Notes de lecture

Les membres de l’Afas publient régulièrement des notes de lectures. Elles sont à retrouver ici.

Pierre Bessière, Yohan Colombié-Vivès (illustrations)

(EDP Sciences, 2021, 60 p. 19€)

 
La grippe. Un virus, des canards et des hommes (P. Bessière, EDP Sciences)Un format et une présentation de bande dessinée pour ce livre, au propos très scientifique, sur la grippe. Cette maladie est connue voire décrite depuis longtemps : la première description écrite d’une grippe et d’une possible pandémie d’origine grippale remonterait à 1510 à Modène en Italie.

L'ouvrage est écrit par Pierre Bessière, docteur vétérinaire et enseignant chercheur en infectiologie et virologie à l’Ecole nationale vétérinaire de Toulouse, et illustré par Yohan Colombié-Vivès, architecte devenu illustrateur.
Le contenu scientifique est dense, riche, écrit de façon très pédagogique, et présenté en sept chapitres accompagnés d’un glossaire organisé par thématiques. Les chapitres, d’une dizaine de pages chacun, traitent : «Des virus : des microbes pas comme les autres», «Les virus influenza : des virus respiratoires», «La bataille entre notre corps et les virus influenza», «Des champions de la mutation», «Du point de vue du médecin», «Des virus loin d’être propres à l’homme», «Au XXIe siècle, il fait bon être un virus».

Le texte est écrit autour des illustrations (parfois assez sommaires comme pour la lutte de l’organisme contre un virus), avec quelques rares photographies de microscopie électronique. Certains chapitres sont plus rédigés que d’autres, pour exemple celui sur le point de vue du médecin versus celui sur les virus influenza. Le livre est accessible à des lecteurs ayant déjà, il me semble, une bonne culture scientifique en sciences biologiques.

Cet ouvrage est surprenant car par son aspect, il ne laisse pas deviner la densité des informations données, la richesse des explications des mécanismes physiologiques et des phénomènes pandémiques.

Une inévitable envie de comparaison avec le Sars-CoV-2 et la pandémie actuelle s’en dégage ; aussi le dernier chapitre, «Au XXIe siècle, il fait bon être un virus», et le mot de la fin montrent en quoi les activités humaines quotidiennes sont lourdes de conséquences.

Laurent Chambaud

(Hygée Editions, 2021, 72 p. 8€)

 
Covid. Une crise qui oblige (L. Chambaud, Hygée Ed.)Au début, on s’étonne devant ce petit livre de seulement soixante-douze pages, en très petit format (11 x 18 cm), sur un sujet aussi important que la crise de la Covid-19.

En fait, tout est dit dans cette analyse par Laurent Chambaud, médecin de santé publique et directeur de l’Ecole des hautes études en santé publique de Rennes, de cette crise sans précédent où l’on peut juger de ses aspects sanitaires, économiques, sociaux et sociétaux. L’auteur s’interroge sur notre modèle économique et souligne qu’il faut savoir informer sans déformer et infantiliser. Pour lui, nous sommes tous maintenant épidémiologistes avec l’avalanche de chiffres et de mots rappelant notre situation alarmante, où certains ont même utilisé des termes évoquant une situation de guerre. Il analyse les erreurs de gestion de cette crise hors norme dans le domaine de notre santé et les défis à relever dans ce domaine pour notre monde d’après.

Ce livre est loin des écrits où les menaces sanitaires font parfois l’objet d’hypothèses peu crédibles car présentées par des «scientifiques» ne connaissant pas parfaitement les aspects vétérinaires ou médicaux de ces menaces, prenant souvent à tort l’exemple de la «grippe aviaire», ce qui n’est pas le cas dans ce livre. Au contraire, il nous engage à nous interroger sur notre conception de la santé et à redécouvrir le sens du terme souvent galvaudé pendant cette pandémie, celui de la «santé publique».

