Deux voyages en préhistoire

Dominique Leglu

Ancienne directrice éditoriale à Sciences & Avenir – La Recherche



Découvrir la préhistoire autrement ? Deux expositions en hommage aux grottes ornées et aux sublimes gestes des hommes préhistoriques qui y ont dessiné et gravé, sont actuellement visibles jusqu’au début janvier 2026, au Musée national de préhistoire et au Pôle d’interprétation de la préhistoire (PIP), aux Eyzies (Dordogne). À ne pas manquer.

Œuvre abstraite évocatrice des grottes et de la préhistoire réalisée par l’artiste Aurélien Mauplot, en résidence au Musée national de préhistoire, aux Eyzies (Dordogne) (c) Dominique Leglu

Deux points noirs sur le mur, et voici qu’un visage apparaît. Une forme insolite dans les nuages et c’est un dragon qui semble traverser le ciel. Cette tendance que nous avons, nous humains, à transformer des éléments disparates en une forme connue, cette inclination pour la paréidolie1, les visiteurs du Musée national de préhistoire des Eyzies (Dordogne) devraient désormais la ressentir avec plaisir dès l’entrée. Y trône en effet depuis plusieurs semaines l’œuvre intrigante d’Aurélien Mauplot, commande publique qui continuera d’orner ces lieux emblématiques, quand l’exposition de l’artiste intitulée « Les mondes invisibles » se terminera en janvier 20262. Alternance de griffures noires et blanches, de sillons dorés, de rayons verticaux dans 20 panneaux accolés, c’est l’ambiance mystérieuse des grottes ornées qui semble se révéler. Le visiteur y décèle-t-il comme une présence d’ours ou de tigres à dents de sabre ? D’Homo Sapiens soi-même ayant labouré la paroi de son grattoir ? Des visages ou corps émergent-ils ? Chacun est libre de ses visions et de son interprétation de l’œuvre nommée « Jekstàt »3.

Exposition “ Les mondes invisibles”. Agrandissement sur une bâche de corps et visages de femmes du Magdalénien (c) Dominique Leglu

Pour l’artiste resté en résidence pendant trois ans dans ce bourg du Périgord où fut trouvé Cro-Magnon en 1868, ce sont les traces, les « vestiges des gestes » des hommes – ou femmes – préhistoriques qui impressionnent (lire aussi encadré ci-après). D’où cette œuvre abstraite qui devrait susciter les commentaires. Et ce, en sus des dessins ou gravures emblématiques que les amoureux de la préhistoire ont évidemment en tête – chevaux de Lascaux, bisons de Font-de-Gaume, mammouths de la grotte de Rouffignac…

Au fil de la visite dans les étages du musée, deux des multiples propositions de l’artiste sont à ne pas manquer. Émouvant, cet agrandissement spectaculaire imprimé sur une vaste bâche de corps et visages de femmes vues de profil, à l’origine discrètes gravures sur une plaquette remontant au magdalénien4. Très étonnante aussi, la vision en noir d’encre de Chine de la forme des grottes, leurs couloirs et leurs salles. Résultat, tout un mur orné d’une multiplicité de figures dansantes telles de petites rivières, ou encore sarments de vigne serpentiformes et grosses bouteilles avec goulot. Le tout imprimé sur les pages jaunies de l’ouvrage de Jules Verne, « Voyage au centre de la terre ». Inspirant.


L’exposition sur “L’expérience rupestre” que sept auteurs/autrice de BD ont vécue dans une grotte est visible au Pôle d’interprétation de la Préhistoire jusqu’au 4 janvier 2026.(c) Dominique Leglu
  1. Du grec « para » (à côté de) et « eidôlon » (simulacre) ↩︎
  2. Jusqu’au 5 janvier 2026. Rens : 0553064545 https://affluences.com/fr/sites/rmn-gp/musee-national-de-prehistoire ↩︎
  3. « Je plaisante », en letton. ↩︎
  4. « Les gravures de la Marche. Tome 2 : Les Humains » par Léon Pales et Tassin de Saint-Péreuse, 1976. Le magdalénien est situé entre 17000 et 14000 ans avant le présent. ↩︎
  5. Edmond Baudoin, Chloé Cruchaudet, Étienne Davodeau, Emmanuel Guibert, David Prudhomme, Pascal Rabaté et Troubs
    On peut les voir à l’œuvre dans le film « Rupestres », réalisé par Marc Azéma. Voir bande-annonce : https://youtu.be/JJH8uYOHyeU?feature=shared ↩︎
  6. Jusqu’au 4 janvier au PIP, www.pole-prehistoire.com, les Eyzies, Rens : 0553060695 ↩︎