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Christophe Galfard
(Éditions Albin Michel, 2025, 22,90€)

Christophe Galfard se donne l'ambitieux projet de nous faire comprendre ce qu'est la vie, comment elle est apparue et si d'autres êtres vivants existaient ailleurs dans l'Univers.
Pour commencer, nous assistons aux différents débats historiques qui ont jalonné le 18ème et le 19ème siècle durant lesquels de nombreux scientifiques ont tenté de décrire et de classifier le vivant : Lamarck, Wallace, Darwin... Période qui a vu s'imposer la loi de l'évolution par sélection naturelle et la description de l’histoire de la vie par l'arbre du vivant .
Ensuite, il nous entraîne dans un voyage extraordinaire pendant lequel nous assistons à la naissance de la Terre, à son développement, à ses différentes phases jusqu'à nous jours, et nous voyons ce qu'il advient à chaque étape du vivant : des premières algues aux dinosaures, en passant par les insectes géants, jusqu'à nos jours.
La suite de l'aventure se déroule au sein du corps humain, où nous découvrons les différents éléments et mécanismes qui entrent en œuvre pour faire fonctionner le corps humain : la cellule, les ARN, l'ADN, les nucléotides A, T, C et G, la mitochondrie, les chromosomes... En parallèle de ce voyage au plus profond de notre organisme, Christophe Galfard nous fait comprendre comment l'étude de ces processus permet aux chercheurs de s'approcher de la compréhension de l'origine de la vie.
Enfin, ce livre se termine sur une réflexion sur la possibilité de l’existence de la vie ailleurs dans l’espace.
La lecture de ce livre de plus de 500 pages se fait très facilement car d'une part Christophe Galfard nous entraîne dans une véritable aventure exaltante au cœur de l'espace et au plus profond du corps humain et d'autre part ce livre est écrit avec un langage simple pour expliquer des processus complexes qui deviennent ainsi accessibles à tous.
L'auteur donne ainsi accès à une somme considérable de connaissances au plus près de l'état de l'art de la recherche, en fait une synthèse passionnante qui permet à tout un chacun d'éclairer son questionnement naturel et fondamental sur les origines de la vie, son fonctionnement et sa place dans l'Univers.
Serge Chambaud
Jean Dalibard
(CNRS Éditions, 2025, 9€)

Jean Dalibard est physicien, grand spécialiste des atomes froids, «mais vraiment très froids» insiste-t-il. De fait, on parle de températures proches du zéro absolu (-273°C). Son livre est une visite guidée d’un monde étrange dont il pointe d’emblée un paradoxe : La température d’un corps n’est rien d’autre que la mesure de l’agitation désordonnée de ses atomes. Refroidir, c’est donc freiner les atomes, jusqu’à les immobiliser. On s’attend à aboutir à un monde figé où plus rien ne se passe. Rien de tel ! On découvre une physique très riche, où émergent des phénomènes nouveaux, régis par la physique quantique.
L’intérêt pour la matière froide est lié à Louis De Broglie, qui postule, en 1925 une idée révolutionnaire : à toute particule matérielle (électron, atome, molécule) est associée une onde. L’observation de cette « onde de matière » exige que la particule soit très lente et donc très froide. Refroidir pour mieux observer (puis manipuler), tel est le point de départ de cette physique du froid.
Comment refroidir la matière ? Paradoxalement, en la bombardant avec des lasers. L’atome est freiné par le choc qu’il subit lorsqu’il absorbe un photon. A température ambiante, un atome s’agite à 400 mètres par seconde. Par des coups successifs de laser judicieusement frappés dans les trois dimensions, on peut pratiquement le figer. Les atomes sont alors englués dans la lumière : la première «mélasse optique» fut créée à Stanford en 1985. Avec son équipe, Jean Dalibard a apporté des améliorations substantielles à cette technologie, tels le «Sisyphe atomique» et le «piège magnéto-optique», qui prédominent actuellement dans les laboratoires du monde.
Avec des atomes refroidis et piégés, on a pu mettre en évidence l’onde De Broglie, en s’inspirant de Thomas Young. En 1801, celui-ci avait prouvé, avec élégance, que la lumière est une onde, en la faisant passer par deux fentes parallèles. Les deux faisceaux de lumière ainsi formés s’additionnent et forment un réseau de franges sombres et claires d’interférences, signature indiscutable de la présence d’une onde.
En reproduisant, presque deux siècles plus tard, cette expérience avec des particules, on s’est réservé quelques surprises de taille. On fait tomber les atomes lentement, en chute libre, un par un ; chaque atome passe par l’une des deux fentes et illumine un point sur l’écran, situé 10 cm sous les fentes. Certaines régions de l’écran ne sont jamais impactées et restent sombres. Peu à peu, on voit apparaitre des franges d’interférence. Si l’on bouche une fente, les franges disparaissent et l’écran devient uniformément allumé. Résultat étonnant : lorsque l’atome traverse une fente, on dirait qu’il «sait» si l’autre fente est ouverte ou fermée, puisque sa trajectoire en dépend. Et, deuxième surprise : si l’on place un détecteur pour savoir par quelle fente passe chaque atome, les franges disparaissent aussi ! Tout se passe comme si l’atome passait «en même temps» par les deux fentes, à condition de ne pas être observé ! On dit qu’il est en état de «superposition» (fente A + fente B). Quoique incompréhensible, ce concept est fondamental dans toute la mécanique quantique. Cette expérience a été choisie comme la plus belle de la physique dans un sondage de physiciens.
L’auteur aborde nombre d’autres merveilles de son monde des atomes froids. Citons le condensat de Bose-Einstein prédit en 1925 et observé en 1995 ; les «tourbillons quantiques», qu’il compare à des microcyclones, un de ses «plus beaux souvenirs de recherche» ; la simulation quantique de phénomènes complexes comme la supraconductivité.
L’application la plus médiatisée de la matière froide est l’ordinateur quantique. Celui-ci est basé sur le qubit ou bit quantique (atome, ion, photon) qui se trouve, comme l’atome des fentes de Young, «en même temps» dans deux états. Il est aussi basé sur l’intrication qui lie de façon irrémédiable les états quantiques de deux objets, quelle que soit la distance qui les sépare. L’ordinateur quantique réalise tous les calculs possibles en parallèle mais ne donne qu’un seul résultat. Si l’on recommence le calcul, on aura un résultat différent. C’est un défi pour les informaticiens qui doivent exploiter la distribution statistique des résultats. C’est aussi un défi pour les physiciens pour maintenir le stock de qubits tout au long du calcul car l’état de superposition a tendance à vite se brouiller. L’auteur décrit les solutions de trois start up françaises pour produire des qubits fiables. L’ordinateur quantique est encore loin de concurrencer l’ordinateur classique, mais c’est une aventure qui mérite d’être tentée, car les performances envisagées sont fabuleuses, du fait du parallélisme des calculs.
Jean Dalibard utilise un langage simple pour ses raisonnements et la description des expériences. La seule équation du livre est celle de l’onde de De Broglie. Des sujets aussi complexes ne peuvent évidemment pas être expliqués en profondeur en 85 pages. Mais le livre est une introduction captivante à l’un des domaines les plus prometteurs de la physique, et il apporte un nouvel éclairage, toujours bienvenu, sur la mécanique quantique.
Pierre Potier
François Bertin
(Éditions L’Harmattan, 2025, 27€)