Jean Lilensten, Marina Gruet, Frédéric Pitout, Joao Pedro Cadhile Marques

(De Boeck Supérieur, 2021, 240 p. 25€)

 
Météorologie de l'espace (J. Lilensten, De Boeck Supérieur)28 août 1859 – Des phénomènes stupéfiants se produisent sur l’ensemble du globe : des aurores boréales apparaissent à Cuba, Mexico, Hawaï ; les relais du télégraphe morse américain s’enflamment ; les boussoles s’affolent ; un éclair fulgurant jaillit du Soleil.
4 août 1972 – Des dizaines de mines marines explosent spontanément au Vietnam ; les réseaux électriques et de télécommunications américains sont perturbés ; on observe des aurores boréales en Espagne.
13 mars 1989 – Le réseau électrique du Québec s’effondre, privant d’électricité cinq millions de personnes durant neuf heures.

Ces évènements ont été provoqués par une activité violente et imprévisible du Soleil. Dans le monde hyperconnecté d’aujourd’hui, ces «sursauts» solaires sont un véritable risque planétaire, que l’OCDE estime à égalité avec... les pandémies ! (2011).

Pour tenter de comprendre et de prédire ces caprices solaires, une nouvelle discipline scientifique a été inventée, la météorologie de l’espace, dont ce livre constitue une introduction.

Les quatre auteurs, tous acteurs de la discipline, nous présentent la physique du Soleil, du magnétisme terrestre et des aurores boréales. Quelques grandes lignes :

  • Le Soleil produit son énergie par fusion nucléaire et l’irradie dans l’espace pour notre plus grand bien. Mais il se pare également de taches périodiques, émet un «vent solaire» continu de particules électriquement chargées (électrons, ions) à 370 km/s, et peut, lors de sursauts, expédier ses particules à 10 000 km/s !
  • La Terre est protégée de ces vents solaires dangereux par sa «magnétosphère» qui l’enveloppe de son champ magnétique sur 60 000 km. Plus près de nous, à une altitude de 50 à 600 km, l’ionosphère contient de l’atmosphère raréfiée et des couches d’électrons qui réfléchissent les ondes électromagnétiques.
  • Dans certaines conditions, des particules du vent solaire réussissent à traverser le bouclier de la magnétosphère et excitent les atomes de l’ionosphère (oxygène, azote), lesquels se «désexcitent» en émettant des rayonnements lumineux. Ce sont les aurores boréales, aux multiples couleurs et de formes souvent mouvantes (draperies, rideaux, arcs).
  • En cas de sursaut violent, la magnétosphère se comprime, entraînant des variations fortes du magnétisme terrestre, les «orages magnétiques».

L’ensemble de ces mécanismes s’avère d’une «étourdissante complexité» et garde son lot de mystères. Les auteurs racontent les étapes qui ont permis d’en arriver là depuis cinq siècles : une histoire passionnante avec ses héros, leurs traits de génie ou leurs erreurs.
Citons-en trois épisodes :

  • Le grand physicien anglais Lord Kelvin se fourvoie à deux reprises à propos du Soleil : il attribue l’énergie solaire aux météorites (1890) et réfute tout lien entre éruption solaire et orage magnétique (1892).
  • L’inventeur italien Marconi réalise la première liaison transatlantique radio en 1901, ce qui lui vaut le prix Nobel en 1909. Les auteurs démontrent que cette liaison était impossible à la fréquence radio utilisée et doutent de l’authenticité de l’exploit, d’ailleurs réalisé sans témoin.
  • Le Norvégien Kristian Birkeland, ancien étudiant d’Henri Poincaré en France, est le premier à expliquer les aurores boréales, qu’il reproduit en laboratoire (1896). Ce chercheur génial sera pourtant incompris, raillé et ridiculisé, et il se suicide en 1917.

Les auteurs décrivent les moyens d’observation peu à peu mis en place, comme ce radar à Porto Rico muni d’une antenne de 305 m de diamètre, les sondes spatiales (Luna, Mariner) et le prolifique satellite SoHO offrant ses somptueuses images d’éruptions solaires.

