Les membres de l’Afas publient régulièrement des notes de lectures. Elles sont à retrouver ici.
Denis Guthleben
(Dunod, 2018, 352 p. 22€)
Ce recensement des inventions n’est pas le premier du genre, c’est un exercice difficile car il impose de faire des choix. Déjà l’auteur se limite à des inventions, qu’il distingue clairement des découvertes dans son introduction. Après consultation, le lecteur fera inévitablement des remarques du genre : « Et pourquoi pas la fourchette, l’aspirateur et le fil à couper le beurre ? », mais ça, c’est la loi du genre.
L’auteur, sans le dire explicitement, se limite à des objets physiques, excluant pour l’essentiel les produits chimiques : colorants, polymères, isolants électriques..., ainsi que les objets médicaux : stéthoscopes, scanner... Là encore, c’est un choix et il fallait bien en faire.
Chaque invention, chaque biographie, fait l’objet d’un rapport en deux pages. Clairement, Denis Guthleben s’est bien documenté, on ne relève pas d’erreur flagrante, mais ce choix des deux pages l’oblige à se limiter à son point de vue d’historien, ce qu’il est précisément. Il aurait été intéressant de savoir comment fonctionne tel appareil ou tel engin, comme par exemple l’égreneuse à coton ou la machine à coudre, mais cela aurait pris beaucoup de place et nécessité des schémas. Un choix fait, encore un...
La présentation est chronologique, ce qui fait apparaître la fabuleuse (cf. le titre) accélération des technologies au cours des âges, accélération rendue possible par les échanges d’objets et de savoir-faire. Il n’est justement pas fait mention de l’invention de l’écriture, mais sur un tel sujet, tenir en deux pages aurait vraiment été un challenge !
Quelques révélations à noter : le savon (un produit chimique, tiens !) a été créé 2000 ans avant notre ère par les Mésopotamiens et les Égyptiens – ça devait décaper ; le calendrier, 3000 ans avant notre ère, sujet complexe ayant fait l’objet de nombreux ouvrages ; le stylo à bille, lancé par le baron Bich juste avant la dernière guerre, partage avec la fermeture à glissière la caractéristique d’être assez simple à imaginer, le challenge étant de le produire à bas coût, mais le livre ne parle pas d’usines.
Bref, quand on lit ce livre, on a une quantité d’idées sur la manière dont on pourrait le compléter et c’est peut-être ce qui fait son grand intérêt.
Philippe Henarejos
(Belin, 2018, 512 p. 26€)
Une description précise et détaillée des missions Apollo 8 à 17, qui ont vu six alunissages et la marche de douze hommes sur la Lune !
Cette épopée Apollo est finalement mal connue et la moisson considérable d'informations collectées sous-évaluée, du moins par le grand public.
L'exploit réalisé, tant au plan scientifique que technique et humain, devait être raconté et c'est ce que fait Philippe Henarejos, avec de nombreuses anecdotes savoureuses, des témoignages exclusifs et plus de 300 photographies, dont un bon nombre quasiment inconnues.
Un livre passionnant et magnifiquement illustré : un cadeau évident à offrir pour les fêtes à tous ceux qui s’intéressent aux aventures humaines.
Valérie Chansigaud
(Buchet-Chastel, 2018, 256 p. 20€)
« L’écologie est un peu comme le sexe : chaque génération aime à penser qu’elle est la première à la découvrir » (The Times, 1989). Il n’y a aucun risque de tomber dans ce travers après avoir lu le livre de Valérie Chansigaud, historienne des sciences, qui a placé cette accroche en exergue de son ouvrage. On y découvre en effet trois siècles d’histoire de ces combats pour la nature, riches d’évènements, de débats, de courants d’idées, très variés et finalement peu connus du grand public.
Ces combats ne se limitent pas à la défense des petits oiseaux et débordent souvent sur les questions de modèle de société. L’auteure a organisé son récit selon des thèmes : la démographie, le progrès technique, le lien avec la nature, la société de consommation, la pollution, les moyens d’action. C’est à un défilé impressionnant de penseurs en tous genres (une centaine !) que nous sommes conviés, dont quelques figures inattendues comme T. Roosevelt, R. Gary, ou le pape François !
