Dominique Leglu
Ancienne directrice éditoriale à Sciences & Avenir – La Recherche
À l’exposition universelle 2025 d’Osaka, qui a fermé ses portes le 13 octobre 2025, les termes de connectivité, durabilité, intelligence artificielle… ont été mis en exergue dans nombre de pavillons, mais avec l’injonction par nombre de pays à s’ancrer dans leurs traditions. Paradoxe ? Peur d’un avenir robotisé et déshumanisé ? Des innovations, oui, mais celles ouvrant vers un futur souhaitable. Reportage.

Innovation et connectivité, d’accord, mais sans oublier les traditions ! A l’heure où vient de fermer, le 13 octobre 2025, l’Exposition universelle 2025 à Osaka (Japon) dont le slogan a invité à « Concevoir la société du futur, imaginer notre vie de demain », c’est un appel à ancrer l’évolution des techniques dans la culture de son pays que chaque pavillon national a défendu, sur la petite vingtaine (lire encadré) que nous avons pu visiter1. Un exemple frappant ? Celui des Émirats arabes unis, qui ne cessent depuis plusieurs années de mettre en avant leur engagement dans le spatial. Dans leur pavillon, trônaient des sortes de hautes futaies – colonnes-piliers conçus avec une technique traditionnelle consistant à attacher ensemble des frondes de palmier séchées – un symbole de durabilité. Mais le plus étonnant résidait encore ailleurs, dans une fusée flanquée de deux boosters, au revêtement… de paille beige tressée. Et à ceux qui n’auraient pas compris le message global « Earth to Ether » (« de la Terre à l’éther », clin d’œil à une vision à l’ancienne d’évoquer le ciel, à la conquête duquel partent les Émirats), il a été noté sur un écran interactif que « pour naviguer dans le désert et sur les mers, leur peuple a observé les étoiles ». Bravo les constellations de satellites, qui autorisent une grande connectivité terrestre, mais n’oublions pas l’importance de l’astronomie la plus traditionnelle. Il faut continuer à lever les yeux et à savoir lire les constellations…
À ce sujet, on sait la forte inquiétude actuelle des astronomes devant les graves perturbations qu’occasionnent les grappes de satellites en orbite basse, passant devant l’objectif des télescopes. Le ciel profond va-t-il devenir inatteignable à leurs observations depuis le sol ? A tous ceux que le sujet captive, l’AFAS conseille de voir (ou revoir) la rencontre du 25 septembre 2025, qu’elle a co-organisée avec la Société d’encouragement pour l’industrie nationale (SEIN) et la société des ingénieurs et scientifiques de France (IESF), intitulée « Pollution de l’espace. Quelle régulation ? »2.

Même antienne à Osaka pour le pavillon indien, enveloppé dans des gazes en forme de pétales de fleur de lotus, vantant dans le même temps sur son grand toit plat, la spectaculaire réussite de la mission lunaire Chandrayaan-3 de 2023. Et ce, grâce aux lumières de 72000 LED reproduisant en mode pixellisé le module Vikram (« vaillance ») en train d’alunir au pôle sud de notre satellite. Une réussite qualifiée d’historique, quand la Russie voyait son Luna-25 s’écraser sur l’astre sélène en ces mêmes lieux. Quelques signaux de plus ? Deux immenses mains jointes pour un namaste (« bonjour » ou « au revoir » issu du sanskrit) ont accueilli le visiteur, l’une d’elles représentant la technique (des lignes d’un micro-processeur dessinées sur cette main), l’autre la tradition. Visible dès l’entrée, une tapisserie traditionnelle recouvrait un mur, des broderies brillantes sur fond noir représentant un circuit intégré. « Oui, nous voulons l’alliance de la culture et de la technologie. Le meilleur des technologies tout en restant ancrés dans notre culture, tel est notre message », confie Dr Garima Mittal, directrice générale du pavillon. C’est seulement dans des vidéos projetées en boucle, donc bien plus éphémères, que les visiteurs ont pu être sensibilisés à l’« Innovative India » et ses « plus de 100 licornes, ce qui place le pays au 3ème rang mondial ».