Les impacts potentiels des sursauts du Soleil sur l’activité humaine sont analysés : destructions de satellites, erreurs des mesures GPS, perte du contrôle aérien, irradiations des pilotes et spationautes, effondrements des réseaux électriques et de télécommunications. S’il avait lieu aujourd’hui, le fameux évènement de 1859 entraînerait des dégâts estimés à 2000 milliards de dollars !
Au passage, les auteurs tordent le cou à la thèse des climatosceptiques qui expliquent les variations du climat par les caprices du Soleil : ceux-ci n’atteignent pas 0,1% de l’énergie irradiée !

Un chapitre est consacré aux techniques modernes de recherche : modélisation et intelligence artificielle. Nombre de pays possèdent leur centre opérationnel de météorologie spatiale, placé souvent sous tutelle de l’armée. C’est le cas en France.

Ce petit livre, illustré de photos, fourmille d’informations. Il est accessible à un public non spécialisé. Les passages plus ardus sont indiqués et peuvent être ignorés. Alors que les ouvrages sur l’Univers abondent, ceux qui explorent notre voisinage immédiat, si l’on ose dire, sont plus rares et méritent notre attention. Après tout, nous sommes appelés à côtoyer notre cher Soleil encore quelques milliards d’années.

Sous la direction de Claire-Marie Pradier

(CNRS Editions, 2021, 328 p. 22€)

 
Etonnante chimie (Dir. C.-M. Pradier, CNRS Ed.)En un temps où la croyance remplace souvent la connaissance et où la chimie est vilipendée par beaucoup, il est précieux de publier un livre montrant l’importance et les réalisations actuelles de cette science. La chimie, science de la transformation de la matière, et l’industrie chimique, mère de toutes les industries, sont mal connues et, en France, tout ce qui est chimique est mauvais et tout ce qui est naturel est bon. Ce schéma simpliste est véhiculé par les médias généralistes, qui oublient que la chimie est un acteur majeur de l’industrie française. Cela dit, ce qui est qualifié d'industriel a aussi mauvaise réputation !

Le livre est structuré en six parties, dont les divers éléments sont rédigés par quelques dizaines de scientifiques enthousiastes. Le tout est coordonné par Francis Teyssandier et Olivier Parisel, sous la direction de Claire-Marie Pradier.

La première partie intitulée «Voyage dans le temps et dans l’espace» donne l’impression, au début, d’un inventaire à la Prévert. On se promène dans l’exobiologie, dans les parfums, on y rencontre Marie-Anne Paulze, Jean-Baptiste Dumas et Alexandre Borodine. Enfin Bernadette Bensaude-Vincent y montre les causes de l’enthousiasme, de la crainte et du rejet que la chimie inspire en ce moment. Malgré la sensation de passer du coq à l’âne, ce chapitre est très agréable à lire et tient en haleine avec la diversité de son récit. Les parties suivantes sont plus homogènes.

La deuxième partie concerne l’importance de la chimie dans l’environnement. On y rencontre la chimie des plantes, celle présente dans les océans et dans les nuages, mais aussi des solutions d’avenir comme le dessalement de l’eau de mer, la photosynthèse artificielle et la valorisation des déchets.

La troisième partie, elle aussi d’actualité, concerne la création et le stockage de l’énergie. On y rappelle que l'électricité fournie par les batteries est d’abord une énergie chimique, puis on étudie le stockage de l’énergie et on nous vante les supercondensateurs. La chimie permet aussi la production d’électricité grâce à l'hydrogène et à la pile à combustible, au photovoltaïque, mais aussi à la thermoélectricité.. Le chapitre se termine par l’étude des ergols, qui permettent de lancer les satellites et de modifier leurs orbites. On y rencontre aussi la personnalité mal connue de Joseph Louis Proust et ses recherches en tant que chimiste.