Valérie Chansigaud présente ses sujets avec l’objectivité d’une historienne mais elle nous donne aussi son opinion personnelle, ce qui donne à l’ouvrage un intérêt supplémentaire. Prenons l’exemple de la démographie : le sujet était déjà d’actualité en 1679, lorsque le Hollandais Leeuwenhoek, découvreur du spermatozoïde, calculait le nombre d’humains que la Terre pouvait supporter. Puis Malthus est arrivé avec ses fameuses lois et ses terribles mesures pour l’éradication des pauvres, en opposition avec les Lumières, tels Godwin et Condorcet. Depuis, le sujet revient régulièrement, avec quelques best-sellers, et en 2017, dans l’appel des 15 364 scientifiques pour alerter l’opinion sur la détérioration de l’environnement, l’accroissement de la population est clairement nommé comme un facteur de risque. V. Chansigaud ne semble pas d’accord : « Certains parlent de solidarité tout en nourrissant le rêve de voir se réduire la population humaine », ironise-t-elle, et elle affirme qu’il n’y a pas aujourd’hui de consensus scientifique sur cette question. Le vieux débat se poursuit.
Sur le sujet du progrès, l’auteure s’oppose clairement aux nostalgiques de la Préhistoire (certains voient réellement la Préhistoire comme un âge d’or !). Elle est du côté de ceux, aujourd’hui rares, déplore-t-elle, qui favorisent le progrès technique. De même, elle refuse de suivre ceux qui condamnent d’un bloc la société de consommation, laquelle « est à la fois subie et voulue ».
Elle montre l’évolution historique des luttes vertes (défense de la nature vierge) vers les luttes marron (contre la pollution). Les premières ont été l’apanage des classes aisées alors que les secondes, plus récentes, concernent l’ensemble de la société. On apprend que la première dénonciation de produits toxiques dans la consommation date de 1933, et que c’est le livre de Rachel Carson, en 1962, qui a conduit à l’interdiction du DDT en 1972. V. Chansigaud narre l’incroyable odyssée du navire-poubelle Khian Sea qui finira par se décharger en haute mer. Et elle nous conte l’édifiante histoire de la lente contamination au mercure de la baie de Minamata au Japon, qui a fait 1700 morts. La société chimique a nié sa responsabilité durant les 36 ans où elle a rejeté son mercure, tout en constituant sa propre équipe de scientifiques, qu’elle contrôlait. Elle a bénéficié de l’appui de l’administration et des syndicats. C'est ce qui explique in fine l’ampleur du drame.
Notons l’analyse de l’auteure sur ceux qui propagent aujourd’hui le scepticisme environnemental. Elle estime que les scientifiques « semeurs de doute » qui en sont à l’origine sont largement minoritaires, rarement évalués par leurs pairs contrairement à la science à laquelle ils s’opposent, et disposant de moyens importants, « soutenus par des think tank dotés par des fondations et des entreprises ».
En conclusion de son ouvrage, V. Chansigaud fustige les écologistes purs et durs pour qui la défense de la nature est une fin en soi. « Mesure-t-on vraiment ce qu’il y a à gagner lorsqu’on troque la main invisible du marché pour la main invisible de la nature ?». Sa ligne directrice est le progrès social, indissociable, selon elle, du combat pour la nature.
Un livre passionnant et utile pour tout humaniste, favorable ou adversaire de l’écologie, parce que la résolution des problèmes d’aujourd’hui ne peut se faire sans l’éclairage du passé.
Gabriel Perlemuter
(Flammarion, 2018, 272 p. 17,90€)
Si l’on est concerné par ce sujet, c’est un livre que l’on ne quitte pas. Simple, accessible, mais présentant des informations scientifiques et médicales très actuelles.
Les 20 chapitres sont introduits par un schéma anatomique du foie et de ses rapports avec l’intestin et le pancréas, utile car peu de personnes situent correctement cet organe.
Le foie est l’organe le plus important de notre organisme au niveau métabolique et possède une capacité exceptionnelle, celle de régénérer, mais à condition de le garder en bonne santé.
Les explications, conseils et recommandations donnés tout au long de l’ouvrage le permettront car, attention, il existe très peu de médicaments pour soigner cet organe. Les aliments délétères sont nombreux surtout si les quantités sont importantes : trop de fructose, trop de mauvaises graisses, trop d’alcool, mais attention aussi au pamplemousse (avec l’effet inhibiteur des furanocoumarines sur les capacités d’épuration du foie) et au millepertuis (avec l’effet inverse d’activation et d’élimination trop rapide de certains médicaments, d'où par exemple un risque de grossesse sous pilule contraceptive).