Dans leur propre pays, les Japonais, qui ont voulu prôner l’économie circulaire, souhaitaient également parler directement au citoyen. D’où ce slogan général affirmant que le Japon a élaboré « Un pavillon qui mange les déchets ». Et de montrer, dès l’entrée serpentant entre d’élégantes cloisons de bois, les plats ou boissons traditionnels utilisant beaucoup de plastique ainsi que les restes de nourriture, le tout à impérativement recycler pour faire baisser la pollution tout en fabriquant du biogaz… Oui aux microorganismes et à la connaissance de la chimie, biochimie, nutrition… mais ancrée, en particulier, dans la tradition de la consommation des algues. Et de rappeler leurs innombrables bienfaits, pour le climat et le bien-être des humains, car pouvant « absorber 14 fois plus de CO2 qu’un cèdre » ; « produire 36 fois plus de protéines que le soja ou 50 fois plus de protéines que la viande de bœuf »…
On se demande maintenant comment se positionnera en 2030 l’Arabie Saoudite, où se déroulera la prochaine exposition universelle, dont les projets faramineux (Neom, The Line, Oxagon3…), robotisés et hyperconnectés, donnent a priori l’impression d’être peu écologiques. À Osaka, les visiteurs s’interrogeaient déjà sur ce caractère, au vu des forêts qui avaient dû être abattues pour construire la spectaculaire construction de bois de 2,1 km de circonférence, 20 mètres de haut enserrant les pavillons. Un magnifique « Grand Anneau » mais peu écologique sur une île elle-même artificielle et gagnée sur l’océan.
Peu médiatisée en France, l’Exposition Universelle d’Osaka a surtout attiré les Japonais et visiteurs asiatiques. Nous avons pu voir 16 pavillons (liste ci-dessous) et établi un classement subjectif pour 7 d’entre eux :
*Brésil, le plus captivant, avec une scénographie originale (matières gonflables mobiles) et des messages universels puissants (déforestation, santé mentale, émission de gaz à effet de serre…)
*Portugal, consacré à l’indispensable protection de l’océan, très émouvant.
*Japon, élégant et pédagogique sur la durabilité
*Émirats arabes unis, créatif dans son alliance tradition-spatial (voir article ci-contre)
*Pologne, Lituanie et Lettonie, interactifs et incitant à innover avec la nature.
*France, avec son slogan « Un hymne à l’amour » est une vraie publicité pour ses sponsors (Vuitton, Dior…), et pratique aussi l’alliance tradition-modernité avec élégance : belle tapisserie d’Aubusson représentant une image du film princesse Mononoke ; un vieil olivier de 1000 ans venu du sud de la France sera réimplanté à Kyoto ; hommage à Notre-Dame de Paris en reconstruction pixellisée. A noter, le pavillon français a été l’une des principales attractions (officiellement, près d’un visiteur sur cinq de l’exposition, plus de 4 millions de visiteurs fin septembre), hors celui du Japon.
Liste des pavillons visités sur les 200 pays et institutions représentés : Algérie, Arabie Saoudite, Bangladesh, Brésil, Cambodge, Earth at night, Espagne, France, Inde, Japon, Lettonie et Lituanie, Pologne, Portugal, Thaïlande, Pavillon Panasonic « The land of Nomo », Pavillon Sumitomo.
- Merci au Club de Paris des directions d’innovation et à son président Marc Giget d’avoir organisé la visite de l’Exposition Universelle d’Osaka au mois d’août dont l’AFAS a pu profiter. ↩︎
- Avec l’académicien Guy Perrin (astronome à l’Observatoire de Paris) et Joachim Coste (chef de produits Défense de Look up), en replay dans la série de conférences « Sciences et Industrie ». ↩︎
- Projet « Neom » pour Neo (nouveau) et M (mostaqbal, futur en arabe) ; The Line, ville en plein désert, initialement annoncée de 170 km de long, actuellement réduite à 2,4 km ; Port d’Oxagon, projet de « plus grande ville industrielle flottante ». ↩︎