Le quatrième chapitre est intitulé «Modeler et ciseler la matière». Après avoir vu les relations entre la modélisation de la chimie et les supercalculateurs, on essaye de visualiser les molécules pour mieux les étudier. Les mystères de la réaction de Grignard sont évoqués puis on va dans l’espace regarder l’influence de la pesanteur sur l’évolution de la matière. Au milieu de cette partie, un article sur Angela Merkel démontre, s’il en est besoin, que son niveau scientifique lui permet d’appréhender et de comprendre, mieux que beaucoup d’autres, les problèmes souvent technologiques qui défient nos sociétés. On passe ensuite aux alliages à mémoire de forme et à deux aspects des matériaux nanoporeux.

La cinquième partie aborde naturellement la relation entre la santé et la chimie, sans toutefois s’appesantir sur les médicaments. On y trouve l’étude de l’air expiré, la nature des produits pour l’imagerie et les progrès des médicaments pour la maladie d’Alzheimer. On voit ensuite les nanomédicaments, la microfluidique et la chemo-informatique. Comme dans les parties précédentes, on rend visite à de grands scientifiques : Irène Joliot-Curie et Pierre Potier. Le chapitre se termine par l’apport de l’impression 3D.

La dernière partie concerne la chimie au quotidien. Après avoir vu la chimie du vin et la cause du goût de bouchon, on étudie l’importance de cette science dans la cosmétique. La fabrication de polymères singeant la nature est ensuite abordée, puis on découvre les nouveaux produits fluorescents qui aident la police scientifique. Dans cette partie, on rend hommage à deux scientifiques : Primo Levi et Michel-Eugène Chevreul. Le texte se termine par la relation entre la chimie et la cuisine.

Ce livre est donc bienvenu dans un pays où la science, et en particulier la chimie, n’ont pas dans l’esprit de nos concitoyens la place qu’elles méritent. Facilement abordable, il devrait être lu, au moins et entre autres, par tous ceux qui pensent que l’adjectif chimique veut dire toxique et dangereux, ce qui, en France devrait assurer quelques millions de lecteurs !

Jean-Paul Delahaye

(Dunod, 2021, 192 p. 15,90€)

 
Pythagore à la plage (J.-P. Delahaye, Dunod)Les mathématiciens sont épris d'absolu, une opération est vraie ou fausse, il n'y a pas de milieu. Certes les figures géométriques ne sont pas toujours parfaites, mais les raisonnements qui s'y appuient sont sans ambiguïté. Ajoutons que c'est là que l'esprit humain a pour la première fois rencontré l'infini, et la démonstration par Euclide du caractère illimité de la suite des nombres premiers n'est contestée par personne.

Dans ces conditions, penser que les nombres (entiers et positifs) gouvernent le monde était naturel et les nombres rationnels (rapport de deux entiers) furent accueillis sans trop de difficultés, mais la découverte de nombres «irrationnels» provoqua une première crise : cachez ces nombres que je ne saurais voir ! Il en fut de même plus tard avec le zéro, avec les nombres «négatifs» puis avec les nombres «complexes» et les nombres «imaginaires», si différents des nombres «réels». Tout ce vocabulaire exprime bien les problèmes de conscience successifs des mathématiciens et, d'une manière tout à fait analogue au XIXe siècle, les promoteurs des géométries non euclidiennes eurent le plus grand mal à être pris au sérieux.

Sans aller si loin, le livre Pythagore à la plage vous conduira parmi les beautés magnifiques rencontrées en chemin et vous fera rêver.

Yann Mambrini

(Dunod, 2021, 208 p. 15,90€)

 
Newton à la plage (Y. Mambrini, Dunod)Newton, Pascal, Ampère, Joule, Watt, Tesla... Oh là là, on a donné le nom de ces savants à des unités de phénomènes physiques en rapport avec leur travaux, mais il y a longtemps que je ne sais plus lesquels ! C'est dommage car la vie de ces êtres d'exception n'a rien de la routine des vies ordinaires ; poussés par une curiosité immense, un sens aigu de l'observation et une grande faculté d'étonnement, ils repèrent ce qui n'est pas en accord avec les idées de leur époque et finissent, parfois au bout de vingt ans de travail, par améliorer d'une manière souvent décisive notre compréhension du monde où nous vivons.

