Roger Mansuy
(Éditions Albin Michel, 2025, 24,90€)

Les mathématiques sont partout ! Dès son introduction l’auteur Roger Mansuy, professeur en classes préparatoires au Lycée Saint Louis, rappelle cette perception commune que, sans les mathématiques, les percées technologiques qui imprègnent nos modes de vie ne sauraient exister.
Tout en reconnaissant cette évidence, Roger Mansuy adopte dans ce livre un point de vue original pour nous montrer que les mathématiques sont partout et pas seulement dans l’innovation, qu’elles font partie intégrante de notre culture et interagissent avec tous les domaines des activités humaines.
Livre original sous plusieurs aspects. Tout d’abord par l’adoption de la forme d’almanach qui permet de couvrir pas moins de 367 sujets, l’auteur n’ayant pas ignoré le 30 février qui a effectivement existé. Un fait historique ou contemporain se trouve ainsi illustré pour chaque jour de l’année.
Pour chacun d’eux, la curiosité du lecteur est attirée par un titre intrigant, suivi d’une entrée en matière qui situe en quelques lignes l’énigme, le paradoxe mathématique ou l’anecdote historique du jour, et enfin un développement d’une page qui en révèle toute la saveur.
Les pages de l’almanach sont indépendantes, ce qui permet au lecteur de les parcourir en toute liberté. Il y découvrira un foisonnement de sujets finement choisis à travers époques et continents, tous en lien avec des aspects très inattendus des mathématiques.
L’auteur s’y révèle à la fois chroniqueur au style humoristique, historien chevronné et bien sûr passionné de mathématiques. La variété des thèmes abordés est impressionnante. Faisons quelques incursions dans ce trésor de découvertes :
- Le 23 novembre est le ‘’Fibonacci day’’ chez les anglo-saxons. En effet en décomposant cette date du 11/23 en 1, 1, 2, 3 apparaissent les premiers termes de la suite dite de Fibonacci. Et nous voilà transportés en 1202, dans un ouvrage écrit par Leonardo Fibonacci, dit de Pise, qui traitait de la reproduction des lapins et où apparaît cette suite devenue célèbre bien plus tard.
- Sous le titre étrange ‘’Le Moine et son Réseau’’ on découvre Marin Mersenne, religieux de l’ordre des Minimes. Il est le véritable centre d’un réseau d’échanges épistolaires entre les savants les plus actifs du XVIIème siècle dont Descartes, Fermat, Huygens et Pascal. Précurseur des plateformes modernes de diffusion de publications scientifiques, il n’en a pas moins œuvré lui-même en acoustique, mécanique et arithmétique. Aujourd’hui encore, trouver les nombres premiers de Mersenne est un difficile enjeu de recherche.
Comme il est rappelé sous l’intitulé ‘’Théorème de Marion’’ le rôle des femmes dans l’évolution des mathématiques a longtemps été minimisé, voir rendu invisible. L’auteur corrige cette injustice par de multiples exemples démontrant la place particulière qu’elles ont tenu dans l’histoire, grande ou petite, des mathématiques :
- Dès 1750, le pape Benoît XIV propose à Maria Gaetana Agnesi de devenir professeure de la prestigieuse université de Bologne, en récompense de ses travaux en calcul différentiel et intégral.
- L’appellation ‘’Identité de Sophie Germain’’, évoque la mathématicienne qui a laissé sa trace dans plusieurs manuscrits à propos de la résolution d’un exercice sur les nombres entiers, soumis aux Olympiades Internationales de mathématiques de Roumanie en 1969.
- Par ses travaux de 1961, connus sous le nom de ‘’Hypothèse de Robinson’’, l’américaine Julia Robinson a inspiré en 1970 le jeune mathématicien Youri Matiiassevitch dans la résolution du ‘’dixième problème de Hilbert’’, posé par celui-ci en 1900, au Congrès International des mathématiciens.
Chaque sujet est une source d’étonnement. Il suffit de se laisser entraîner à la découverte par l’ensemble des titres mystérieux, rappelés dans la table des matières. Parmi les pépites on apprend que le secrétaire de Trotski était logicien, que Bailly, mort guillotiné, a été le seul maire de Paris mathématicien, que les traités d’Archimède ont été découverts en grattant l’encre d’un vieux parchemin, que le mathématicien turinois Faà di Bruno a été béatifié et que Sylvestre II a été un pape mathématicien en l’an 999.
Agrégé et docteur, le professeur Roger Mansuy déploie dans ce livre des talents remarquables d’historien et de conteur au service de cette noble discipline, que les amateurs d’énigmes mathématiques ou d’anecdotes historiques sauront certainement apprécier.
Jean-Claude Richard