J’ai particulièrement apprécié le chapitre 3 sur « le rythme du foie », le chapitre 8 sur « le sexe du foie » avec la présentation du rôle protecteur des estrogènes (pour les femmes non ménopausées) et le chapitre 13 sur « les virus amoureux du foie » (avec cette fabuleuse histoire du virus de l'hépatite C, découvert en 1989 et pour lequel les nouvelles molécules arrivées en 2013 ont permis la guérison de près de 100% des malades et laissent espérer une éradication dans la dizaine d’années à venir).
Un chapitre spécifique (chapitre 20) est consacré aux prébiotiques et aux probiotiques et leur action sur la flore intestinale. Le Pr Perlemuter revient plusieurs fois dans son ouvrage sur le microbiote intestinal et son rôle dans l’organisme, en lien avec celui du foie.
Catherine Cuenca
(L'Harmattan, 2018, 420 p. 39€)
Cet ouvrage était attendu car jusqu'à présent, aucune publication ne permettait une vision historique du patrimoine scientifique et technique, depuis les cabinets de curiosités du XVIIe siècle jusqu'à nos jours.
Catherine Cuenca décrit le passage des collections aux musées avec le rôle essentiel joué par l'esprit des Lumières et la création des grands établissements scientifiques, puis la modernisation de la société et son industrialisation, qui entraînent la multiplication des collections et des musées. Ensuite, après la seconde guerre mondiale naît la notion de politique de la culture, qui n’appréhende quasiment pas les sciences et les techniques. Il faudra attendre les années 1970-1980 pour que, dans le sillage de la politique d'information scientifique et technique, la politique de culture scientifique et technique trouve enfin sa place. Dans ce contexte naît une prise de conscience de l’intérêt de sauvegarder le patrimoine scientifique et technique et la nécessité d'élaborer une véritable politique de sauvegarde.
Cet ouvrage est agréable à lire et superbement illustré, à lire absolument pour qui s’intéresse aux objets scientifiques et techniques et à leur conservation.
Brian Fox et Jeff Forshaw
(Dunod, 2018, réédition poche, 270 p. 8,90€)
Les auteurs nous convient à une promenade historique, partant de l'hypothèse de Max Planck expliquant le rayonnement lumineux des corps chauds par les quanta, à travers les multiples découvertes du XXe siècle qui nous amènent aujourd'hui à ce qu'ils appellent l'univers quantique : univers dans lequel nombre de théories apparaissent comme étranges et déroutantes mais décrivent cependant parfaitement la plupart des phénomènes physiques connus, et même ont permis des avancées technologiques majeures.
Les explications sont claires et précises, des analogies pédagogiques permettent d'approcher les notions dérangeantes de la physique quantique.
Il reste que la lecture de ce livre nécessite une réelle motivation, surtout si l'on est non physicien. Mais au bout du compte, cet effort est justifié car il permet d'approcher une des plus belle conquête de l'esprit scientifique.
Cyril Verdet
(CNRS Editions, 2018, 281 p. 28€)
Ce livre de Cyril Verdet, professeur de physique au lycée Stanislas à Paris et chercheur associé de l’Observatoire de Paris est préfacé par Michel Blay, directeur de recherche émérite du CNRS.
Il ne s’agit pas d’un livre de physique mais de l’ouvrage d’un pédagogue sur la physique. Le lecteur n’y trouvera pas les formulations mathématiques habituelles mais des analyses historiques et conceptuelles. Après une introduction portant sur l’objet de la physique (rendre compte de la nature) et sur sa mathématisation au cours de l’histoire, sont médités les moyens utilisés par la pensée pour développer cette science : l’abstraction, la mesure, la conservation, la loi, l’ordre déductif et la théorie. Ces méditations sont, chacune, accompagnées d’extraits de deux textes anciens relatifs au sujet traité. Leurs choix témoignent de la large culture de l’auteur.
A propos de l’abstraction il est nécessaire de remarquer que si le physicien prétend à l’objectivité, il ne focalise son attention que sur certaines facettes de la réalité : son observation implique en fait une certaine décision, qui ne retient que ce qui mérite d’être consigné.
Quant à la mesure, c’est un acte de comparaison qui permet d’associer une valeur numérique à une grandeur qui peut l’admettre. L’extension à des grandeurs intensives est traitée dans un texte provenant de L’évolution de la mécanique (Joanin, Paris, 1903) de Pierre Duhem.
L’additivité des grandeurs extensives, qui a permis les débuts de la mathématisation de la physique, suppose la conservation des grandeurs des parties quelles que soient les conditions de lieu et temporelles.
