurologiques chez les dromadaires adultes. Les animaux présentaient des troubles du comportement (agressivité) et des difficultés locomotrices (cf. les vidéos insérées dans l’article de la revue du CDC [1]). Dans les élevages atteints, la maladie semble être apparue à partir de 1980 et évoluait vers un décubitus et la mort en 3 à 8 mois.
Les prélèvements réalisés sur trois dromadaires suspects et un autre apparemment sain (cerveau, nœuds lymphatiques) ont été analysés (immunohistochimie, western blot, analyse du gène PrP). L’examen histologique et histochimique a confirmé les lésions d’une encéphalopathie spongiforme due à un prion chez les trois animaux suspects. La protéine prion a été également mise en évidence principalement dans les nœuds lymphatiques cervicaux et préscapulaires. La protéine prion infectieuse (PrPres) est différente de celle de la tremblante classique ou de l’ESB (poids moléculaire plus élevé).
Parallèlement à ces analyses de laboratoire, une étude rétrospective a été réalisée sur les dromadaires ayant présenté des signes neurologiques à l’abattoir de Ouargla en 2015 (20 sur 937) et 2016 (51 sur 1322), soit 3,1% des dromadaires amenés à l’abattoir. Tous les animaux étaient âgés de plus de 8 ans. Ce taux de 3,1% peut sembler important pour cette maladie émergente. Pour les auteurs, il peut être considéré comme fiable d’une part, du fait de la découverte de la maladie chez les trois dromadaires suspects, et d’autre part, de la présence de la protéine prion dans les nœuds lymphatiques comme dans le cas de la tremblante et de la MDC, qui sont considérées comme transmissibles par la voie horizontale par l’intermédiaire de l’environnement mais aussi par la voie verticale.
Si une contamination iatrogène peut être écartée car il n’y a pas eu de programme de vaccination chez ces dromadaires, un risque de contamination d’origine alimentaire n’est pas exclu.
Face à l’émergence de cette maladie touchant une espèce d’élevage importante en Afrique et au Moyen-Orient, il importe maintenant d’évaluer son incidence dans les différents pays ainsi que le risque qu’elle peut représenter pour l’Homme.
Alain Foucault
Professeur émérite du Muséum national d'histoire naturelle (Paris)
La Düssel est une petite rivière qui conflue avec le Rhin dans la ville à laquelle elle a donné son nom : Düsseldorf. Un pasteur allemand du XVIIe siècle, Joachim Neander, aussi poète et compositeur, venait chercher la paix dans sa verte vallée, à l’endroit que, pour cela, on a appelé Neanderthal (aujourd’hui Neandertal, thal, ou tal, signifiant vallée). C’est justement là qu’en 1856 des ouvriers travaillant dans une petite grotte dite Feldhofer ont mis à jour une quinzaine d’ossements dont l’âge ancien a été rapidement admis et que l’on a rapporté à une nouvelle espèce d’homme : Homo neanderthalensis.
Parmi ces ossements, se trouvait une calotte crânienne qui ressemblait à celle d’un homme, mais dont certaines particularités, notamment des bourrelets sus-orbitaux saillants s’écartaient notablement de tout ce que l’on connaissait sur les squelettes de l’homme moderne et rappelaient ceux des singes. De longues polémiques s'en sont ensuivies, où pour certains il s’agissait des os d’un malade, pour d’autres quelque chose comme un homme-singe. Mais cette trouvaille isolée ne pouvait que difficilement donner lieu à des généralisations. Il en fut bientôt autrement lorsque se multiplièrent les découvertes de restes osseux comportant des crânes aux mêmes caractéristiques et, au vu de squelettes complets ou presque, on n’eut plus de doute concernant le statut décidément humain de cet homme de Néandertal.
Homme sans doute, mais homme primitif et, pendant longtemps, on a insisté sur son aspect brutal, sur « la prédominance de ses fonctions purement végétatives ou bestiales sur ses fonctions cérébrales » et sur le fait qu’il « représentait un degré de l’échelle humaine morphologiquement inférieur à tous les échelons de l’Humanité actuelle » (Marcellin Boule). Bref une brute inintelligente.
Depuis 1856, beaucoup de découvertes ont été faites qui ont montré que cet homme avait existé depuis 350 000 ans jusqu’à il y a quelque 35 000 ans, s’étant répandu sur toute l’Europe et au-delà jusqu’au Proche-Orient. Parallèlement, les idées le concernant ont évolué et l’on a été amené à réviser les mythes souvent négatifs qui s’y attachaient.