On croit parfois que les savants sont mus par le désir de servir l'humanité, par la vanité personnelle voire par l’appât du gain, mais non, il suffit de connaître leur passionnante histoire pour comprendre que c'est leur inépuisable curiosité qui les pousse toujours plus loin. Pourquoi donc la pomme tombe de l'arbre ? Pourquoi donc l'aiguille aimantée dévie au voisinage d'un fil électrique ? Pourquoi la foudre ? Pourquoi l'arc-en-ciel ? Pourquoi les franges d'interférences ? Pourquoi ? Pourquoi ?... et le plaisir de la découverte est tel qu'il justifie tous les efforts passés, toutes les observations, toutes les expériences, toutes les mesures, tous les calculs !

Anne Augereau

(CNRS Editions, 2021, 304 p. 24€)

 
Femmes néolithiques (A. Augereau, CNRS Ed.)Un livre assez imposant (304 pages) dans une série faisant le point sur diverses connaissances. Ici, le thème est clairement exposé dès la première phrase : «On peut affirmer aujourd’hui que la domination masculine est un fait quasi universel», la suite ayant pour finalité d’examiner si ce fait est universel dans le temps en remontant jusqu’au Néolithique et aux sociétés d’agriculture.

Donc un sujet dont l’intérêt n’est apparu que très récemment, la domination masculine ne semblant poser problème que depuis moins d’un siècle.

Pour des acteurs des sciences «dures» comme l’auteur de ces lignes, les méthodes d’investigation sont très intéressantes même si elles semblent contestables car très différentes des sciences dures justement, où l’on peut faire des expériences. On remarque aussi immédiatement les grandes précautions oratoires pour n’oublier personne parmi les collègues.

L’auteur se concentre sur une période dite «du Rubané» faisant allusion à un certain type de poterie que l’on retrouve sur une zone très vaste, du Danube au Bassin parisien au moins, et sur une période embrassant des milliers d’années. En agrégeant les découvertes et les analyses de tombes notamment, on peut dresser un tableau assez riche des mœurs et de la sociologie de ces populations, même si cela peut prêter à critique, surtout si en plus on se réfère à des sociétés «primitives» actuelles. L’auteur est parfaitement consciente des biais possibles.

Pour faire simple, on dira que deux voies d’investigation dominent : l’agencement des tombes et ce qu’on y trouve (outils, parures, poteries...) et l’origine géographique des personnes défuntes qu’on peut tirer du dosage du strontium de leurs dents via leur régime alimentaire.

Il n’est pas toujours évident de déterminer le genre d’un squelette, notamment la forme du bassin, ce qui réduit le nombre d’échantillons qu’on peut inclure dans une statistique. De 3000 squelettes trouvés, on ne peut assurer le genre que de 378.

L’idée assez logique est que quand on place une herminette polie dans une tombe et qu’on se sépare ainsi d’un objet difficile à fabriquer donc cher, c’est que le défunt était une personne importante, en général un homme. De même si le squelette comporte des bijoux, c’est que c’était une femme importante. Cet argument n’est qu’à moitié convaincant : Mumtaz Mahal pour laquelle fut bâti le Taj Mahal n’avait probablement pas de rôle politique important : c’est son mari qui se glorifie par cet édifice splendide.

L’analyse de la déformation des os et des articulations renseigne sur l’activité, notamment le broyage des grains, les blessures sur la guerre (pas si fréquente en fait). Le strontium permet de montrer que le plus souvent les hommes naissent, vivent et meurent sur place, tandis que les femmes peuvent venir de loin (migrations, razzias ?). De même les parures peuvent venir de loin, comme des coquillages marins en Alsace, ce qui montre que ces gens-là voyageaient et ne regardaient pas à la dépense lors de funérailles.

La conclusion assez prévisible est que ces sociétés rubanées étaient inégalitaires, avec des rôles homme-femme délimités et des hommes dominateurs. Nous n’avons rien inventé !