La notion de loi, qui est due à R. Descartes (1633), est analogue à celle de règle de F. Bacon (1620). Il faut être conscient de la confusion fréquente entre proportionnalité de deux grandeurs et relation de causalité.
Toute proposition doit, d’une part, satisfaire à la logique de la chaîne déductive dont elle procède et, d’autre part, être vérifiée expérimentalement.
Si, au XIXe siècle la Mécanique analytique (Courcier, Paris, 1811) de J.L. Lagrange, entièrement fondée sur l’analyse mathématique, a souvent servi d’exemple en France pour développer des théories dans d’autres branches du savoir, en Grande-Bretagne des modèles ont été fréquemment utilisés.
Ces questionnements philosophiques sont souvent absents des manuels et des réflexions des professionnels de la physique, ce serait pourtant un moyen pour intéresser à cette culture ceux qui trouvent rébarbatives les prouesses de calculs.
Sous la direction de Marie Gaille
(CNRS Editions, 2018, 384 p. 25€)
Il s’agit d’un ouvrage collectif écrit sous la direction d’une philosophe, directrice de recherche à l’unité Sphère du CNRS, et destiné à comprendre le lien entre une pathologie et sa cause environnementale. Cet ouvrage s’intéresse plus spécifiquement aux maladies dont l’émergence est associée sur un mode causal à un ou plusieurs éléments présents, parfois de façon imperceptible, dans le milieu de vie des personnes affectées. La quête d’une preuve lors de pathologie environnementale est une opération complexe et contingente. C’est pourquoi les auteurs apportent des clés de compréhension des controverses et des enjeux faisant l’objet souvent d’une actualité alarmante, qu’il s’agisse des particules nocives dispersées dans l’air, des zones d’habitation souillées par des déchets toxiques, des revêtements intérieurs nuisibles à la santé, des perturbateurs endocriniens…
Les exemples sont nombreux et chacun des 10 chapitres démontre le risque lié à notre l’environnement : comment prouver la pollution de l’air intérieur, risque environnemental selon la localisation géographique (terrain, cartes), l’évaluation toxicologique de notre environnement pour la santé humaine, l’éco-épidémiologie, la notion de sound science (science sensée ou saine), les effets indésirables des médicaments (dont le cas du Mediator), le maxi-procès d’Eternit à Turin (2009-2014), de l’incertitude scientifique à la causalité juridique (l’evidence-based-medicine, ou médecine basée sur les preuves, n’est pas toujours suffisante pour démontrer une causalité et affirmer, en droit, l’existence d’un dommage permettant d’exiger une compensation), le dernier chapitre démontrant par des exemples les difficultés rencontrées lorsqu’il s’agit de conclure juridiquement à une causalité lors d’une pathologie environnementale.
Dans cet ouvrage, nous découvrons avec intérêt les conditions difficiles de l’expertise lorsqu’il s’agit des pathologies environnementales, et l’ensemble des données disponibles sur ce sujet sont rarement réunies dans un seul recueil.
Sous la direction de Geneviève Anhoury
(Flammarion, 2018, 288 p. 19,90€)
Belle idée que celle de Geneviève Anhoury d’inviter des chercheurs à se livrer sur leur métier et sur eux-mêmes. Six hommes, six femmes, d’horizons variés, certains très connus, d’autres un peu moins : le médecin chercheur Jean-Claude Ameisen, le psychanalyste François Ansermet, la virologue Françoise Barré-Sinoussi, l’économiste Agnès Bénassy-Quéré, la psychologue Nicola Clayton, le physicien Stéphane Douady, la primatologue Jane Goodall, la généticienne Edith Heard, le philosophe et physicien Etienne Klein, l’assyriologue Cécile Michel, le neurologue Lionel Naccache et l’astrophysicien Hubert Reeves.
Chacun dispose de vingt pages pour décrire ses recherches, mais aussi son parcours, ses émotions, ses combats, ses croyances et ses principes de vie. Evidemment, et c’est l’un des intérêts du livre, on retrouve des points communs dans ces témoignages : la joie de découvrir, de transmettre, le rôle des mentors, le rôle trompeur de l’intuition, l’importance du hasard (la fameuse sérendipité), l’obligation de douter, le courage de savoir faire le pas de côté, de tout reprendre à zéro…
La condition des femmes dans la recherche apparaît sous une lumière crue : selon F. Barré-Sinoussi, la femme doit faire beaucoup plus que l’homme pour être reconnue. On n’écoute tout simplement pas les femmes, constate A. Bénassy-Quéré. Les femmes renoncent plus vite à leur métier de chercheuse, regrette E. Heard.