Voici un témoignage très intéressant au sujet d’une période charnière de la diplomatie scientifique à la française, entre 1975 et 2005. Soucieuse de son influence extérieure et consciente de l’importance croissante de la science dans les échanges culturels, économiques et techniques, la France sortait de la période où elle avait envoyé, partout dans le monde, un très grand nombre de volontaires du service national pour enseigner ou coopérer. A l’instar de quelques grands pays étrangers, le Ministère des Affaires Etrangères décida qu’il fallait doter un nombre croissant de ses ambassades d’un système de Conseillers et/ou Attachés scientifiques. Ils seraient chargés de conduire une politique de recrutement de jeunes candidates et candidats à une formation supérieure scientifique en France, d’organiser des échanges temporaires de chercheurs, d’animer des programmes conjoints de recherche sur des sujets d’intérêt et de compétence communs, notamment par la création de laboratoires mixtes, et aussi d’information des organes scientifiques français sur l’avancement des recherches scientifiques et technologiques dans le pays d’accueil (naturellement, le dosage entre ces différents outils dépend fortement du pays d’accueil).
François Bertin a consacré quarante années de sa vie à cette ambition. Enseignant-chercheur à l’Université UCBL de Lyon, il a d’abord accepté un poste d’enseignant à l’Université St Joseph de Beyrouth, puis des postes de diplomatie scientifique, alternant des séjours à l’étranger avec des retours de ressourcement scientifique en France.
Après une introduction générale, son livre raconte ses expériences professionnelles et parfois personnelles dans les divers pays où il successivement vécu : Liban, Irak, Thaïlande, Iran, Etats-Unis, Tunisie, ainsi que les pays dans lesquelles il a effectué de nombreuses missions : Egypte, Nigéria, Vietnam, Maroc, Algérie, Libye. Cela se lit comme un roman, car à côté des difficultés rencontrées et des succès remportés sur le plan professionnel, il ajoute des épisodes piquants. Par exemple, il raconte comment son poste d’attaché scientifique à Téhéran est créé à la hâte en 1991 parce que le Président Mitterrand souhaite aller dans cette ville résoudre le différend ancien sur l’emprunt français conclu avec le shah pour la construction d’Eurodif. Le poste a été maintenu bien que le voyage soit annulé à la suite de l’assassinat en France de Chapour Bakhtiar, inaugurant des relations diplomatiques scientifiques entre les deux gouvernements.
Quel bilan retire François Bertin de sa vie de diplomate scientifique ? Sur le plan personnel, sa vie a été passionnante. Il a rencontré énormément de personnalités scientifiques de premier plan, en France et dans ses divers pays d’accueil. Par exemple, à la fin de sa carrière, il a secondé le Professeur Guy de Thé, Président de l’Académie Européenne des Sciences, pour des programmes de formation dans les pays en développement. Avec d’autres, il a monté une coopération scientifique, voire créé des laboratoires mixtes, à l’instar des départements des Energies renouvelables et de la télédétection à l’Asian Institute de technologie de Bangkok, l’institut de recherche dont le rayonnement s’étend sur toute l’Asie.
Pendant son parcours, il n’a pas cessé de plaider pour le développement des postes de diplomatie scientifique, encore trop souvent parents pauvres des services culturels de nos Ambassades (en moyenne dotés d’un tiers seulement du budget culturel de ces postes). Cependant, pour ceux qui seraient tentés par l’exemple de sa carrière, François Bertin avertit : la fonction de diplomate scientifique exige des ressourcements réguliers dans des postes de recherche et/ou d’enseignement en France, pour mettre à jour des compétences dans des domaines scientifiques en évolution rapides. Négliger cela rendrait le diplomate scientifique rapidement reconnu par ses interlocuteurs comme déclassé.
Notons enfin que la fonction de diplomate scientifique évolue. Ainsi, François Bertin n’a pas beaucoup traité de la coopération scientifique multilatérale, en particulier à travers l’Union Européenne et son programme de PCRD, dont l’importance est croissante. La collaboration entre ambassades et représentations de l’Union Européenne ne s’organise que lentement.
Rémy Lestienne