Tim James

(Dunod, 2021, 256 p. 19,90€)

 
Magique cosmos. Des quarks aux quasars, les mystères de l’Univers (T. James, Dunod)Avec une tonalité qui se veut teintée de légèreté (dans la veine de l’humour britannique, malgré l’obstacle de la traduction), l’auteur présente un panorama très complet des connaissances d’aujourd’hui sur l’Univers mais aussi des débats encore en cours entre scientifiques sur ces sujets vertigineux.

Il montre d’abord «Un Univers bien étrange» (Partie I), immense, très vieux et plutôt bizarre. Il rappelle les principales étapes des découvertes, depuis les Grecs jusqu’à aujourd’hui en passant par l’héliocentrisme de la Renaissance, la théorie de la relativité générale d’Einstein, ses 3+1 dimensions avec l’introduction du Temps, la courbure de l’espace-temps et la théorie du Big Bang.

Il s’interroge ensuite sur «Tout ce que nous ne savons pas (encore) sur l’espace» (Partie II). La singularité cosmique est encore affrontée à de nombreuses interrogations : forme et origine de l’Univers, antimatière et matière noire, accélération de l’expansion, pulsars et quasars, trous noirs, trous de ver, particules, boucles et cordes...
Tous ces termes et concepts font l’objet d’une présentation de l’état de la connaissance mais aussi des débats entre chercheurs et des interrogations autour d’une théorie du Tout qui pourrait inclure la physique quantique et la relativité générale telle que la proposa Stephen Hawking ou la théorie des cordes.

Il aborde enfin le sujet de «La vie dans les étoiles» (Partie III) à partir de la définition de la vie convenue par la NASA en 1994 : «un système chimique autonome capable d’une évolution darwinienne». Combien peut-il y avoir de planètes dans des zones «boucle d’or» où la vie pourrait se développer ? Et peut-on répondre au paradoxe de Fermi ?

Même si les concepts et les différentes théories sont souvent difficiles à appréhender pour le non scientifique, le livre se lit avec facilité et fournit une passionnante vision de la singularité de l’Univers.

«Quelle chance d’être entourés de tant de mystères qui attendent désespérément d’être résolus et quelle chance de vivre dans un Univers bien plus grand que notre imagination !»
«Je crois vraiment, et je pense que je le croirai toujours, que c’est la science qui sera la clé pour sauver notre espèce».
Telles sont les phrases de conclusion de l’auteur.

Trinh Xuan Thuan

(Flammarion, 2021, 544 p. 23,90€)

 
Mondes d'ailleurs (Trinh Xuan Thuan, Flammarion)Un livre qui a pour ambition d’examiner tous les aspects d’une question qui hante l’humanité depuis toujours : «Sommes-nous seuls dans l’Univers ?». Les récits et les théories sur la création de l’Univers abondent dans les textes religieux et aussi dans les travaux de scientifiques, l’histoire ayant retenu les noms de Galilée, Copernic, Kepler pour ne citer que ceux qui ont eu du succès. Selon l’adage bien connu que l’histoire est écrite par les vainqueurs, on n’a retenu que ceux dont l’approche s’est révélée gagnante (ceux-ci-dessus).
Il faut dire que nos prédécesseurs, dans leur souci de comprendre, ont fait avec ce qu’ils avaient sous la main et sous les yeux, ce qui incluait les textes sacrés dont la vocation n’était pourtant pas la vulgarisation scientifique, selon la théorie que «quand on n’a qu’un marteau, tous les problèmes ressemblent à des clous».

L’auteur parle longuement et fort logiquement des exoplanètes, en soulignant un fait peu connu, à savoir que leur découverte avait été annoncée bien avant les années quatre-vingt-dix, et démentie ensuite.
On comprend bien qu’il est difficile de faire des statistiques sur les milliers d’exoplanètes aujourd’hui cataloguées ; les méthodes de détection privilégient un certain type : massive, tournant rapidement dans le plan de visée de l’étoile... Quant à savoir de quoi ces planètes sont faites et si elles pourraient abriter la vie, c’est tout le problème. L’auteur parle en détail d’une zone habitable donnant la bonne température pour que de l’eau liquide puisse exister mais, fort honnêtement, il donne un contre-exemple : notre Lune se trouve dans la zone habitable du Soleil mais n’abrite aucune vie.