Ce livre permet de découvrir des personnalités hors du commun et nous donne des coups de projecteur privilégiés sur leurs disciplines. En voici quelques exemples.
On est saisi par le fort engagement personnel de F. Barré-Sinoussi, prix Nobel de médecine 2008, pour la cause du sida : « Vivre pour moi ne m’intéresse guère. C’est en vivant avec les autres et pour les autres que je trouve de l’intérêt à ma propre vie ».
On découvre le personnage extraordinaire de N. Clayton, qui mène de front trois activités professionnelles : la psychologie expérimentale à Cambridge, l’étude de la cognition des oiseaux et la danse. Elle évoque en termes sensuels la parade amoureuse de corbeaux, qu’elle compare à un couple dansant le tango !
Et l’on aime l’émotion ressentie par S. Douady devant une dune de sable (« Regarder une dune, c’est percevoir cet équilibre des forces qui s’est fait avec le temps ») tout autant que sa haine des jardins !
On est impressionné par le parcours de J. Goodall qui, pour toute formation, a suivi des cours de secrétariat, avant de passer sa vie à étudier les chimpanzés. Elle a fondé l’institut qui porte son nom et créé un réseau mondial d’éducation écologique de 150 000 groupes dans 100 pays.
E. Klein rappelle que l’intuition peut être mauvaise conseillère : non seulement pour l’homme de la rue, par exemple sur la course du soleil ou la chute des corps, mais aussi pour les scientifiques, comme Cantor sur les infinis ou Planck sur les quanta, lesquels ne croyaient pas à ce qu’ils avaient découvert.
Le texte de C. Michel est l’un des plus intéressants du livre : elle nous fait partager l’excitation de décrypter des tablettes cunéiformes que personne n’a lues depuis 4000 ans, et être la première à entrer dans un nouveau monde par le biais de l’écriture ; elle a réinventé la technique de l’écriture cunéiforme, et elle organise des ateliers d’écriture dans les écoles !
J.-C. Ameisen explique comment une cellule peut, en se suicidant, se sacrifier au profit de la collectivité.
F. Ansermet prédit, de façon un peu provocatrice, que les marginaux de demain seront les hétérosexuels qui procréent quand ils veulent, sans diagnostic prédictif.
Tout comme F. Ansermet, L. Naccache parle de la plasticité du cerveau, qui ne reste jamais le même. Il nous apprend que « toute perception est une construction, résultat d’un ballet entre conscient et inconscient ».
Ce ne sont là que quelques-unes des multiples perles que l’on découvre au hasard de ces douze rencontres. Laissons à H. Reeves le mot de la fin, que chacun des douze chercheurs pourrait s’approprier : « La réalité du monde est si fantastique et si mystérieuse que je ne vois pas de plus bel objectif dans l’existence que d'avoir envie d’en percer tous les secrets ».
Emmanuel Petiot
(Débats Publics, 2018, 224 p. 18€)
Depuis la découverte des super-bactéries résistantes aux antibiotiques, ce n’est pas la fin des antibiotiques mais, comme le souligne l’auteur (directeur général de la société française Deinove luttant contre les résistances aux antibiotiques), la possibilité de découvrir d’autres antibiotiques, témoignant des possibilités d’innovation des chercheurs et notamment des chercheurs français.
Pour l’auteur, cette innovation est à portée de main à condition d’agir, et la première leçon est de retenir l’obstination et la sagacité (et parfois la chance) des chercheurs d’hier ayant permis les grandes découvertes (en particulier les vaccins). C’est le processus de la sérendipité (faculté de découvrir par hasard et sagacité des choses que l’on ne cherchait pas). Les exemples présentés par l’auteur sont nombreux dans différents domaines.
L’objet principal de ce livre est de combattre la résistance aux antibiotiques. On peut regretter d’apprendre que 80% des antibiotiques sont actuellement produits dans des pays où les conditions d’hygiène sont peu suivies (Inde, Chine). Par exemple les laboratoires pharmaceutiques indiens peuvent rejeter dans leurs eaux usées des doses très importantes d’antibiotiques, favorisant l’apparition d’une antibiorésistance.
Enfin, l’auteur présente surtout sa société et son approche innovante pour lutter contre les antibiorésistances, qui pourrait l’amener à une success story française. Il souligne aussi dans ce contexte les problèmes rencontrés pour la recherche en France et la difficulté des collaborations public-privé.