C’est à cette révision que se sont attachés les commissaires de l’exposition Néandertal L’Expo [1] qui se tient actuellement au Musée de l’Homme à Paris.
On apprend que Néandertal savait faire cuire ses aliments, pouvait se soigner avec des plantes, que, s’il habitait l’entrée des grottes, il savait aussi faire des constructions. On voit qu’il pouvait enterrer ses morts, qu’il fabriquait des outils variés, dont certains semblent faire penser à des préoccupations esthétiques.
Mais ce qui nous rapproche le plus de lui, c’est qu’il s’est métissé à notre espèce d’Homo sapiens. On a longtemps hésité à envisager cette possibilité, mais les progrès de la biologie moléculaire ont montré que l’ADN des hommes modernes, sauf en Afrique, pouvait comporter des restes de l’ADN de Néandertal. Pas beaucoup certes, mais quelques pourcents qui montrent qu’il peut compter parmi nos ancêtres. Ancêtre dont la disparition, il y a quelque 35 000 ans, a sa part de mystère.
Cette exposition tend ainsi à réhabiliter cet homme jadis décrié et nous fait sentir qu’en quelque sorte, il reste encore présent. Le parcours qu’elle propose est clair et aéré et des dispositifs interactifs ajoutent à son intérêt. Celui qui cherche l’authenticité appréciera la présence des originaux de fossiles rarement montrés au public, notamment la calotte crânienne découverte en 1856 et le crâne de l’homme de La Chapelle aux Saints.
En tout, une réussite qui mérite qu’on y consacre une visite.
Commissaires scientifiques : Marylène Patou-Mathis et Pascal Depaepe
L’AFAS a été membre fondateur du Collectif Innovation qui s’est créé avant les dernières élections présidentielles afin d’entendre les différents candidats sur la politique d’innovation qu’ils entendaient mettre en place s'ils étaient élus. L’objectif était alors de sensibiliser les candidats à la nécessité d’une politique nationale d’innovation ambitieuse !
Depuis l’élection, ce collectif a continué à se réunir pour évaluer les mesures prises et mettre en place un observatoire international des politiques nationales d’innovation.
Aujourd’hui, il se structure en un think tank indépendant, en signant un accord avec la Société d’encouragement pour l’industrie nationale afin de participer activement aux travaux en cours, en particulier pour le Grand plan d’investissement 2018-2022 en préparation par le Gouvernement.
Serge Chambaud
Président de l'AFAS
Création d’un think tank indépendant sur les politiques d’INNOVATION
1 - Débats et réflexions sur l’innovation s’intensifient et s’organisent pour se renforcer. C’est avec la volonté de créer une puissance de réflexion et de débat qu’Olivier Mousson, président de la SOCIETE D’ENCOURAGEMENT POUR L'INDUSTRIE NATIONALE, et Patrice Noailles-Siméon, délégué général du COLLECTIF INNOVATION ont signé ce jour un accord. L’objectif est d’organiser la fusion des activités des deux organismes dans le domaine de l’innovation pour constituer un pôle de réflexion et prendre part au débat du Grand plan d'investissement 2018-2022, mené par le Gouvernement, et participer à l’élaboration des futures réformes structurelles pour la compétitivité par l’innovation.
2 - Depuis 1801, la SOCIETE D’ENCOURAGEMENT œuvre au profit de l'industrie nationale et européenne. Elle encourage les bâtisseurs de l’industrie, transmet les savoir-faire, valorise le made in France et conserve la mémoire du patrimoine industriel. C’est ainsi qu’elle organise des débats, des réflexions, des formations et des opérations de valorisation dans son Hôtel de l’Industrie, site historique de la place Saint-Germain-des-Prés. Elle compte parmi ses membres de très nombreuses personnes morales et des personnalités du monde des affaires.
3 - Créé en 2016 par vingt associations impliquées dans le dispositif français d'innovation, le COLLECTIF INNOVATION développe un débat politique sur les voies et moyens qui feront de la France une société innovante de « niveau mondial ». C’est ainsi qu’il a organisé en 2017, l’audition de tous les candidats (ou leur représentant) dans les locaux et en partenariat avec la Société d'encouragement. Les associations membres du Collectif représentent plus d'un million de personnes actives dans les domaines de l’innovation et de la recherche.
4 - Olivier Mousson, président de la Société d'encouragement, et Patrice Noailles-Siméon, délégué général du Collectif, entendent constituer, ensemble, un pôle de réflexion indépendant d'envergure nationale, avec le programme suivant :
- Développer les Mercredis de l’innovation, des auditions mensuelles sur les politiques d'innovation en France, en Europe et dans le monde.
