Une coopération scientifique et technique accrue entre la France et l’Inde ?

Dominique Leglu

Ancienne directrice éditoriale à Sciences & Avenir – La Recherche


Avant la tenue, en 2026, de l’« Année franco-indienne de l’innovation », un atelier sur les perspectives à venir d’une coopération scientifique, technique, culturelle… accrue entre les deux pays s’est déroulé à Paris le 5 mai, lors duquel ont été rappelés « la capacité innovante considérable » de l’Inde et le souhait présidentiel français de tripler le nombre d’étudiants indiens en France d’ici 2030. L’Inde, qui consacre moins de 1% de son PIB à la R&D « a besoin de jeunes talents », a souligné Sanjeev Singla, ambassadeur d’Inde en France depuis le début d’année 2025. L’AFAS était présente à cet atelier.

La relation franco-indienne est un « îlot de stabilité » et il y a « convergence de stratégie » sur l’Indo-Pacifique. Déclaration de Thierry Mathou, ambassadeur de France en Inde, à l’ouverture le 5 mai 2025 à Paris de « L’Atelier Inde », intitulé « Explorer le potentiel du marché indien à travers l’innovation », auquel l’AFAS a pu participer (1). Déclaration empreinte d’optimisme, à l’heure des combats au Cachemire entre l’Inde et le Pakistan, qui faisaient l’actualité inquiétante de fin avril-début mai 2025.

Dominique Leglu (Afas) en ouverture de l’atelier @BuisnessFrance

L’intention des intervenant(e)s, aussi bien de l’IFRI (Institut français des relations internationales) que de la DG Trésor, d’Airbus, du groupe Thalès, de Bouygues, Alstom ou Schneider Electric, d’InVivo (agriculture), France Museums etc. était de se projeter vers un avenir de coopération possiblement accrue, sachant qu’en 2026 doit se dérouler « l’année franco-indienne de l’innovation ». Année où l’on verra également l’Inde, qui connaît une très forte croissance économique (+6,6% en 2024) et investit massivement dans le numérique, accueillir un nouveau sommet mondial sur « la sécurité de l’Intelligence artificielle », après celui qui s’est tenu en février 2025 en France (2).

Les thèmes retenus pour cet atelier ont, de fait, de quoi faire travailler et coopérer nombre de spécialistes, depuis les scientifiques de domaines fondamentaux (lire encadré sur la coopération scientifique) jusqu’aux ingénieurs et commerciaux pour la fabrication et distribution d’équipements ou de produits : « Aéronautique et spatial » (3), « Santé, bien-être et alimentation », « Environnement et énergie », « Industries culturelles et créatives ». L’innovation pouvant être comprise sous toutes ses formes, scientifique, industrielle, économique, culturelle, sociétale…

L’Inde gigantesque (on disait jadis sous-continent indien), pays aujourd’hui le plus peuplé de la planète avec plus d’1 milliard 4 d’habitants, a « une capacité innovante considérable » selon l’ambassadeur français. Modulant son propos, il a fait néanmoins remarquer qu’en matière de « R&D, il n’est pas encore un géant, y consacrant moins de 1% de son PIB » (4). Mais « il y a besoin de jeunes talents », insiste de son côté Sanjeev Singla, ambassadeur d’Inde en France. Et de rappeler qu’il est souhaité (5) une multiplication par trois du nombre d’étudiants indiens en France, aujourd’hui de 10 000, pour le faire passer à 30 000 en 2030. De fait, la société indienne est très jeune, moyenne d’âge de 29-30 ans, « le pays investit dans son éducation, 3,5% du PIB », et compte devenir « la 3ème économie mondiale en 2030, contre sa place de 5ème actuellement ». « Plus de 100 licornes » se sont montées ces dernières années dans la « deeptech et l’agritech », ajoute Sajeev Singla, qui était jusqu’en décembre 2024 ambassadeur en Israël. Il est clair qu’il reste « beaucoup à faire dans le domaine agricole », sachant que 60% de la population demeure toujours à la campagne, me faisait remarquer récemment le Français Guillaume Wadia, jeune professeur associé, récemment embauché par l’université d’Ahmedabad, co-fondée par Pankaj Chandra, ancien directeur de l’Institut indien de management de Bangalore, auteur du remarqué « Building universities that matter » (éd. Orient Black Swan ; non traduit en français).

Walid Benzarti, Olivia Calvet-Soubiran, Dominique Leglu, Suresh Latchoumanassamy Bruno Duret, et Yannick Marin Isambert lors de la table ronde Aéronautique & spatial @BuisnessFrance

C’est ainsi que lors de l’atelier, Edouard Piens, directeur de la stratégie et de l’innovation d’InVivo (300 000 agriculteurs français en coopératives) a insisté sur tout le travail à mener quand « il y a à traiter avec des milliers d’agriculteurs » de toutes petites parcelles. Notamment dans le bassin céréalier de l’État du Rajasthan, où il s’agit de « trouver les meilleures variétés d’orge, adaptées aux ravageurs, aux sols, au changement climatique » pour produire de la bière ou du whisky. A noter, ce qui n’est pas toujours connu, que « les trois premières malteries mondiales sont françaises », précise Edouard Piens.

On aura aussi remarqué, dans le champ culturel, l’implication française dans la réalisation à New Dehli face au palais présidentiel, d’un « Musée National d’envergure » sur pas moins de 140 000 m². L’entreprise requiert « ténacité, diplomatie, écoute », selon Hervé Barbaret, directeur de l’agence France Museums, qui rappelle l’expérience acquise avec la réalisation du musée du Louvre-Abu Dhabi. Mais aucune date d’ouverture n’a été précisée.


[1] Organisé par Business France, le Club de Paris des directeurs de l’innovation et la Chambre de Commerce et d’Industrie franco-indienne (CCIFI). L’autrice de cet article a modéré les tables rondes. https://event.businessfrance.fr/atelier-inde/
[2] Après la Corée en 2024 et le Royaume-Uni, qui a organisé en 2023 le premier sommet sur « la sécurité de l’IA ». A lire ici 
[3] Où la coopération est déjà très forte, entre agences spatiales et dans le domaine de la défense où l’Inde a confirmé en avril 2025 l’achat de 26 avions Rafale, commande s’ajoutant à une précédente de 36 Rafale, ainsi que la commande de sous-marins.
[4] La France consacre 2,2% de son PIB à la R&D
[5] Déclaration du président Emmanuel Macron en janvier 2024


Pour en savoir plus :
Institut français en Inde : https://www.ifindia.in/contact-us/. L’attaché de coopération scientifique et universitaire, M. Philippe Maurin, est basé à Mumbai.
CNRS : https://india.cnrs.fr/ Le site détaille les collaborations et annonce les événements à venir