L’auteur passe en revue les planètes du Système solaire et leurs satellites, ceux de Jupiter surtout (les satellites galiléens). On est assez ébahi par leur diversité de nature, de structure, d’aspect et on subodore que pour les exoplanètes, il doit en aller de même. On examine un certain nombre de critères qui mènent à la fameuse équation de Drake censée donner le nombre d’univers habités ; un produit de données arbitraires, même le nombre de termes de l’équation n’est pas acquis, et puis on ne dit pas à quoi pourraient ressembler ces êtres vivants venus d’ailleurs.

Ce livre est sans conteste l’œuvre d’un vrai scientifique et on lui pardonnera quelques phrases bizarres comme «Vénus a une température infernale de 4,7 fois celle de l’eau bouillante» ou bien «l’eau combustible principal de la fusée Saturn V». On l’autorisera aussi à rêver à des fusées à propulsion nucléaire, dont le seul exemplaire connu est la fusée à damiers du professeur Tournesol, mais on contestera les discussions théologiques inutiles.

Ce livre se veut pédagogique à la portée d’un lycéen un peu curieux et il l’est, mais au prix de rappels sur les théories de l’évolution, de la relativité, de la biologie... et en faisant l’impasse sur des sujets plus pointus, notamment le saut quantique qui a permis de mesurer l’effet Doppler-Fizeau d’une étoile entraînée par ses satellites ou encore la puissance d’un émetteur qui aurait pu être détecté par le programme SETI (Search of Extraterrestrial Intelligence). Ces rappels engendrent un volume de 507 pages hors index, il faudra que le lycéen soit, en plus, courageux !
Donc un livre intéressant, qui a la grande qualité d’être à jour puisque publié en mai 2021.

Johann Mourier

(Quae, 2020, 144 p. 23€)

 
40 idées fausses sur les requins (J. Mourier, Quae)Voici un petit livre, écrit par un chercheur spécialiste du comportement et de l’écologie des requins, qui s’attaque aux idées fausses sur ce poisson considéré comme le prédateur absolu des océans. Il est vrai que des films comme Les dents de la mer n'ont pas donné une bonne réputation à cet animal alors que les attaques sur l’Homme restent rarissimes et que l’on peut aller nager avec eux sans risque avéré.

Le livre est présenté en quarante chapitres, relativement brefs et très illustrés, pour expliquer qu’il ne s’agit pas d’un poisson osseux, que ses écailles sont particulières et que sa peau peut être utilisée après lissage (sous le nom de galuchat), qu’ils n’ont pas tous des dents acérées ou qu’ils sont le plus souvent ectothermes (leur température corporelle est identique à celle de l’eau environnante).

Beaucoup d’autres idées fausses sont citées dans ce document et l’auteur s’attache à rétablir la vérité : le requin n’attaque pas le surfeur en croyant chasser une proie mais plutôt par curiosité ; toutes les espèces ne sont pas en voie d’extinction ; seules dix espèces de requins ont été confirmées comme responsables de morsures mortelles chez l’Homme, etc.

On apprend aussi que la queue allongée du requin-renard permet de le propulser à plus de six mètres hors de l’eau ou que les femelles peuvent être ovipares, ovovivipares ou vivipares selon les espèces. Chez la femelle requin-taureau ovovivipare, il peut y avoir six ou sept embryons dans chacun des deux utérus et l’embryon le plus âgé peut dévorer ses frères et sœurs dans l’utérus de leur mère !

Ce petit livre nous apprend beaucoup sur l’écologie, le comportement et les interactions entre le requin et l’Homme. Il permet de changer la perception que nous avons de ces squales, avec des illustrations nombreuses et très explicites.