- Publier une Lettre hebdomadaire d'information sur l'actualité en matière de politique d'innovation et un fil d’informations sur les politiques d’innovation dans le monde.
- Organiser dès 2018 une rencontre annuelle sur les politiques d’innovation : les Assises de l’innovation, le 15 octobre 2018 à l’Hôtel de l’Industrie, avec l’ensemble des acteurs innovation européens, publics et privés, de l’écosystème des innovateurs français.
- Poursuivre l'activité de think tank des politiques publiques d'innovations, sur des grandes thématiques telles que les données personnelles ou les dynamiques d’une société innovante.
Olivier Mousson
HEC, docteur d’État en sciences économiques, Olivier Mousson a été membre de plusieurs cabinets ministériels, de Gérard Longuet au ministère de l’Industrie à Gilles de Robien au ministère de l’Équipement. Il est actuellement conseiller maître à la Cour des Comptes. Citoyen engagé, il est également secrétaire général du Mouvement européen France.
contact@industrienationale.fr - 06 10 78 63 37 - www.industrienationale.fr - @IndustrieFrance
Patrice Noailles-Siméon
Président de Seillans, Family Office (Investissement & Conseil). Fondateur et président de l’Institut Politiques & Technologies”, premier think tank français sur l’innovation (1985-1990). Ancien conseiller technique du ministre de la Recherche et de l’Enseignement supérieur (1986). Il est auteur de deux ouvrages sur l’innovation : De Gaulle et la technologie (1994 - préface de Stanley Hoffmann et avant-propos de Jacques Chirac) et L’innovation, valeur, économie, gestion (2008).
collectif.innovation2017@gmail.com - 07 82 23 32 65 - www.politiques-innovation.org - @ci2017.org
Jeanne Brugère-Picoux
Professeur honoraire de pathologie médicale du bétail et des animaux de basse-cour (Ecole nationale vétérinaire d’Alfort), membre de l’Académie nationale de médecine, ancienne présidente de l’Académie vétérinaire de France
Alors que l’on pensait que le rat brun (Rattus norvegicus) était surtout présent dans les égouts et les berges de nos fleuves ou de certains plans d’eau, les Parisiens ont pu constater une augmentation de leur présence dans les rues et les parcs en particulier du fait de la présence d’une nourriture facilement accessible (poubelles Vigipirate, aires de pique-nique avec des résidus de repas, eau ad libitum, etc.) mais aussi d’une modification de leur environnement (par exemple, une crue de la Seine). Paradoxalement, on peut constater que, face à cet animal considéré comme nuisible, nous avons assisté à un engouement pour cette espèce en tant que nouvel animal de compagnie (NAC), en particulier après le film Ratatouille représentant un rat brun en chef sympathique dans la cuisine d’un grand restaurant ! Mais qu’il s’agisse d’un rat sauvage ou d’un NAC, cette espèce peut transmettre de nombreuses maladies, le risque accru de contact entre l’animal sauvage et l’Homme pouvant varier en fonction de plusieurs facteurs.
En premier lieu, ce risque de zoonose peut être viral. Dans le cas d’une hantavirose, la contamination s’effectue principalement près des nids de rats par inhalation d’aérosols, le virus étant excrété par les urines. Il peut s’agir des virus Puumala, Tula ou Séoul, responsables respectivement d’une néphropathie épidémique, d’une hématurie ou d’une fièvre hémorragique avec syndrome rénal. Les sérotypes 3 et 4 du virus de l’hépatite E sont principalement hébergés par le porc mais ce virus, surtout dangereux chez la femme enceinte (25% de mortalité), peut être aussi présent chez d’autres espèces comme le rat, ou dans l’environnement, notamment près des élevages de porcs. En France, les rats peuvent être porteurs asymptomatiques du virus du cowpox, qui fut utilisé autrefois pour vacciner contre la variole humaine. La contamination humaine s’effectue par la voie cutanée, soit directement, soit indirectement par l’intermédiaire d’un chat. Rappelons aussi l’importation du virus de la variole du singe par des rats de Gambie importés d’Afrique vers les Etats-Unis en 2003 et ayant contaminé 71 jeunes enfants par l’intermédiaire de chiens de prairie (qui sont en fait des rongeurs utilisés comme NAC). Enfin, le rat peut être aussi porteur de l’arénavirus de la chorioméningite lymphocytaire, comme plusieurs rongeurs.
