Pierre Potier
Ingénieur
L’observatoire de l’astroblème de Charlevoix1 est un petit musée scientifique qui vaut le détour. Il est situé à La Malbaie, à 140 km au Nord de la ville de Québec, et il nous raconte une histoire extraordinaire, qui a bouleversé la région, et probablement la Terre entière.
Il y a 450 millions d’années (450 Ma), une énorme météorite de 4000 m de diamètre fonce droit sur la région de Charlevoix, à la vitesse de 70 000 km/h. L’impact produit une gigantesque onde de choc et la température devient extrême jusqu’à des centaines de km à la ronde. Les roches se liquéfient ou se vaporisent. La météorite elle-même est complètement désintégrée et disparaît. Un cratère de plus de 50 km se forme. Une « montagne centrale » surgit au point d’impact, centre du cratère. Tout s’est passé en quelques secondes. L’énergie mise en jeu correspond à des centaines de millions de fois celle de la bombée larguée sur Hiroshima.
Cet incroyable scénario d’apocalypse constitue le fil conducteur de notre visite. Une visite guidée, qui se fait en deux étapes.

En première partie, nous sommes conviés à un petit cours sur les météorites. Celles-ci proviennent en grande majorité de la ceinture des astéroïdes qui gravitent entre les orbites de Mars et Jupiter. A la suite de collisions, des astéroïdes de toutes tailles tombent en grand nombre sous l’attraction terrestre. La plupart se consument entièrement en traversant notre atmosphère, laissant une traînée blanche dans le ciel ; ce sont nos étoiles filantes. Les plus gros survivent à la traversée et atteignent notre sol, brûlés en surface. Ce sont les météorites. Le musée en expose de multiples fragments, découverts dans plusieurs coins du monde (Russie, Sahara), et d’origines diverses comme l’astéroïde Vesta. Le visiteur peut prendre dans ses mains ces cailloux venus du ciel : une expérience rare, et un moment particulier pour l’amoureux des sciences !

Maquette au 1: 25 000ème
Vue sur le cratère à moitié immergé
La deuxième partie de la visite est consacrée à l’astroblème de Charlevoix, et aux impacts météoritiques dans le monde. On appelle astroblème un vieux cratère d’impact déformé par l’érosion. C’est le cas du cratère de Charlevoix qui, depuis 450 Ma, a subi l’action de l’eau, des glaces, et des mouvements de la croûte terrestre et présente des contours incertains.
Une maquette à l’échelle 1 : 25 000 permet de comprendre la géologie très diversifiée de la région avant et après l’impact. A l’époque de l’évènement, la région était située dans l’hémisphère Sud ! : Le continent, appelé Laurentia, a ensuite dérivé jusqu’à sa position actuelle, à une vitesse qui correspond à celle de la croissance des ongles !
Aujourd’hui, la moitié du cratère est immergée sous les eaux du fleuve St Laurent. Son centre, point d’impact de la météorite, se situe à proximité du fleuve. Là se dresse le Mont des éboulements, à 768m d’altitude, une « montagne centrale » typique de ces cratères, l’une des mieux préservées au monde. Elle résulte d’un phénomène de rebond qui a suivi immédiatement le creusement du cratère.

Cônes de percussion de Charlevoix
Autour du point d’impact, on trouve des roches qui ont été fracturées selon des courbes caractéristiques d’une onde de choc. Ce sont les « cônes de percussion ». En découvrant plusieurs de ces cônes dans la région en 1966, le géologue Jehan Rondot en a déduit l’origine météoritique du relief de Charlevoix. Le visiteur peut observer de très beaux échantillons de ces preuves indiscutables de l’évènement. D’une façon plus générale, le Musée abrite une exceptionnelle collection d’impactites, ces roches créées ou modifiées par un impact de météorite.
Une vitrine est consacrée à la présentation de dizaines de cratères et astroblèmes remarquables dans le monde. Le jeune et petit Meteor Crater en Arizona (1 km de diamètre, 50 000 ans) a une forme parfaite. Le plus vaste astroblème du monde est en Afrique du Sud (300 km, et 2 000 Ma) ; Avec ses 54 km de diamètre, Charlevoix est en 11e place. L’astroblème qui a entraîné la disparition des dinosaures est au Mexique est beaucoup plus récent que Charlevoix (190 km, 66 Ma).

Félicia Corbeil-L’abbé, notre conférencière (passionnée et passionnante) et coordonnatrice des activités de l’Observatoire
La météorite de Charlevoix aurait-elle contribué à la grande extinction de la fin de l’Ordovicien (-450 Ma) qui concerne 85% des espèces sur Terre de cette époque? Des études sont en cours pour dater la chute de la météorite au million d’année près, et confirmer ou non cette hypothèse.
Autre sujet d’étude : le lien possible entre la météorite et l’activité sismique de faible amplitude mais de fréquence exceptionnelle (tous les deux jours) que connaît la région.
L’observatoire de l’astroblème de Charlevoix est un remarquable outil de vulgarisation des sciences, qui reçoit quelque 8000 visiteurs par an. Sa visite est plaisante et on en ressort avec la sensation d’être plus savant qu’en y entrant ! Par l’originalité de son sujet et la clarté des présentations, ce musée captivera toute personne qui cherche à mieux comprendre le monde qui nous entoure.
- Informations pratiques : https://astroblemecharlevoix.org/ ↩︎
Pierre Potier, visite en septembre 2025