Les zoonoses d’origine bactérienne transmises par le rat seront plus fréquentes. C’est le cas en particulier de la leptospirose, maladie professionnelle qui peut se révéler grave chez les égoutiers ou les agriculteurs travaillant sur des terrains marécageux, mais il s’agit aussi d’une maladie de loisir lors d’une baignade dans une eau contaminée. La bactérie responsable, principalement Leptospira interrogans est présente dans les urines. Elle se transmet surtout par la voie transcutanée ou muqueuse (voie rhinopharyngée lors d’une baignade). Les salmonelloses d’origine animale sont des zoonoses majeures. Si la principale cause de salmonellose chez l’Homme en Europe est la consommation de Salmonella Enteritidis dans les œufs crus et les ovoproduits, les rats sont souvent la cause de la contamination des poulaillers ou de l’environnement de l’Homme en zone urbaine. Un autre risque souvent méconnu est la fièvre de la morsure du rat où la bactérie principalement responsable, Streptobacillus moniliformis, est un hôte habituel de la cavité buccale du rat. Cette maladie peut se révéler rapidement mortelle par septicémie en l’absence d’une antibiothérapie précoce. Il a été aussi montré en France que le rat pouvait contaminer, par l’intermédiaire de sa puce Xenopsylla cheopsis, des sans domicile fixe (SDF) avec des bartonelles (Bartonella elizabethae) et ainsi provoquer une rétinite et une endocardite. D’autres bactéries à l’origine d’une infection humaine, le plus souvent des toxi-infections, peuvent être véhiculées par le rat : Staphylococcus aureus méticillinorésistant, Staphylococcus pseudintermedius méticillinorésistant, Escherichia coli O157:H7, Mycobacterium bovis, Streptococcus pneumoniae, Campylobacter spp., Yersinia pseudotuberculosis et Clostridium difficile, sans que l’on connaisse l’importance du rôle joué par le rat dans les maladies humaines. Enfin, signalons que la puce du rat peut encore véhiculer dans certains pays les agents du typhus murin (Rickettsia typhi) et de la peste bubonique (Yersinis pestis).
En France, le rat est aussi impliqué dans des zoonoses parasitaires. Il peut être porteur d’un nématode, la trichine (Trichinella spiralis), qui provoque par ingestion une gastroentérite. Cette ingestion s’effectue par l’intermédiaire de la viande consommée crue ou insuffisamment cuite du porc (ou du cheval) ayant pu ingérer un rat parasité. Comme de nombreuses espèces, le rat peut être aussi réservoir des toxoplasmes (Toxoplasma gondii) et des cryptosporidies (Cryptosporidium spp.). Un autre nématode parasite du foie chez le rat, Capillaria hepatica (anciennement Calodium hepaticum) provoquera une capillariose hépatique. En milieu urbain, la contamination humaine résulte d’un défaut d’hygiène et concerne principalement les enfants pouvant ingérer des œufs de parasites présents dans l’environnement. Par ailleurs, une autre zoonose parasitaire, due à un cestode, Hymenolepis spp., à tropisme intestinal, n’est pas observée en France.
Enfin, comme pour de nombreuses autres espèces animales, le rat peut être porteur d’une teigne (Trichophyton mentagrophytes) sans montrer pour autant une lésion visible. La lésion chez l’Homme est circulaire, prurigineuse et nécessite un traitement antifongique.
En conclusion, l’observation de rats dans un environnement urbain, voire dans des habitations, représente donc une menace en santé publique justifiant de limiter le nombre de ces rongeurs nuisibles. Enfin, il importe de connaître aussi les risques liés au rat en tant que NAC pour de jeunes enfants.
Jeanne Brugère-Picoux
Professeur honoraire de pathologie médicale du bétail et des animaux de basse-cour (Ecole nationale vétérinaire d’Alfort), membre de l’Académie nationale de médecine, ancienne présidente de l’Académie vétérinaire de France
Dans un rapport de novembre 2017, l’Agence de sécurité alimentaire européenne (EFSA) présente les résultats de l’épidémiosurveillance des encéphalopathies spongiformes transmissibles (EST) animales en Europe ainsi que des résultats du typage génétique chez les ovins [1].
Ainsi, en 2016 :
- 1 352 585 bovins ont été testés dans l'Union européenne (5% de moins qu'en 2015). Si, la pour la première fois, le Royaume-Uni n'a signalé aucun cas d'encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), la France a détecté un cas classique, né après l’interdiction totale des farines animales en 2001, et trois cas atypiques (H). Seule l’Espagne a aussi déclaré un cas atypique (H). Ces cinq cas ont été découverts à l’équarrissage.
- 286 351 moutons et 110 832 chèvres ont été testés (respectivement 5% et 11% de moins qu'en 2015). La tremblante du mouton a été signalée par 20 États membres (685 cas) et la tremblante caprine par 9 États membres (634 cas). 25 cas de tremblante ovine ont été aussi signalés par l'Islande et la Norvège. La présence de la tremblante chez les petits ruminants reste stable, la tremblante classique (1175 cas) étant signalée plus fréquemment que la tremblante atypique (135 cas). Au total, 97,2% des cas de tremblante classique chez les ovins concernaient des génotypes appartenant au groupe sensible, et un échantillonnage aléatoire a montré que 26,6% des moutons testés possédaient des génotypes du groupe sensible (à l'exclusion de Chypre).
- Seule la Norvège a signalé cinq cas de maladie du dépérissement chronique (MDC) chez des cervidés : trois chez des rennes sauvages et deux chez des orignaux. Rappelons que c’était la première fois que cette maladie était signalée en Europe. La recherche d’une MDC dans sept Etats membres (2712 cervidés testés, dont 90% en Roumanie) s’est révélée négative.
- 490 animaux provenant d'autres espèces non ruminantes (principalement des chats) ont été testés dans quatre États membres différents, avec des résultats négatifs.
Ce rapport nous rappelle également les données épidémiologiques correspondant à la période 2001-2016 :
- Environ 115 millions de bovins ont été testés pour l'ESB dans l'Union européenne, avec une diminution marquée du nombre d'animaux testés suite à des amendements au règlement sur les EST où les tests à l’abattoir ont été diminués (en particulier de 20% en France, en Allemagne et en Pologne). Ainsi, l’âge limite pour les tests à l’abattoir est passé de 30 à 48 mois en 2009, puis à 72 mois en 2011. En 2016, de nombreux pays de l'Union européenne ne testent plus les bovins à l’abattoir (la France teste les bovins nés avant le 1er janvier 2002). Ces tests ont été au contraire augmentés chez les bovins à risque (71% des échantillons testés en 2016). Comme le cas français de 2016, il y a eu 60 cas d’ESB classique nés après l’interdiction renforcée des farines en 2001 (superNAIF) pendant cette période (fig. 1).
- A partir de 2002, environ 8,8 millions de petits ruminants ont été testés pour la tremblante dans l'Union européenne.
Enfin ce rapport souligne les modalités de l’épidémiosurveillance de la tremblante chez les petits ruminants, notamment pour la recherche d’une éventuelle (et peu probable) souche d’ESB classique (rappelons qu'on n'a découvert cette souche qu’une seule fois chez une chèvre en France, à une période où une contamination par des farines animales était encore possible). Le rapport souligne l’importance du typage signalant la susceptibilité génétique des ovins à la tremblante où les ARR homozygotes sont considérés comme résistants (sauf dans les cas atypiques) [2].
Le variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob
Rappelons que les cas primaires de variant de la maladie de Creutzfeldt-Jakob (vMCJ) attribués à la consommation de produits bovins sont de 228 (dont 27 en France). A ces cas primaires, il faut ajouter trois cas secondaires d’origine iatrogène (produits sanguins), observés au Royaume-Uni. Enfin rappelons la possibilité d’une seconde vague du fait d’un nouveau cas de vMCJ signalé en 2017 chez un Britannique hétérozygote, alors que tous les cas de vMCJ observés jusqu’alors étaient homozygotes (avec une plus courte durée d’incubation de la maladie).
La maladie du dépérissement chronique (MDC)
Cette maladie représente surtout un problème chez les cervidés élevés ou sauvages en Amérique du Nord. Elle a été identifiée dans 24 Etats aux Etats-Unis, deux provinces canadiennes, en Corée du Sud et en Norvège. Le risque zoonotique lié à cette affection n’a jamais été démontré formellement mais des mesures de précaution sont recommandées. La propagation de la maladie semble liée à une contamination de l’environnement (comme pour la tremblante du mouton). Récemment, Kramm et al. [3] ont montré que, par des méthodes d’amplification (protein misfolding cyclic amplification ou PMCA), il était possible de détecter le prion dans le sang de cervidés infectés pendant la phase précoce asymptomatique de la maladie. Cette méthode de détection s’est révélée efficace à 100% chez les sujets malades, à 96% chez les chez les sujets asymptomatiques où le prion est présent dans les nœuds lymphatiques et le tissu cérébral, mais seulement à 53% chez les sujets en phase d’infection très précoce où le prion n’est retrouvé que dans les nœuds lymphatiques. Selon les auteurs, ce travail peut permettre d’espérer dans l’avenir un test sanguin permettant de détecter en routine les cervidés atteints de MDC pendant la phase d’incubation.